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Explosion démographique

La planification familiale, nouvel enjeu de l'Inde désormais pays le plus peuplé du monde

Face à la montée en flèche de la population de l'Inde, sur le point de dépasser la Chine, le service indien de planification familiale a un rôle important à jouer pour maintenir le taux de natalité à la baisse. Pour cela, le pays devra relever plusieurs défis, dont celui de ne plus faire peser ce fardeau uniquement sur les femmes et celui de réussir à toucher les classes populaires.

Zamerun Nisha, 33 ans, tient son nouveau-né à la maternité d'un centre de santé communautaire de Bahadurganj, dans l'État du Bihar, en Inde, le 21 mars 2023.
Zamerun Nisha, 33 ans, tient son nouveau-né à la maternité d'un centre de santé communautaire de Bahadurganj, dans l'État du Bihar, en Inde, le 21 mars 2023. REUTERS - ANUSHREE FADNAVIS
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Freiner la croissance démographique en s’appuyant sur la contraception. C’est le grand défi qui attend l’Inde, en passe de détrôner la Chine de sa place de pays le plus peuplé du monde. Selon les prévisions des Nations unies, le pays doit passer ce cap dans la journée du 14 avril, durant laquelle sa population doit atteindre le seuil de 1 425 775 850 habitants.

 

La population de l'Inde comparée au reste du monde en 2023.
La population de l'Inde comparée au reste du monde en 2023. © Studio graphique FMM

 

Fait étonnant, au cours des deux dernières décennies durant lesquelles la croissance démographique de l'Inde est montée en flèche, son taux de fécondité a chuté. En 1964, les Indiennes avaient en moyenne six enfants, alors qu'aujourd'hui elles n'en ont plus que deux. Et ce, en partie grâce au service public de planification familiale, que l'Inde affirme avoir été le premier pays à mettre en place, en 1952.

"L'objectif premier était de ralentir la croissance démographique afin de soutenir le développement économique du pays, qui n'avait alors que quelques années d'existence [l'Inde a proclamé son indépendance en 1947, NDLR]", explique Anita Raj, directrice du centre de recherche sur l’égalité Femmes-Hommes, Center Gender Equity and Health de l'université de Californie à San Diego.

La contraception est entrée dans les mœurs

Le programme a connu quelques succès. Une enquête du ministère de la Santé indien révèle que quasi toute la population mariée en âge de concevoir connait les méthodes de contraception. Par ailleurs l'État fournit 68 % des contraceptifs aux personnes concernées, notamment des préservatifs, des pilules et des stérilets.

 

Contraception utilisée en Inde.
Contraception utilisée en Inde. © Studio graphique FMM

 

"Toutefois, si l'objectif était véritablement le choix et l'autonomie des femmes en matière de procréation, il faudrait en faire plus", explique Anita Raj.

Or baisse de la natalité et liberté de choix des femmes sont intimement liées. "Les données recueillies dans le monde entier montrent que lorsque les femmes ont la possibilité de contrôler leur fécondité et qu'elles bénéficient des opportunités qui en découlent [telles que l'éducation et les opportunités économiques], la taille des familles diminue toujours", explique Alistair Currie, directeur de campagne de Population Matters, une organisation caritative basée au Royaume-Uni qui s'intéresse à la démographie.

La contraception : une "affaire de femmes"

Aujourd’hui, la stérilisation masculine et féminine est encouragée par des incitations financières. Certains États indiens ont aussi introduit une politique de deux enfants assortie de sanctions, telles que l'interdiction d'occuper un emploi dans la fonction publique pour ceux qui ne s'y conforment pas.

La forme de prévention de la grossesse la plus utilisée en Inde reste la stérilisation féminine. Elle représente 38 % de tous les moyens de contraception utilisés, alors que le recours à la stérilisation masculine ne représente que 0,3 % des cas, d’après une étude du ministère de la Santé indien.

Cela s'explique en partie par la mentalité patriarcale qui domine largement la société indienne. L'enquête sur la santé des familles révèle ainsi que plus d'un tiers des hommes considèrent la contraception comme une "affaire de femmes". 

La vasectomie masculine se heurte également à une résistance due aux souvenirs d’une politique conduite dans les années 1970 par le gouvernement indien. Face à la stagnation économique et sociale, l’exécutif avait alors lancé une campagne massive de stérilisation des hommes afin de contrôler la natalité. Les hommes ont été contraints de subir une vasectomie sous peine de voir leur salaire réduit ou de perdre leur emploi. Les hommes des classes les plus populaires pouvaient même être arrêtés par la police dans les gares ou aux arrêts de bus pour être envoyés en "camp de stérilisation".

>> À voir aussi : Démographie en Inde : les femmes prennent leur destin en main

Or actuellement, en plus de faire peser le fardeau sur les femmes, le recours à la stérilisation féminine après plusieurs grossesses "ne favorise pas l'espacement des naissances, qui est important pour la santé et la survie de la mère et de l'enfant. Elle n'est pas non plus une solution permettant aux femmes de contrôler le calendrier des grossesses, mais seulement de les limiter", explique Anita Raj. "Si la stérilisation est le choix de la femme et qu'elle contribue à sa santé, c'est très bien. Mais trop souvent, ces décisions sont fondées sur les attentes de la famille et de la communauté".

Selon Debanjana Choudhuri, spécialiste des droits de l'Homme basée en Inde, le fait que le ministère de la Santé ait récemment mis à disposition des stérilets (une contraception réversible) pourrait "changer la donne", mais il faudra selon elle attendre de 5 à 10 ans pour qu'il devienne populaire.

Dans l’état actuel des choses, il subsiste un écart important entre le taux de fécondité souhaité (nombre d'enfants que les femmes veulent avoir) de 1,6 et le taux de fécondité réel de 2. Ce qui laisse penser qu’un certain nombre de grossesses est subi, d’où le rôle à jouer par le planning familial.

"Nous espérons que toutes les grossesses sont désirées et que les gens ont la capacité de choisir [de tomber enceinte]", explique Alistair Currie. "Si c'était le cas, le taux de fécondité serait moins élevé en Inde.

Autre défi à relever pour le planning familial indien : réussir à toucher les classes populaires. En effet, les conditions socio-économiques déterminent les choix de nombreuses femmes en matière de grossesse, comme l'a révélé l'enquête sur la santé familiale de 2022. Les Indiennes plus pauvres et les moins éduquées vivant dans les zones rurales sont susceptibles d'avoir plus d'enfants à un âge plus jeune et sont moins exposées aux messages sur la contraception moderne. 

Les moins de 25 ans en roue libre

Selon les prévisions, la population de l'Inde devrait continuer d'augmenter au cours des prochaines décennies. La "variante moyenne" des projections des Nations unies fixe le pic de croissance à 1,7 milliard d'habitants en 2064. D’après les projections de la "variante basse", la courbe de croissance commencerait à s'aplanir en 2047. 

Cette poussée de croissance démographique se profile, car près de la moitié de la population indienne a moins de 25 ans. Une catégorie susceptible d'avoir ses propres enfants dans les années à venir. 

Pour ne rien arranger, une grande partie de cette population manque d'information sur les contraceptifs, explique Debanjana Choudhuri. "Le programme de planification familiale s'accompagne d'un préjugé : parce qu'il s'agit de planification familiale, beaucoup de jeunes [non mariés] pensent qu'il ne s'adresse pas à eux. La population adolescente doit être intégrée au débat sur la contraception. À l'heure actuelle, ils sont exclus, et c'est alarmant."

Ce texte a été adapté depuis l’anglais. Retrouvez le texte original ici.

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