Éducation sexuelle : "Si on n'en parle pas à l'école, on va en parler où ?"

Dans une classe du collège Jean Racine, de Saint-Brieuc, en Bretagne. ©Radio France - Sonia Princet
Dans une classe du collège Jean Racine, de Saint-Brieuc, en Bretagne. ©Radio France - Sonia Princet
Dans une classe du collège Jean Racine, de Saint-Brieuc, en Bretagne. ©Radio France - Sonia Princet
Publicité

"Moins de 15% des élèves bénéficient de trois séances d'éducation à la sexualité pendant l'année scolaire en école et au lycée", selon un rapport de l'inspection générale de l'Education nationale. Pourtant, ces trois séances sont prévues par la loi.

L'Éducation à la sexualité fait partie des programmes scolaires, avec théoriquement trois séances annuelles depuis la grande section de maternelle jusqu'à la terminale, prévues par la loi, depuis 2001. Mais un rapport de l'inspection générale de l'Education nationale, publié en septembre dernier, pointait un échec : moins de 15% des élèves à l'école et au lycée bénéficient de ces séances et moins de 20% des collégiens. Alors que le sexisme perdure chez les adultes, comment mieux former les jeunes sur ces questions ?

Encore un tabou à l'école

Au collège Racine à Saint-Brieuc dans les Côtes-d'Armor, l'éducation à la sexualité figure dans le projet d'établissement. "C'est encore tabou et si on n'en parle pas à l'école, on va en parler où ? explique Nathalie Plessix, l’infirmière scolaire, car on voit bien que les élèves sont exposés à des sites pornographiques en libre-service, avec des images dégradantes, de violences sexistes".

Publicité

Avec ses collègues, une professeur de français et l’assistante sociale, l’infirmière scolaire co-anime une intervention dans une classe de 4ème, "la 4ème C, du collège Jean Racine", précise Gwenn Bris, l’enseignante de français qui fait entrer les élèves. Des élèves de 13 ans, avec des bouilles d'enfants, s’installent bruyamment dans la classe.

Béatrice Marolleau, l'assistante sociale, intervient : "On va assister à une séance d'éducation à la sexualité, dit-elle, et on va travailler à partir d'un podcast." Le but est de laisser les élèves s'exprimer sur les thèmes qu'ils ont entendus. Un premier collégien se lance : "À un moment, il dit qu'elle lui fait une fellation. C'est quoi une fellation ?". Un autre élève répond, un peu hésitant : "Je crois... c'est quand la fille suce... enfin... le pénis d'un garçon..." La professeur de français acquiesce "oui c'est ça, tout à fait". L'assistante sociale précise : "Fille... ou garçon d'ailleurs". "J'ai une autre question, enchaîne le garçon. C'est quoi mouiller ? J'ai pas compris, ça veut dire quoi mouiller ?". Les rires fusent dans la classe. Une élève prend la parole, gênée : "En gros, bah c'est comme bander".

La question du consentement

Malgré les rires, l'infirmière Nathalie Plessix donne des explications : "Pour reprendre un petit peu au niveau scientifique, dit-elle avec sérieux. Quand il y a un rapport sexuel, il faut bien sûr que le sexe du garçon soit en érection pour qu'il y ait pénétration et il faut qu'il y ait de l'excitation chez la fille pour qu'elle 'mouille', c'est-à-dire qu'il y ait une sécrétion vaginale pour que le premier rapport ou que le rapport sexuel en général ne soit pas douloureux."

Puis elle entame un autre sujet : "Dans le podcast, est-ce-que la fille semble très à l'aise ?", demande-t-elle aux collégiens. Une jeune fille répond : "Elle ne voulait pas, mais elle n'a pas osé lui dire mais du coup lui, il a continué. Ça veut dire qu'il l'a violé !" Une autre élève intervient : "Mais après elle ne lui a pas vraiment dit non".

Nathalie Plessix intervient : "Par rapport au consentement, cela veut dire que dans ce cas de figure, la fille n'a pas dit non. Mais est-ce que le fait de ne pas dire non ça veut dire oui ?". Les élèves répondent en chœur que non. "Et cela n'a rien à voir avec le fait d'être amoureux ou pas, complète Gwenn Bris. On peut être très très amoureux, mais avoir un peu mal par exemple, ou il peut y avoir plein de raisons pour qu'on puisse dire non à un moment donné."

La parole libre des enfants

Tous les thèmes sont abordés, des violences conjugales au choix de l'orientation sexuelle, les élèves parlent librement avec des adultes qui ne sont pas leurs parents. C'est plus facile pour Loann : "J'ai l'impression que j'ai plus confiance, qu'ils sont moins dans ma vie perso, du coup c'est plus simple pour moi qui n'en parle pas beaucoup avec mes parents parce que souvent il y a ma sœur et ma sœur se moque de moi. Je ne peux pas être moi-même, même à la maison".

"Je suis contente qu'ils aient osé aborder les thèmes plus techniques devant nous, conclut Gwenn Bris à la fin de la séance, parce qu'on se dit qu'ils ne vont pas oser. Là, ils ont parlé sans honte. Ils ont presque tous parlé. Tous les élèves pratiquement ont levé la main au moins une fois."

Un collège exemple

Ce collège fait figure d'exemple. L'éducation à la sexualité fait partie du projet d'établissement et n'est pas seulement assurée par le professeur de SVT dans le cadre des cours sur la reproduction. Nathalie Plessis, l'infirmière scolaire a été spécialement formée*. "On a des temps comme aujourd'hui, où on travaille en interdisciplinarité, on a aussi des séances dans le champ médico-social, on organise aussi le mois de l'égalité avec des expositions, ou des journées contre le harcèlement et je pense qu'on fait largement plus que trois séances par an au collège. Par contre, j'ai de plus en plus de demandes dans le primaire avec des parents qui demandent plus d'actions dans le primaire parce qu'ils ne savent pas comment faire. Des gamins de CM1 sont déjà exposés à des sites pornographiques avec des espèces de mimétisme dans les cours de récréation, des pseudo fellations et avec un vocabulaire qui ne peut venir que de sites pornographiques".*

Dans cette classe de 4ème aussi, les élèves ont été exposés à ces images. Une jeune élève raconte avoir reçu des photos dénudées sur Instagram. Un garçon relate avoir eu sur son téléphone des notifications Google, avec des messages comme "Anna est à 3 km de chez". La classe éclate de rire car tous ont déjà vu ce genre d'annonces. En rire pour dédramatiser est la méthode choisie. Dans ce collège, la sexualité est de moins en moins taboue.

L'équipe

pixel