En Géorgie, la Génération Z veut l’Europe ou rien

Etudiants de la GenZ qui manifestent contre la loi agents étrangers. Tbilissi. Géorgie. Mars 2023. ©Radio France - Arnaud Contreras
Etudiants de la GenZ qui manifestent contre la loi agents étrangers. Tbilissi. Géorgie. Mars 2023. ©Radio France - Arnaud Contreras
Etudiants de la GenZ qui manifestent contre la loi agents étrangers. Tbilissi. Géorgie. Mars 2023. ©Radio France - Arnaud Contreras
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En Géorgie, les jeunes Géorgiens, sont descendus dans les rues pour s’opposer à une loi contre "les agents étrangers", calquée sur une loi russe qui bâillonne la société civile et les médias indépendants, énième provocation antieuropéenne du gouvernement.

En Géorgie, les jeunes Géorgiens, qui se définissent comme la Génération Z, sont descendus dans les rues de Tbilissi et des grandes villes géorgiennes, pour s’opposer à une loi contre "les agents étrangers". Initiée par le gouvernement du parti Rêve Géorgien, ce texte est calqué sur une loi russe qui bâillonne la société civile et les médias indépendants, énième provocation antieuropéenne du gouvernement.

Intégrer l’Union Européenne est une question vitale

Nuka, étudiante de 19 ans :

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Nuka, étudiante, 19 ans, manifeste contre la loi agents étrangers devant le parlement. Tbilissi. Géorgie. Mars 2023.
Nuka, étudiante, 19 ans, manifeste contre la loi agents étrangers devant le parlement. Tbilissi. Géorgie. Mars 2023.
© Radio France - Arnaud Contreras

"Si cette loi russe est adoptée, ce sera affreux pour nous, et on va revenir à l’URSS, ce qui n’est vraiment pas bon pour nous. Ce n’est pas la première fois que je participe à une manifestation, j’étais là pour les manifestations pour notre candidature à l’Union Européenne, j’étais là, c’était pendant l’été. Quelque chose d’important est en train de se passer maintenant, il y a un grand changement, et on veut qu’il y ait du changement. Je pense que notre génération est très différente, car la Génération Z pense de manière mondiale, globale. Dans notre génération, nous avons quelque chose qui nous aide à être plus libres, on peut montrer nos émotions, on peut partager nos pensées, ce n’est pas comme si quelqu’un allait nous tuer pour cela. Je pense que les gens se définissent comme Européens, car nous en avons besoin, et par-dessous tout pour être libres."

Les relations culturelles et diplomatiques entre la Géorgie et l’Europe remontent à l’Antiquité. On retrouve de nombreuses influences grecques dans sa littérature, ses mythes. Pont entre l’Europe et l’Asie, dès le Moyen Âge, les principautés et royaumes géorgiens sont principalement tournés vers l’Europe de l’Ouest. La chute de Constantinople a marqué un temps d’arrêt dans ces relations. À cette époque, la Géorgie, ne recevant pas d’aide des royaumes européens face aux invasions ottomanes et perses, se tourne vers la Russie qu’elle pense européenne.

Lasha Bakradze, historien, directeur du musée de la littérature géorgienne :

"Les relations entre la Russie et l’Europe étaient changeantes. D’un côté, ils voulaient être européens, de l’autre non. Il est aussi intéressant d’observer les intellectuels russes qui ont émigré en Europe après la révolution de 1917, car ils n’aimaient pas l’Europe. Et cette idée d’Eurasie, que la Russie ce n’est pas l’Europe, que c’est l’Eurasie, idée toujours très utilisée par Poutine et compagnie, cette idée est née au sein des émigrés russes en Europe après la révolution."

Tandis que l’Ukraine et la Moldavie ont obtenu le statut de candidat à l’Union Européenne, la Géorgie est pour l’instant sur "liste d’attente". Le Conseil de l’Europe a en effet estimé que la Géorgie ne remplit pas pour l’instant certains des 12 critères nécessaires, notamment en ce qui concerne les processus démocratiques et la liberté de la presse.

Les rues de Tbilissi sont recouvertes de tags et de grafs contre la Russie depuis l’agression de l'Ukraine. Tbilissi. Géorgie. Mars 2023
Les rues de Tbilissi sont recouvertes de tags et de grafs contre la Russie depuis l’agression de l'Ukraine. Tbilissi. Géorgie. Mars 2023
© Radio France - Arnaud Contreras

Lela Tsiskarishvili, psychologue, directrice du Centre Georgien pour la Réhabilitation socio psychologique des victimes de tortures, GCRT :

"Il y a 12 conditions que la Géorgie doit remplir, et l’une des conditions par exemple est l’accroissement de l’engagement des organisations de la société civile, et l’accroissement de la coopération avec le gouvernement. Ce qui vient de se passer, avec cette tentative d’adopter une loi russe, est une attaque directe envers les recommandations de l’Union Européenne. C’est pourquoi il y a d’énormes manifestations, et nous en avons vu le résultat, et je pense que c’est un message clair envers le gouvernement que nous ne voulons pas de la Russie ici."

"On sait ce qui s’est passé en Russie quand ils ont voté la même loi en 2012."

"Il n’y a plus aucune société civile en Russie, toutes les organisations ont été fermées, et avant d’être fermées, elles ont été désignées comme "agents étrangers", nos collègues ont été emprisonnés. Nous pensons, nous, organisation de la société civile et médias indépendants, que le gouvernement va commencer à mener des attaques ciblées contre des individus et des organisations. Ensuite, ils vont encourager des groupes violents et les soutenir, ces groupes Alt Right."

En 2008, la Russie attaque la Géorgie. Depuis, 20 % du territoire géorgien est occupé.

Cette génération Z est née et a vécu son enfance et son adolescence sous la menace russe. Après une période d’ouverture vers l’Europe et les Etats-Unis, à la suite de la révolution des roses en 2003, et de la présidence de Mikheil Saakachvili jusqu’à 2013, la Géorgie élit le parti Rêve Géorgien mené par l’oligarque Bidzina Ivanishvili. Son gouvernement promeut progressivement "l’apaisement avec la Russie".

Ivanishvili ayant fait fortune à la chute de l’URSS en Russie et dans des pays colonisés par la Russie, il est régulièrement soupçonné de collusion avec le Kremlin. Retiré de la vie politique, il est cependant considéré comme le dirigeant informel du pays.

Salomé Barker, co-fondatrice du Shame Movement :

Salomé Barker, co-fondatrice du mouvement Shame. Tbilissi. Géorgie. Mars 2023.
Salomé Barker, co-fondatrice du mouvement Shame. Tbilissi. Géorgie. Mars 2023.
© Radio France - Arnaud Contreras

"Quand le parti Rêve Georgien" a gagné les élections, avec ce Bidzina Ivanishvili comme leader, j’étais suffisamment âgée pour savoir que quelque chose se passait et que la Russie était impliquée. Et il était différent par rapport au précédent gouvernement. Lors des élections de 2012, ce Bidzina Ivanishvili a ouvertement déclaré que nous ne devrions pas être un sujet de discussion entre la Russie et l’Europe. Que la Géorgie ne devrait pas être un problème entre la Russie et l’ouest.

En 2019, quand le parti au pouvoir a invité Serguei Gavrilov, un député de la Douma russe, tout le pays a vu la retransmission live depuis le parlement, quand ce député russe s’est assis sur le fauteuil du président de l’assemblée géorgienne, et qu’il a lu un discours aux députés en russe ! C’était tellement choquant, je ne peux même pas décrire à quel point. On était en face du parlement pour manifester, on a tenu 3 mois et on a fondé ce mouvement "Shame Movement-Le Mouvement de la Honte".

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"On essaie juste de leur rappeler la constitution et de rester droit sur ce chemin vers l’Europe."

"L’année dernière, quand l’Ukraine a demandé à être candidate à l’Union Européenne, le Premier ministre géorgien et notre gouvernement nous disait que nous n’allons pas la demander, nous n’allons pas remplir le dossier de candidature.
Parce que vous savez, on est un trio, l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie, on a toujours été ensemble, et quand l’Ukraine et la Moldavie ont rempli leur dossier, notre gouvernement disait, « non, nous ne sommes pas prêts, on ne va pas demander cela".

"On a organisé une manifestation, le Shame Movement a organisé une manifestation en face du Parlement.
Nous étions 120 000 -150 000 personnes, pacifiques, nous demandions juste que le gouvernement remplisse ce dossier de candidature à l’Union Européenne. Et le jour suivant, ou le surlendemain, ils ont fait comme l’Ukraine et la Moldavie."

"Nous avons souvent déclaré que nous voulons l’Europe. Tellement ! Et on fait pression sur le gouvernement pour qu’il fasse cela". Même dans la constitution géorgienne, il y a un article à propos de cela, que nous avons des aspirations occidentales, et que chacun doit les poursuivre. Parfois notre gouvernement décide de l'ignorer."

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