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Ryugu : un argument de plus en faveur de l’apparition de la vie sur Terre grâce aux astéroïdes
La panspermie est la théorie selon laquelle la vie serait apparue sur Terre grâce à des astéroïdes.
Leemage via AFP

Ryugu : un argument de plus en faveur de l’apparition de la vie sur Terre grâce aux astéroïdes

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Des scientifiques ont retrouvé un composant essentiel à l'apparition de la vie sur des fragments de l’astéroïde Ryugu. Cette découverte, publiée dans la revue Nature, renforce la thèse selon laquelle ces rochers auraient apporté la vie sur Terre en s’écrasant à sa surface.

Dix milligrammes de fragments et de poussières. Et peut-être la réponse au mystère de l’apparition de la vie sur Terre. Ces petits morceaux ont été récupérés à 300 millions de kilomètres, sur l’astéroïde Ryugu, et rapportés par la sonde Hayabusa 2 en 2020. Depuis, ils ont déjà livré plusieurs enseignements. Mais celui qui a été publié dans la revue Nature ce 21 mars est peut-être le plus spectaculaire : les scientifiques ont retrouvé dans ces fragments des composants essentiels à la vie.

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Et si, il y a des millions d’années, les premières formes de vie étaient justement apparues sur Terre grâce à un de ces rochers extraterrestres qui s’y serait écrasé ? Cette théorie, appelée la panspermie, est l’une de celle qui permettrait d’expliquer l’émergence des tout premiers micro-organismes, il y a plusieurs milliards d’années. Une hypothèse que la découverte de molécules essentielles à la vie sur Ryugu vient conforter.

Briques de la vie

Plus exactement, les scientifiques ont détecté sur ces fragments de l’astéroïde de l’Uracile, l’un des quatre composants de l’ARN. Ce composé très proche de l’ADN est celui qui permet de traduire notre matériel génétique en protéines, un messager essentiel à la mise en œuvre des instructions contenues dans l'ADN. Ce n’est pas la première fois que des fragments de matériel génétique sont retrouvés sur des météorites écrasés sur notre planète : au début des années 60, des chercheurs en ont détecté sur la météorite d’Orgueil, tombée en 1864 dans le Tarn-et-Garonne. En avril dernier, des chercheurs japonais en ont retrouvé sur trois autres météorites, celle de Murchison, tombée en 1969 en Australie ; celle du lac Murray, trouvée en 1933 aux États-Unis, et enfin la météorite du lac Tagish, arrivée sur Terre en 2000, au Canada.

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Mais ceux-ci avaient été retrouvés sur des morceaux écrasés sur terre : les scientifiques ne pouvaient pas être complètement sûrs que les fragments de rochers n’avaient pas été contaminés en arrivant sur notre planète. Autrement dit, qu’ils ne portaient pas d’ARN, mais qu’au moment de leur récupération, de l’ARN présent sur le sol aurait été récupéré dans les échantillons. La détection sur un échantillon directement prélevé sur l’astéroïde, à des millions de kilomètres de la Terre, prouve qu’il ne s’agit pas d’une contamination. Et « suggère fortement que de telles molécules d'intérêt prébiotique se sont généralement formées dans les astéroïdes carbonés, y compris Ryugu, et ont été livrées à la Terre primitive », écrivent les auteurs de l’étude.

Ensemencement de la planète

Celle-ci offre ainsi une « preuve solide qu'un des composants de l'ARN a été livré sur Terre avant même l'émergence de la vie » via un astéroïde qui se serait écrasé sur notre planète, selon un des auteurs de l’étude, Yasuhiro Oba, professeur associé à l'Université de Hokkaido. Qui « suppose » qu'un tel dépôt a « joué un rôle dans l'évolution prébiotique et possiblement l'apparition de la vie » sur Terre.

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Car si la théorie de Darwin explique comment les espèces évoluent, se diversifient, se différencient… elle repose sur l’idée que chaque espèce découle d’une antérieure. Manque alors le début de l’histoire : comment la toute, toute première forme de vie est-elle apparue ? Où se sont formés les tout premiers composants, qui, assemblés, ont permis au vivant d’apparaître ? Deux théories s’opposent alors : la première suggère que ces briques essentielles à la vie, composants de notre matériel génétique, auraient émergé directement sur notre planète. La deuxième est donc celle de la panspermie : les êtres vivants seraient une sorte de contamination extraterrestre apportée par les astéroïdes.

Un mystère à élucider

Mais il est aussi possible que l’astéroïde ait porté cette brique et l’ait amené sur Terre, sans que ce soit ces composants extraterrestres qui aient ensuite permis le développement de la vie. Autrement dit, que les composants du matériel génétique soient apparus par exemple dans les océans primitifs et aient permis l’apparition d’organismes, alors qu’ils auraient en parallèle été apportés par des astéroïdes.

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L’analyse d'autres échantillons de rochers extraterrestres permettra d’en savoir plus sur ce mystère des origines de la vie. La sonde Osiris-REx doit justement rapporter des fragments de l'astéroïde Bennu sur Terre cette année. Si cette théorie d'une origine extra-planétaire de la vie se confirme un jour, elle est un argument de taille en faveur d’une vie extraterrestre. Car les astéroïdes qui nous auraient apporté les premières briques essentielles au code génétique pourraient aussi s’être écrasés sur une autre planète…

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne