Et pourquoi pas la retraite à 50 ans ?

Mobilisations sociales contre la réforme des retraites, France, 2023 ©AFP - Fred Tanneau
Mobilisations sociales contre la réforme des retraites, France, 2023 ©AFP - Fred Tanneau
Mobilisations sociales contre la réforme des retraites, France, 2023 ©AFP - Fred Tanneau
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Il est celui qui a théorisé le salaire à vie et la retraite à 50 ans. Des solutions pour faire face à la perte de sens au travail que Bernard Friot défend depuis plusieurs années à travers de nombreux ouvrages - le dernier en date s’intitule "Prenons le pouvoir sur nos retraites" (La Dispute, 2023).

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Salaire de qualification personnelle et revenu universel

Quelle est la différence entre un salaire de qualification personnelle et un revenu universel ? Le sociologue et économiste Bernard Friot explique : “le revenu universel est le filet de sécurité que la classe capitaliste doit mettre en place si elle veut supprimer le salaire à la qualification, qui est la grande conquête du XXe siècle, pour revenir à un salaire capitaliste, qui est un salaire à la tâche”. Il précise : “le grand conquis du XXe siècle est la dissociation entre le salaire de l’activité directement productive et un salaire attaché à la personne ou à la qualification du poste. Or, si la bourgeoisie veut revenir au salaire à la tâche, cela introduit une telle insécurité que la bourgeoisie veut la limiter en instituant un revenu de base inconditionnel”.

Une retraite à 50 ans, mais pas la fin du travail

Pourquoi considérer que la retraite ne pourrait pas être prise à 50 ans ? “La retraite n'est pas la fin du travail", rappelle Bernard Friot. "C’est le fait que le salaire redevient un attribut de la personne qui permet la liberté du travail. C’est pour cette raison que la retraite est globalement appréciée. Les retraités sont enfin libérés du paiement à l'acte, et cela donne la possibilité de travailler librement".

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Il complète : “50 ans, c'est le début de la séniorité, surtout sur les emplois les moins qualifiés. A partir de cet âge, les travailleurs et travailleuses sont invités à passer du CDI à du temps partiels ou à un CDD, à devenir autoentrepreneur, à être quasiment éliminés de la formation professionnelle continue. Si bien qu'à 60 ans, il n’y a plus que 52 % des personnes dans l’emploi et les autres ont été fragilisées sur le marché du travail".

Le travail mérite salaire ou le salaire mérite travail ?

"C’est une chance de pouvoir travailler dans des activités épanouissantes et que l’on estime utiles.", affirme Bernard Friot. "Dans le capitalisme, c’est le travail qui mérite salaire. Mais dans les conquis du XXe siècle, il y a justement le fait que le salaire n’est plus postérieur à une activité subordonnée à laquelle on s'est soumis et en récompense de quoi nous obtenons un salaire". Il précise : "le salaire devient un attribut de la personne : c’est le cas des fonctionnaires et des retraités par exemple".

Le sociologue souligne en outre que “notre désir à tous est d'honorer ce qui fait notre espèce humaine, le bien commun, la construction de notre monde. Cette responsabilité s’exprime dans le travail, dès lors qu’il est souverain. Or, la citoyenneté qui exclut le travail aboutit à des catégories populaires qui ne votent plus et une jeunesse qui vote très peu, parce qu’elles ont conscience que le service public a disparu et que voter ne change rien. Il conclut : "nous ne pouvons plus laisser la citoyenneté aux mains d’une bourgeoisie qui a le monopole sur le travail, c’est pour cette raison qu’il faut enrichir la citoyenneté", estime le sociologue. "Cela suppose qu'à partir de 18 ans, nous ayons trois droits : la qualification avec un salaire correspondant, la propriété d'usage des entreprises et enfin la codécision dans les instituions monétaires", poursuit-il.

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