La terre qui est stérile et fissurée et les rayons du soleil dans la soirée

D'ici 2030, la demande mondiale en eau douce dépassera l'offre de 40 %

© neenawat - Getty

En cette journée mondiale de l'eau, un rapport d'experts tire la sonnette d'alarme et appelle à une refonte des pratiques de gaspillage de l'eau dans le monde.

Le sommet mondial de l'eau s'ouvre ce mercredi et pour deux jours à New York. Ce sera la première fois en plus de quatre décennies que l'ONU se réunit pour discuter de l'eau. La Commission mondiale sur l'économie de l'eau a décidé de profiter de cette occasion pour remettre un rapport aux gouvernants mondiaux et alerter la communauté internationale. Une prise en compte de l'eau nécessaire et urgente selon Johan Rockstrom, coprésident de la Commission mondiale sur l'économie de l'eau, et auteur principal du rapport interrogé par le Guardian qui se fait écho du document : « L'eau est essentielle à la crise climatique et à la crise alimentaire mondiale. Il n'y aura pas de révolution agricole si nous ne gérons pas l'eau. Derrière tous ces défis auxquels nous sommes confrontés, il y a toujours de l'eau, et nous ne parlons jamais d'eau. »

Gérer l'eau comme un bien commun mondial

Le monde est confronté à une crise imminente de l'eau et d'ici la fin de cette décennie, la demande devrait dépasser l'approvisionnement en eau douce de 40 %. Compte tenu de ces prévisions, les experts appellent les gouvernements à cesser de toute urgence de subventionner l'extraction et la surutilisation de l'eau par le biais de subventions agricoles mal orientées, et les industries à revoir d'urgence leurs pratiques pour éviter le gaspillage. Mais, selon les experts, la surexploitation ne serait pas l'unique facteur en cause. La pollution et la crise climatique menacent elles aussi directement l'approvisionnement en eau à l'échelle mondiale. « La preuve scientifique est que nous avons une crise de l'eau. Nous abusons de l'eau, polluons l'eau et changeons tout le cycle hydrologique mondial, à travers ce que nous faisons au climat. C'est une triple crise », indique Johan Rockstrom.

Face à ce que les auteurs du rapport qualifient de « négligence mondiale de l'eau », Mariana Mazzucato, coprésidente de la Commission – et également auteure principale du rapport – en appelle directement aux nations qu'elle exhorte à gérer l'eau comme un bien commun mondial : « Nous avons besoin d'une approche beaucoup plus proactive et ambitieuse du bien commun. Nous devons mettre la justice et l'équité au centre de cela, ce n'est pas seulement un problème technologique ou financier. »

Une gestion collective nécessaire poursuit Rockstrom, pour qui de nombreux gouvernements ne réalisent toujours pas à quel point ils sont interdépendants en matière d'eau : « La plupart des pays dépendent pour environ la moitié de leur approvisionnement en eau de l'évaporation de l'eau des pays voisins. Connue sous le nom d'eau « verte », cette eau participe à l'humidité du sol et assure le maintien des végétaux – et par extension la résilience de la biosphère », indique le chercheur.

Sur neuf limites planétaires, six ont été franchies

Le monde compterait neuf limites planétaires à ne pas franchir avant que l'humanité n'assiste à un changement d’état de l’écosystème planétaire irréversible. L'eau douce, par son rôle crucial dans le cycle de la nature, est l'une de ces limites. Selon l'hydrologue Emma Haziza interrogée par Radio France : « Toutes les recherches, à l'échelle mondiale, montrent qu'on se dirige vers une aridification généralisée, globalisée. Les répercussions, c'est la sécheresse, et elle touche tous les continents. La Chine a vécu sa pire sécheresse l'année dernière. L'Europe est en train de découvrir les sécheresses. Même les géants de l'eau comme le Brésil et le Canada sont en train de réaliser qu'eux-mêmes sont extrêmement vulnérables ».

Source : Stockholm Resilience Centre - © J. Lokrantz/Azote basé sur Steffen et al. 2015.

En 2022, aux quatre premières limites franchies en 2015 que sont le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, les perturbations globales du cycle de l’azote et du phosphore, et les changements d'utilisation des sols, sont venues s'ajouter en l'espace de quelques mois : la pollution plastique et celle de l'utilisation de l'eau douce. Bilan : six sur neuf. Ne restent donc plus que trois limites, qui pourraient bien être franchies sous peu selon les experts, à savoir l’acidification des océans, la dégradation de la couche d’ozone et l'augmentation des aérosols dans l'atmosphère.

Sept appels à l'action pour l'eau

Si les auteurs du rapport espèrent mettre en évidence la crise afin que les décideurs politiques et les économistes ne puissent plus l'ignorer, ils proposent également sept pistes pour agir :

  1. Gérer le cycle mondial de l'eau comme un bien commun mondial, à protéger collectivement et dans nos intérêts communs.
  2. Garantir une eau salubre et adéquate pour chaque groupe vulnérable et travailler avec l'industrie pour augmenter les investissements dans l'eau.
  3. Arrêtez de sous-tarifer l'eau. Une tarification appropriée et un soutien ciblé aux pauvres permettront d'utiliser l'eau de manière plus efficace, plus équitable et plus durable
  4. Réduire les plus de 700 milliards de dollars de subventions dans l'agriculture et l'eau chaque année, qui alimentent souvent une consommation excessive d'eau, et réduire les fuites dans les systèmes d'approvisionnement en eau.
  5. Établir des « partenariats pour l'eau juste » qui peuvent mobiliser des financements pour les pays à revenu faible et intermédiaire.
  6. Prendre des mesures urgentes au cours de cette décennie sur des questions telles que la restauration des zones humides et l'épuisement des ressources en eaux souterraines ; le recyclage de l'eau utilisée dans l'industrie ; passer à une agriculture de précision qui utilise l'eau plus efficacement ; et demander aux entreprises de rendre compte de leur « empreinte eau »
  7. Réformer la gouvernance de l'eau au niveau international et inclure l'eau dans les accords commerciaux. La gouvernance doit également prendre en compte les femmes, les agriculteurs, les peuples autochtones et autres en première ligne de la conservation de l'eau.
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Peggy Baron

Chaque jour je m'installe à la terrasse de l'actu et je regarde le monde en effervescence. J'écris aussi bien sur les cafards cyborg que sur le monde du travail, sans oublier l'environnement et les tendances conso.
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