À Besançon, la résurrection des mélodies oubliées d'Adèle Hugo

Adèle Hugo à Guernesey, durant l'été 1862 - Edmond Bacot
Adèle Hugo à Guernesey, durant l'été 1862 - Edmond Bacot
Adèle Hugo à Guernesey, durant l'été 1862 - Edmond Bacot
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La fille de Victor Hugo était aussi pianiste et compositrice. L'Orchestre Victor Hugo Franche-Comté propose ce vendredi la création mondiale de ses partitions découvertes en 2004, arrangées pour formation symphonique. Reportage.

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Nous connaissons Victor Hugo, l'immense écrivain à l'œuvre prolifique. Mais ce vendredi à Besançon, ville de naissance l'auteur, c'est sa fille qui est mise à l'honneur : Adèle Hugo. Elle fait partie de ces femmes qui ont composé en secret, à une époque où écrire de la musique était considéré comme un métier masculin. L'Orchestre Victor Hugo Franche-Comté propose ce vendredi la création mondiale de ses mélodies, arrangées pour formation symphonique.

Partitions exhumées et réorchestrées

L'histoire a quelque chose de furieusement romanesque. Quelques partitions retrouvées dans une malle, presque par hasard il y a 20 ans, sur l'île de Guernesey, dans la maison de Victor Hugo. Dix-sept mélodies signées de sa fille, Adèle. Personne ne les avait jamais entendues, sauf peut-être la famille Hugo. Des partitions pour piano-voix orchestrées par le compositeur Richard Dubugnon et dirigées à Besançon par Jean-François Verdier, le chef de l'orchestre Victor Hugo : "À cette époque, Adèle, un peu perdue sur son île à Guernesey, un peu loin de la société, avait comme imaginaire la musique qu'elle avait pu entendre avant. Les musiques de Mendelssohn, notamment, qui faisaient un peu le terreau de tout ce qu'on écoutait à ce moment-là."

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La soprano Anaïs Constans découvre cette musique oubliée, "très plaisante, qui fait un peu penser aux chansons pour enfants de Poulenc avec une mélodie assez simple, une musique très franche." Des mélodies inspirées par la plume du père et de l'écrivain : Adèle Hugo fut la première à mettre en musique des extraits des Misérables, dont des chansons de Gavroche. Autre registre pour la mezzo-soprano Isabelle Druet, qui interprète Prier pour les morts : "Les mélodies que je chante sont des poèmes plutôt tendres, même un peu tourmentés. Assez vite, je l'imaginais à son piano en train d'écrire et de chantonner, en même temps qu'elle griffonnait. C'est touchant."

La mezzo-soprano Isabelle Druet interprète "Prier pour les morts"
La mezzo-soprano Isabelle Druet interprète "Prier pour les morts"
© Radio France - Louis-Valentin Lopez

Créations interrompues

Curieuse vie que celle d'Adèle Hugo, qui après cinq années créatives s'égarera au Canada, à la poursuite d'un lieutenant et d'un amour non réciproque, puis sera internée pour des problèmes de santé mentale, jusqu'à sa mort. "Nous pouvons imaginer à travers ces pièces ce qu'elle aurait écrit plus tard", confie Jean-François Verdier : "Cela reste évidemment du fantasme contemporain, mais nous pouvons penser qu'ayant écrit cela à cet âge-là, elle aurait pu écrire des choses bien plus larges, bien plus grandes."

Exhumer et jouer ses oeuvres, aujourd'hui, c'est aussi redonner leur juste place aux compositrices et musiciennes. "Il y a beaucoup de compositrices qui petit à petit reprennent vie, et Adèle Hugo est l'une de celles que l'on peut le mieux servir", estime Anaïs Constans. "Nous sommes complètement dans la démarche de remettre en valeur toute la production féminine", complète Isabelle Druet : "Il y a des pages magnifiques musicalement, donc il est important qu'elles trouvent leur place, qu'on leur redonne leur place." Un bel hommage orchestral à Adèle Hugo, qui rêvait d'écrire un opéra.

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