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Quarante-trois ans après, le procès de l'attentat de la rue Copernic s'ouvre à Paris

Le 3 octobre 1980, un attentat à la bombe contre la synagogue de la rue Copernic à Paris faisait quatre morts et des dizaines de blessés. Le procès s'ouvre ce lundi 3 avril, mais sans l'unique accusé, Hassan Diab.

Les restes de la synagogue, rue Copernic, où a eu lieu l'attentat à la bombe, le 3 octobre 1980. A droite, Jacques Chirac, alors maire de Paris.
Les restes de la synagogue, rue Copernic, où a eu lieu l'attentat à la bombe, le 3 octobre 1980. A droite, Jacques Chirac, alors maire de Paris. AFP / Delmas
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Le procès s'est ouvert ce lundi matin en l'absence d'Hassan Diab, l'unique accusé dans l'attentat à la bombe contre la synagogue de la rue Copernic à Paris, qui a fait quatre morts et des dizaines de blessés en octobre 1980. La cour d'assises spéciale de Paris, compétente en matière de terrorisme, devrait donc le juger par défaut. L'universitaire libano-canadien de 69 ans avait signifié son choix au président de la cour lors d'un interrogatoire préalable. « Il n'a aucune raison de changer de position », a déclaré à l'AFP l'un de ses avocats, Me William Bourdon.

Cette absence incite Patricia Barbé, partie civile dans ce procès, à l'aborder avec « prudence ». « Je ne sais pas quelle dimension ça peut prendre au niveau du procès, mais c'est assez surréaliste », confie-t-elle au micro de Laura Martel, du service France de RFI. Patricia Barbé avait 16 ans, ce 3 octobre 1980, lorsque son père, chauffeur de maître, était tué par l'explosion de la bombe alors qu'il patientait devant la synagogue de la rue Copernic, dans le XVIe arrondissement de Paris. 

Ce vendredi-là, soir de shabbat, 320 fidèles sont rassemblés au siège de l'Union libérale israélite de France quand dix kilos de pentrite posés sur une moto garée à l'extérieur explosent. La verrière située au-dessus du rabbin s'écroule. Des riverains voient leur porte blindée soufflée. Un couple et leurs enfants se retrouvent propulsés du premier étage sur la voie publique. Dans la rue, une vision d'apocalypse : des flammes, des voitures en feu, d'autres retournées, des corps sans vie, ensanglantés ou sous les décombres. Bilan : quatre morts et une quarantaine de blessés.

Un attentat attribué à un groupe dissident du FPLP

Au lendemain de ce premier attentat visant la communauté juive depuis la Libération, des milliers de personnes se rassemblent spontanément devant la synagogue. Dans le cortège de manifestants gagnant les Champs-Élysées, les déclarations la veille du Premier ministre alimentent la colère. Raymond Barre avait dit son « indignation » face à « cet attentat odieux qui voulait frapper des israélites qui se rendaient à la synagogue, et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic ».

La police creuse d'abord la piste de l'extrême droite. Sans succès. Jamais revendiqué, l'attentat est finalement attribué au Front populaire de libération de la Palestine-Opérations spéciales (FPLP-OS), un groupe dissident du FPLP. Les années passent, les gouvernements se succèdent, et le dossier semble piétiner. « On est face à une lenteur de la justice pour régler cette affaire qui est totalement surréaliste, critique Patricia Barbé, en ponctuant sa réflexion d'un petit rire nerveux. Pendant une trentaine d'années, on est restés dans le silence, et puis depuis une douzaine d'années, on est de nouveau plongés dans ce dossier. » 

En 1999, Hassan Diab est désigné par des renseignements comme celui qui a confectionné et posé la bombe. Sauf que les expertises et contre-expertises se poursuivent pendant plusieurs années des deux côtés de l’Atlantique. Il s’agit de savoir si ce professeur de sociologie né au Liban a bel et bien signé un reçu d’hôtel, attribué au motard qui a déposé la bombe devant la synagogue. Il est finalement est extradé et incarcéré en France en 2014 au terme d'une longue procédure. Ce père de deux enfants repart, libre, au Canada en janvier 2018 après avoir bénéficié d'un non-lieu. Les juges d'instruction considérant, contre l'avis du parquet qui avait fait appel, que les charges réunies à son encontre n'étaient pas « suffisamment probantes ». 

À son retour, le premier ministre canadien Justin Trudeau déclare que ce citoyen n’aurait jamais dû subir une telle situation. Aujourd’hui, le gouvernement canadien reste avare de commentaires, souligne notre correspondante à Québec, Pascale Guéricolas. Mais déjà un comité de soutien à Hassan Diab et Amnesty Internationale, refusent une seconde extradition. Et réclament l’abandon des accusations contre le sexagénaire. Son renvoi aux assises est finalement ordonné trois ans plus tard. 

Hassan Diab, qui sera jugé pour assassinats, tentatives d'assassinats et destructions aggravées en relation avec une entreprise terroriste, encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Le professeur de sociologie, qui assure qu'il passait alors ses examens à l'université de Beyrouth, « proteste depuis la première minute de son innocence ». Il « fait confiance à ses avocats et nous plaiderons avec force le fait que cet homme ne peut pas et ne doit pas être condamné », insiste Me Bourdon.

Dans les méandres de la géopolitique et d'une procédure tentaculaire

Pendant trois semaines, la cour d'assises spéciale va replonger dans les méandres de la géopolitique et d'une procédure judiciaire qui a nécessité des commissions rogatoires internationales dans une vingtaine de pays. L'accusation met en avant la ressemblance de l'ancien étudiant de Beyrouth avec des portraits-robots réalisés à l'époque, le témoignage d'un couple affirmant qu'il appartenait aux groupes palestiniens au début des années 1980, ainsi que les comparaisons entre l'écriture de Hassan Diab et celle d'une fiche d'hôtel remplie par l'homme qui a acheté la moto. Ces expertises graphologiques ont été âprement débattues au cours de l'instruction et devraient l'être à nouveau lors du procès.

À lire aussi : Attentat de la rue Copernic : les dédales d'une longue enquête (article de 2008)

La pièce centrale du dossier reste la saisie en 1981 à Rome d'un passeport au nom de Hassan Diab, avec des tampons d'entrée et de sortie d'Espagne, pays d'où serait parti le commando, à des dates concordantes avec l'attentat. « Il était au Liban au moment des faits, nous l'établissons », rétorque William Bourdon. D'anciens étudiants de l'université et l'ex-épouse de Hassan Diab avaient corroboré ses dires, rappelle sa défense. Les deux juges d'instruction qui avaient signé l'ordonnance de non-lieu, et qui sont cités à comparaître, avaient jugé « vraisemblable » que l'accusé se trouvait à Beyrouth en octobre 1980.

En sollicitant le renvoi du Libano-Canadien, le ministère public avait estimé que les « doutes » quant à sa présence à Paris lors de l'attentat méritaient d'être examinés par une cour d'assises. « L'enjeu du procès, c'est acquittement ou perpétuité, c'est quitte ou double », remarque Me Bourdon. Patricia Barbé, elle, espère simplement que la justice aille au bout du dossier afin de pouvoir « tourner la page ». « On n'est bien évidemment pas dans le même état d'esprit qu'il y a 43 ans, parce qu'il a fallu avancer, faire sa vie, mais on espère une issue, quelle qu'elle soit. »  Le verdict est attendu le 21 avril.

(Et avec AFP)

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