Igor Zhovkva: Nous sommes très proches de la mise en œuvre de ces recommandations, notamment en ce qui concerne la loi sur les médias, la législation anti-fraudes ainsi que la réforme du système judiciaire et la réforme anticorruption. Récemment, à la demande de la Commission européenne, nous avons nommé un procureur spécial chargé de la lutte contre la corruption. Nous attendons donc avec impatience notre première évaluation de la Commission.
La prochaine étape sera l’ouverture des négociations d’adhésion. Volodymyr Zelensky a déclaré avoir pour objectif de les ouvrir cette année. N’est-ce pas un peu ambitieux? La décision doit être prise par les Etats membres à l’unanimité.
Nous sommes sur la bonne voie et avons le soutien d’Ursula von der Leyen et de Charles Michel [les présidents, respectivement de la Commission et du Conseil européen, ndlr]. A chaque fois que Volodymyr Zelensky discute avec des dirigeants des pays de l’UE, il insiste vraiment pour que cette décision soit prise cette année. C’est vrai, c’est ambitieux. Mais vous savez, les gens pensaient la même chose lorsque le 28 février 2022, au cinquième jour de la guerre, mon président a déposé une demande d’adhésion à l’UE. A l’époque, de nombreux pays étaient sceptiques face à cette candidature. Finalement, ils nous ont accordé le statut de candidat. Aujourd’hui, si nous appliquons à 120% ces sept recommandations demandées par la Commission, je ne vois pas d’obstacles bureaucratiques qui nous attendent.
Les dirigeants européens ont précisé qu’il n’y aurait ni procédure accélérée, ni passe-droit pour l’Ukraine. Avez-vous peur des obstacles politiques?
Si certains dirigeants tentent de nous créer des obstacles, je pense que mon président s’adressera directement à leur peuple. Car dans chaque nation, selon l’Eurobaromètre, même dans les pays les plus dubitatifs, près de 60% de la population soutient notre cheminement vers l’UE. Volodymyr Zelensky ne parle pas seulement aux dirigeants, mais aussi aux parlements et à la population. Et je ne pense pas que les dirigeants d’un pays de l’UE iront à l’encontre de la volonté populaire sur ce point.

Quelle sera la stratégie de l’Ukraine pour mener ces négociations notamment avec les pays plus sceptiques sur votre entrée dans l’UE?
Vous savez, la situation a changé en Europe. De nombreux Ukrainiens vivent désormais en Hongrie, en Allemagne, en France, ou en Espagne. J’ai voyagé dans certains de ces pays avant la décision d’accorder à l’Ukraine le statut de candidat. Dans chaque capitale, j’ai vu des drapeaux ukrainiens non seulement dans les rues, mais aussi sur les bâtiments officiels. Ces Ukrainiens qui vivent maintenant dans ces pays veulent travailler, apprendre la langue locale. Après la victoire, ils seront prêts à retourner en Ukraine. Nous assistons donc à l’intégration européenne en pratique car de fait, beaucoup d’Ukrainiens sont déjà intégrés dans la société européenne. Maintenant, il ne reste plus qu’à prendre des décisions formelles. Nous ne savons pas pendant combien d’années ou de mois les négociations se poursuivront. Mais ce qui est certain c’est qu’après la victoire, les choses évolueront très rapidement.
Au-delà de son intégration, quel soutien attend l’Ukraine de la part des pays de l’UE?
Cette année, Volodymyr Zelensky a demandé aux dirigeants européens d’être encore plus unis sur la question ukrainienne. Parce que la Russie utilisera à son avantage les temps de réflexion des pays européens sur la question des armes ou des sanctions. Nous devons accélérer les choses. Vous savez, lorsque nous avons célébré le Nouvel An, nous nous sommes souhaité et avons souhaité à nos partenaires internationaux une bonne année de la victoire. Nous voulons vraiment que cette année soit celle de la victoire, mais nous n’y parviendrons pas sans le soutien fort de la communauté européenne et internationale.
Le 30 septembre dernier, quelques minutes après que la Russie a formalisé l’annexion de quatre régions ukrainiennes, Volodymyr Zelensky a annoncé demander une adhésion accélérée à l’OTAN. Mercredi, Jens Stoltenberg l’a officiellement invité à participer au sommet de Vilnius, en juillet. Qu’attendez-vous de ce sommet?
L’objectif de cette demande d’adhésion était multiple. Premièrement, il fallait couper court une fois pour toutes à l’idée selon laquelle l’Ukraine pourrait être un pays non aligné ou non membre d’un bloc. Vous savez, malheureusement, étant à la croisée des chemins entre la Russie et l’Union européenne, nous ne pouvons pas nous permettre d’être non alignés ou même neutres. L’adhésion à l’OTAN est aussi la meilleure garantie de sécurité qui existe pour nous. Nous comprenons parfaitement que ce processus d’adhésion ne peut pas se finaliser en temps de guerre. Mais il n’y a pas que l’article 5 [qui stipule qu’une attaque contre un membre de l’Alliance constitue une attaque contre tous ses membres, ndlr] qui est important pour nous. Nous avons besoin des garanties de sécurité de l’OTAN car même après notre victoire, la Russie sera toujours tentée de recommencer une agression. Nous attendons avec impatience le sommet de Vilnius et souhaitons qu’il débouche sur une décision sérieuse concernant l’Ukraine. Nous ne pouvons plus reporter la question des garanties de sécurité à une date ultérieure.