Mega-bassines, un autre enjeu écologique

C’est quoi au fait exactement une méga-bassine ? Pourquoi une telle discorde autour de ces projets ? Il y a-t-il vraiment accaparement d'eau au profit d'une minorité devant les besoins toujours croissants en eau ? Existe-il des alternatives écologiques à ces bassines ? Avec  Florence Habets Directrice de recherche CNRS en hydrométéorologie.

Extraits de l'entretien  :

On est déjà en manque d’eau

Florence Habets : « On le sait déjà depuis quelques semaines : on sera en manque d'eau dans plusieurs départements de France. Certains qui n'ont pas quitté le manque d'eau depuis l’été dernier. Dans le Nord de la France, on s’en rend moins compte car la végétation est verte. Mais les déficits hydriques sont déjà très présents. Le niveau des rivières est assez bas, et celui des nappes encore plus bas. »

Les mega-bassines qu’est-ce que c’est ?

Cyril Lacarrière explique : « Elles proviennent de nos besoins toujours grands en eau et de notre manque d'eau lui aussi toujours plus grand. L’idée est de construire des bassins artificiels pour stocker l’eau et l'utiliser selon les besoins. Ces bassines ne datent pas de Sainte-Soline ! Les anciennes civilisations fabriquaient déjà en pierre ou en argile des réservoirs qui récoltaient l'eau de pluie et ça ne posait de problème à personne. Puis, à force de modernisation, ces bassines ont aussi commencé à récupérer l'eau des rivières, ce qui a commencé à provoquer quelques débats.

Désormais, ces bassines sont devenues des méga-bassines et peuvent se remplir directement en pompant des nappes phréatiques de moins en moins remplies. Cela énerve les militants écologistes. Pour eux, il s'agit ni plus ni moins d'un accaparement de l'eau par l'agro-industrie, car en prenant l'eau dans les nappes phréatiques, celles-ci ne peuvent pas se reconstituer. Pour les spécialistes, ces immenses réserves d'eau sont un non-sens. À travers les méga-bassines, ce que critiquent les opposants de sainte-Soline et d'ailleurs, c'est un certain modèle d'agriculture : le modèle productiviste. »

Florence Habets ajoute que la taille de la méga-bassine prévue à Sainte-Soline est l’équivalent de 10 stades de football ! Elle insiste sur la différence avec un réservoir : « Les réservoirs, la retenue, on en a plein, comme Serre-Ponçon, par exemple. Ils captent une rivière et l'eau s'écoule par gravité dans la rivière. Or les bassines sont peu connectées aux rivières. Elles sont dans un milieu relativement plat sans bord. Pour faire un bras, on construit des digues. Elles sont dîtes « méga » parce qu'on y stocke beaucoup d'eau grâce à gros trou. Elles sont alimentées par des pompes qui vont chercher l’eau soit en rivière, soit, le plus souvent, dans les nappes. »

Une bassine n’est pas un problème, mais des bassines, ce n'est pas une solution

Florence Habets : « Je résume souvent le problème des mega-bassines en disant une bassine n’est pas un problème, mais des bassines, ce n'est pas une solution ! Quand on multiplie ces lieux de stockage, cela a des impacts sur les cours d'eau et sur tout le milieu. Ces bassines, ont été conçues comme une solution à un problème antérieur. On a beaucoup développé l'irrigation dans les années 1980-1990. Au point que cela a causé beaucoup de problèmes sur des rivières complètement à sec l'été. Et le choix a été de dire : on va arrêter de prélever dans les nappes l’été, mais en hiver ! »

La coop 79

Les méga-bassines sont financées à hauteur de 70 % par l'état. À Sainte-Soline, c’est la Coop 79 qui s’occupe du futur projet. Florence Habets : « On ne sait pas grand-chose d’elle. Mais cette Coop 79 située dans les Deux-Sèvres a fait au départ un effort important de concertation sur l'ensemble du territoire pour mettre tous les agriculteurs autour d'une table et discuter, échanger, y compris avec des associations environnementales. C’est assez rare, même si finalement les gens se tapent dessus, pour être souligné ! »

Comment se passer des méga-bassines ?

Avec le changement climatique, on s'attend à voir des sécheresses sur plusieurs années. La question du partage de l'eau va être plus prégnante. Comment consommer moins d'eau ? Cela implique des changements profonds pour l'agriculture. Par exemple les années de sécheresse, peut-être, privilégier une petite surface où l’on va produire des choses vraiment utiles ou avec un bon rapport qualité. Il faudra vraiment s’adapter. Ce n'est pas facile, les agriculteurs sont des gens obligés de tout le temps remettre en question leurs pratiques. Et avec le changement climatique, c'est vraiment important de toujours revenir dessus. »

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