Un député français a déposé un amendement rédigé par ChatGPT

Un député français a déposé un amendement rédigé par ChatGPT
Le député Jean-Felix Acquaviva (image extraite de l'émission "Cuntrastu" du 21 septembre 2022 sur France 3 Corse)

Jean-Félix Acquaviva, député de la deuxième circonscription de Haute-Corse, a demandé à ChatGPT de rédiger un amendement déposé dans le cadre du projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui intègre notamment la possibilité d’une surveillance par des caméras dites « intelligentes ». Une manière d’alerter sur les risques associés aux IA, qui, selon l’élu, « peuvent permettre le meilleur comme le pire ».

« Le temps qui passe vite / Nouvelle année, nouvelles chances / L’espoir renaît  » Voilà ce que la célèbre intelligence artificielle ChatGPT nous répondait lorsque nous lui demandions, au seuil du mois de janvier 2023, d’écrire un haïku pour la nouvelle année. Trois petites phrases sibyllines, certes, mais que l’on peut désormais lire comme des signes annonciateurs de la future carrière politique de l’IA. Car non seulement celle-ci vient de dévoiler sa toute nouvelle version 4.0, censée être encore plus performante que les précédentes, mais, stade suprême de la gloire, on apprend aujourd’hui qu’un amendement déposé devant l’Assemblée nationale française a été rédigé par ses soins. « Nouvelle année, nouvelles chances » : ChatGPT nous avait prévenu… Alors signe d’espoir ou signe de fin de civilisation ? Sur ce point, en revanche, on vous laissera trancher.

Un article de loi sur les caméras « intelligentes »

L’information est en tout cas rapportée en bonne et due forme par le média spécialisé La Lettre A dans son édition du mardi 21 mars. Dans l’article en question (réservé aux abonnés), on peut lire qu’un certain Jean-Félix Acquaviva, député de la deuxième circonscription de Haute-Corse, a entrepris de faire écrire à ChatGPT un amendement entier. Lequel a été cosigné par 19 députés du groupe LIOT (« Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires », le fameux groupe à l’origine de la motion de censure transpartisane qui a failli renverser le gouvernement), puis déposé sur l’article 7 du projet de loi relatif aux Jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, qui intègre notamment la possibilité d’une surveillance par des caméras dites « intelligentes ». Comme le rapporte Le Parisien, cet article prévoit que « les images collectées au moyen de systèmes de vidéoprotection » puissent « faire l’objet de traitements algorithmiques ayant pour unique objet de détecter, en temps réel » les risques sur la sécurité. La disposition est prévue pour durer, « à titre expérimental », jusqu’au 30 juin 2025.

« Cette disposition doit être encadrée afin de préserver les droits et libertés fondamentaux des personnes concernées »
L’amendement rédigé par ChatGPT

Sceptiques sur la formulation sans être opposés au dispositif lui-même, les députés du groupe LIOT ont souhaité retoucher le texte en intégrant le « [nécessaire] respect des droits et libertés fondamentaux des personnes concernées et de l’obligation de garantir une prise de décision humaine à chaque étape du traitement ». Et ce, avec l’aide de ChatGPT. « Ceci est le premier amendement parlementaire généré par une intelligence artificielle, peut-on lire dans l’exposé officiel des motifs. Face au développement de services en ligne fondés sur l’IA, comme ChatGPT, il est nécessaire d’alerter sur les risques que peut emporter ce type de nouvelles technologies. » S’ensuit un long paragraphe rédigé par l’IA, censé prouver que « les questions de droits fondamentaux, de libertés publiques, de justice, de sécurité (…) ne devraient jamais être laissées sous le contrôle de la seule intelligence artificielle ».

« Cette disposition doit être encadrée afin de préserver les droits et libertés fondamentaux des personnes concernées, notamment en garantissant une prise de décision humaine à chaque étape du traitement, expose ainsi froidement ChatGPT. En outre, il est important d’assurer une transparence adéquate quant aux traitements algorithmiques mis en place, afin que les personnes concernées puissent exercer leurs droits et demander une intervention humaine en cas de doute raisonnable sur la pertinence ou l’exactitude de la décision prise. » Et de conclure, en toute sobriété : « Cet amendement vise donc à renforcer les garanties entourant les traitements algorithmiques en matière de sécurité publique, tout en préservant l’efficacité de ces derniers dans la détection des risques. »

Amendement rejeté

Si l’amendement a – sans surprise – été rejeté par les parlementaires mercredi 22 mars, Jean-Félix Acquaviva ne renie en rien sa démarche. Auprès de BFM-TV, le député explique avoir demandé au service d’OpenAI : « Rédige un amendement parlementaire sur l’article suivant », en copiant la partie du texte du projet de loi relatif à l’expérimentation des caméras « intelligentes ». Il précise d’ailleurs que, dans une autre réponse proposée par l’IA, il était au contraire suggéré de pérenniser les caméras « intelligentes ». D’où la prudence de l’élu corse, qui rappelle que « l’intelligence artificielle peut permettre le meilleur comme le pire » dans son amendement. Et BFM-TV de préciser que, malgré cette initiative, Jean-Félix Acquaviva n’envisage pas, pour l’heure, de refaire appel à l’intelligence artificielle pour ses travaux parlementaires. « En tant qu’élu, je veux être en pleine possession de ma capacité de réflexion », assure-t-il. Nous voilà rassurés.