"Nous nous tenons prêtes, pour le jour où le système de Poutine s’effondrera", lance cette activiste russe

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"Nous nous tenons prêtes, pour le jour où le système de Poutine s’effondrera", lance cette activiste russe

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L'activiste russe Daria Serenko, exilée en Géorgie depuis le début de la guerre en Ukraine, de passage à Paris.
L'activiste russe Daria Serenko, exilée en Géorgie depuis le début de la guerre en Ukraine, de passage à Paris.
© Radio France - Virginie Pironon

La poétesse et activiste Daria Serenko, 30 ans, exilée en Géorgie depuis mars 2022, fait partie du mouvement "Résistance féministe antiguerre". Un groupe qui s’oppose au régime de Vladimir Poutine, de l’extérieur mais aussi de l’intérieur du pays.

C’est désormais le mouvement anti-guerre le plus important en Russie et il compte des milliers… de femmes. Regard bleu perçant, béret rose vissé sur la tête, coquelicot tatoué dans le cou, Daria Serenko vient tout juste de fêter ses 30 ans en exil. La veille de la guerre, la militante sort tout juste de prison, où elle a purgé une peine de 15 jours pour extrémisme, pour avoir affiché un logo de l’opposant Navalny sur son compte Instagram.

Le 24 février 2022, la Russie attaque l’Ukraine. Dès le lendemain, un groupe de féministes russes, parmi lesquelles Daria Serenko, lance "Résistance féministe antiguerre", mouvement horizontal, décentralisé, qui compte désormais 40.000 abonnés sur sa chaîne Telegram. "Nous ne sommes pas parties de zéro, nous avons fédéré une quarantaine de mouvements qui existaient déjà dans le pays", explique-t-elle à France Inter. "L’histoire nous a démontré qu’en cas de conflit, les femmes des mouvements anti-guerre ont toujours joué un rôle important. Ce sont précisément des femmes, parmi lesquelles nos activistes en Russie, qui écrivent des plaintes, permettent que certaines affaires soient rendues publiques, et qui parfois cachent des gars de 17-18 ans, et les aident à quitter le pays."

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"Vérité féminine"

"Nous avons sauvé plusieurs personnes du suicide, et beaucoup nous écrivent, pour nous dire que ce nous faisons leur donne la force de vivre, et de croire que ce qui se passe en ce moment aura une fin, c’est important", poursuit la militante. Son mouvement publie un journal clandestin "Vérité féminine" ('Jenskaia Pravda") envoyé à des listes anonymes, en version PDF. Ce "samizdat" version XXIe siècle est ensuite imprimé et distribué en Russie par des volontaires.

Outre des interviews de célébrités opposées à la guerre, le journal, qui prend la forme d’une gazette locale, donne des conseils pour saboter l’offensive du Kremlin en Ukraine. "Malheureusement", détaille Daria Serenko, "les mouvements anti-guerre ne se suffisent pas à eux-mêmes pour mettre fin à un conflit. Ce qui termine une guerre, c’est lorsque l’un des deux belligérants n’a plus de ressources. Notre mission est donc d’épuiser les ressources de notre pays. Pour que Poutine ait moins de ressources en hommes sous la main, qu’il perçoive moins d’impôts, etc. C’est ce qu’essaie de faire de son côté la communauté internationale. Que Poutine ait moins de ressources, et que l’Ukraine, au contraire, en ait plus. Il n’y a que ça qui peut aider."

"Ennemie du peuple"

Combien de temps ces milliers d’activistes vont devoir continuer à se battre ? "Je vois le conflit durer encore, peut-être quatre ou cinq ans", affirme la jeune femme. "Mais il faut que nous soyons prêts, le jour où le régime s’effondrera. Les Russes auront besoin de nous et nous devrons répondre présentes." En Russie, Daria Serenko est désormais considérée comme "agent de l’étranger". Son portrait a été affiché dans son ancien hall d’immeuble à Moscou avec la mention "ennemie du peuple". Mais la jeune femme "n’a plus la force", dit-elle, "d’avoir peur".

"Qu’est-ce qu’ils peuvent me faire ? Je ne suis pas une personnalité suffisamment importante pour qu’ils m’empoisonnent au Novitchok ! Ce que je crains, c’est qu’ils s’attaquent à nos proches qui sont restés en Russie. Ça, j’y pense tous les jours", poursuit Daria Serenko.

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