Une nouvelle carte confirme que plus de 60 % des sols européens sont dégradés  

Un nouveau tableau de bord a été conçu en vue de la prochaine loi européenne sur la santé des sols, attendue en 2023. [maxbelchenko / Shutterstock]

Un nouvel outil de l’Observatoire européen des sols (EUSO) est parvenu à évaluer et à cartographier la santé des sols européens. Une première étape en vue de la nouvelle législation sur les sols attendue cette année.

« Pour la première fois, nous pouvons voir l’état de santé des sols et l’étendue de la dégradation dans l’UE », s’est félicité Virginijus Sinkevičius, le commissaire européen à l’Environnement sur Twitter le 14 mars dernier.

Développée par le Centre commun de recherche (JRC) de la Commission européenne pour l’Observatoire européen des sols (EUSO), cette nouvelle carte s’est appuyée sur 15 indicateurs de dégradation des sols incluant l’érosion, la pollution, la perte de carbone ou encore la biodiversité.

Pour chacun de ces indicateurs, des seuils ont été fixés pour déterminer si les sols peuvent être considérés comme sains ou malsains. En cohérence avec d’anciennes estimations, le tableau de bord révèle ainsi que 61 % des sols européens se trouvent dans un état dégradé.

« Des publications scientifiques portent sur l’érosion, d’autres sur la contamination, d’autres encore sur la perte de carbone. Mais pour la première fois ce tableau cumule et rassemble des évaluations faites séparément », explique à EURACTIV France le chercheur Antonio Bispo, directeur de l’Unité Info et Sols à l’INRAE.

80 % des arbres sont malades en Allemagne, selon un rapport

Le dépérissement des houppiers affecte 80 % des arbres en Allemagne, selon le rapport annuel du gouvernement sur les forêts, publié mardi (21 mars), qui souligne également les graves sécheresses observées ces dernières années.

La carte montre que parmi tous les modes de dégradation, la perte de carbone organique du sol demeure le plus sérieux (53%), suivi de la perte de biodiversité des sols (37%) et le risque de dégradation des tourbières (30%), en sachant que la plupart des sols cumulent différents maux.

Toutefois, les scientifiques du JRC invitent à la prudence concernant ces chiffres en raison du « manque reconnu de données sur de nombreux autres problèmes de dégradation des sols, tels que la contamination des sols« .

De plus, pour Antonio Bispo, les seuils ne sont pas toujours « légitimes » en fonction des pays et des territoires : « La constitution des sols n’est pas la même en Espagne ou en France, certains sols peuvent être naturellement riches en éléments traces [éléments chimiques présents naturellement en faibles concentrations dans l’environnement, NDLR], d’autres pauvres tout en étant contaminés ».

Le JRC tient à préciser que cet outil est perfectible, et qu’il tiendra compte, dans un second temps, des spécificités locales avec des seuils de dégradation adaptés.

Pour le scientifique de l’INRAE, cette appréciation à l’échelle européenne donne tout de même une vision globale, très utile pour prendre des décisions à l’échelle de l’UE, mais aussi pour que chaque citoyen puisse savoir dans quelles conditions l’alimentation est produite en Europe.

« Ce type de résultat restait jusqu’à présent dans l’arène scientifique, dans les publications. Aujourd’hui chacun peut prendre conscience du niveau de dégradation des sols sur le continent », ajoute-t-il.

 

Selon le tableau de bord de l’EUSO sur la santé des sols, 61 % des sols de l’UE sont dans un état dégradé.

Future loi européenne sur la santé des sols

Ce tableau de bord a été conçu en vue de la prochaine loi européenne sur la santé des sols, attendue en 2023.

« Il y a des réglementations sur l’air, sur l’eau, mais sur le sol, rien, déplore Antonio Bispo. Or, il faut qu’il y ait une directive pour que le problème existe. »

« Tous les travaux sur les sols dans le monde montrent qu’il y a des problèmes, mais aussi des solutions », poursuit-il.

Diversifier les cultures, enrichir les sols en matière organique, planter des haies : la future loi devrait lister un ensemble d’actions, en fonction de la nature et des usages des sols, afin d’apporter un cadre juridique aux ambitions inscrites dans la stratégie des sols de l’UE pour 2030.

L’objectif de cette stratégie est de mettre en place des mesures de restauration, en accord avec le Pacte vert pour l’Europe, mais aussi d’accentuer la surveillance des sols. Car les données manquent cruellement.

« On ne connaît pas bien l’état général des sols en Europe. Les chercheurs effectuent des prélèvements à divers endroits, mais une grande partie y échappe. Tous les pays n’ont pas de réseaux de surveillance : la France en a, mais pas l’Espagne par exemple », souligne le chercheur.

Pour les sols agricoles, la PAC possède déjà des leviers d’action telles que les nouvelles incitations à la rotation des cultures. Reste qu’une grande partie des sols, notamment urbains et périurbains, ne sont pas suffisamment pris en compte dans les politiques publiques.

La proposition de loi européenne sur la santé des sols devrait être communiquée en juin 2023. Elle aura comme ligne de mire le grand objectif de l’UE : atteindre 75% des sols sains en Europe d’ici à 2030.

Législation sur la santé des sols : ONG et entreprises veulent des objectifs contraignants

En prévision de la proposition législative de la Commission européenne sur la santé des sols attendue en juin, une coalition d’ONG, d’organisations agricoles progressistes et d’entreprises agroalimentaires a appelé à des mesures ambitieuses et contraignantes.

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire