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Cerveau et psy

Plateforme ESPOIR, un outil pour les personnes endeuillées par le suicide

100.000 personnes perdent un proche par suicide chaque année en France. La plateforme ESPOIR, ouverte en ce début de printemps 2023, est un outil d’accompagnement destiné à ces personnes pour qui le deuil est souvent particulièrement difficile. 

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100.000 personnes perdent un proche par suicide chaque année en France

100.000 personnes perdent un proche par suicide chaque année en France

FANATIC STUDIO / SCIENCE PHOTO L / FST / SCIENCE PHOTO LIBRARY VIA AFP

Pour chaque personne qui se suicide, entre 6 et 14 personnes de son entourage proche se trouvent endeuillées, et en moyenne 135 sont touchées de près ou de loin par cette disparition. Une étude collaborative menée par le CH Le Vinatier (Lyon), le laboratoire de recherche RESHAPE, l’équipe digitale Interlude Santé et le CHU de Lille rend compte de l’isolement subi par les personnes endeuillées par suicide (PES). Trois quarts des personnes interrogées affirment ne pas trouver suffisamment d’information de qualité à ce sujet en ligne. La plateforme numérique ESPOIR*, issue de cette étude en trois phases et ouverte depuis le 20 mars 2023, a pour objectif d’accompagner le "passage de l’hiver au printemps".

Le deuil d'un suicide augmente le risque d'isolement et de pensées suicidaires

Si les circonstances du décès ne permettent pas de prédire la sévérité du deuil, le suicide fait partie des morts dites "brutales" qui exposent souvent à un deuil particulièrement difficile. "C’est une double peine", affirme Audrey Montagne, qui a participé au projet en tant que personne endeuillée par le suicide (PES). "Le suicide est brutal, indicible, et demande d’affronter seul, à la fois ses propres émotions, le regard des autres, mais aussi les démarches administratives et financières qui nous tombent dessus".

Le deuil est connu pour avoir de lourdes répercussions sur la santé mentale et sur le plan cognitif, augmentant les risques de dépressions, de troubles anxieux, des difficultés de concentration et de mémorisation. Ces effets sont amplifiés chez les PES, et entraînent souvent l’isolement et le repli sur soi. "Après un suicide, les proches touchés connaissent en général un fonctionnement cognitif très négatif dans la gestion des émotions, qui entraîne une démultiplication des craintes et anticipations négatives. Un accompagnement le plus précoce possible permet d’éviter l’installation de sentiments comme la honte et la culpabilité sur le long-terme", déclare Edouard Leaune, psychiatre et chef de service du Centre de Prévention du Suicide au CH Le Vinatier, à Sciences et Avenir, qui ajoute : "Souvent isolées, les PES connaissent des risques de deuil prolongé et de passage à l’acte qui pourraient être limités par un accompagnement adéquat".

Ce tabou autour du suicide, qui pousse les PES à l’isolement, se retrouve dans les résultats de la première phase de l’étude, soit une enquête par questionnaire auprès de plus de 400 personnes concernées. L’objectif de cette phase était de recueillir les besoins et attentes des participants, afin de créer une plateforme adaptée et utile au plus grand nombre.

"Soulager le poids de la culpabilité, et tendre la main"

"Les différentes émotions que traverse une personne endeuillée, la culpabilité par exemple, ne sont pas un fardeau qui se partage. Pourtant, on les retrouve chez chacune des personnes endeuillées" confie Audrey Montagne. Isolées dans des émotions, les PES ont deux à trois plus de risque de développer des idées suicidaires. Pour limiter ce risque, une information accessible est indispensable. "Les trois quarts des participants ont utilisé Internet pour leur processus de deuil, principalement pour obtenir des informations sur le deuil par suicide et la prévention du suicide et pour accéder à des témoignages d'autres personnes endeuillées par suicide", explique Edouard Leaune sur les résultats de la phase de recueil des attentes. Emportées par le tsunami social, administratif et financier suivant l’acte, les PES n’ont pas toujours le temps, ni le réflexe de se faire accompagner. Une plateforme numérique comme ESPOIR, accessible 24h/24 et 7j/7, permet de ne pas laisser les personnes concernées seules dans leurs ruminations. Le numérique permet également de répondre aux problématiques actuelles d’inégalités dans l’accès aux soins, amplifiées ici par l’isolement. 

Page d\'accueil de la plateforme numérique \

Edouard Leaune / CH Le Vinatier

Page d'accueil de la plateforme numérique ESPOIR

Un outil qui rassemble

Plus qu’un besoin d’information, les PES expriment le besoin de se retrouver et partager leur expérience du deuil. Leur deuil fini, Audrey Montagne et Gilles Robic ont accepté de participer à la création de cette plateforme en tant que témoins et personnes concernées, pour "soulager le poids de la culpabilité, et tendre la main". Tous deux confient qu’ils auraient eu besoin de cet espace de non-jugement au début de leur deuil, pour répondre aux : "Est-ce que c’est normal de ressentir, refouler ou réagir comme ça ?". Cette expérience leur a permis de s’engager dans la prévention du suicide et de l’accompagnement. Pour Gilles Robic, cela a été l’occasion de devenir pair-aidant en santé mentale, une manière pour lui de rebondir. "Le suicide d’un proche devient central dans l’existence de l’individu. Le numérique permet de créer une communauté autour de cette même expérience", précise Edouard Leaune. 

"À partir d’aujourd’hui, la plateforme devient ce que nous ferons ensemble de cette communauté d’expérience", déclare le psychiatre à l’occasion du webinaire d’ouverture de la plateforme. Résultat d’une collaboration entre professionnels de santé, membres d’associations spécialisées dans la postvention, professionnels de santé et chercheurs, cette plateforme numérique conservera cette dimension participative et pluridisciplinaire qui fait sa spécificité. "L’objectif est d’être complémentaire avec les autres dispositifs institutionnels, et les associations, qui auront un espace de partage réservé sur la plateforme" poursuit le psychiatre. Cet outil permet de partager des informations, ressources, contacts, mais aussi de rediriger les utilisateurs vers des spécialistes ou associations près de chez eux, selon leurs besoins. Enfin, il est important pour les porteurs du projet que "chaque personne endeuillée fait son deuil à sa manière, toutes n’ont pas besoin d’un accompagnement médical, cette plateforme permet une alternative supplémentaire".

Contacts utiles : Numéro national de prévention du suicide : 3114 / Plateforme ESPOIR : https://espoir-suicide.fr / Info Suicide : https://www.infosuicide.org

*Cet acronyme signifie : « Endeuillés par Suicide - Plateforme Orientation, Informations et Ressources ».

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