Julia Roberts sur «Pretty Woman» : «Les temps changent, et c’est heureux»

À l’occasion d’une visite en Suisse, l’actrice revient avec nous sur sa vie d’actrice et sa vie de maman.
Julia Roberts

«Enchantée, moi c’est Julia » : jamais présentation ne fut plus superflue. Une telle célébrité ne vous offre pas le loisir d’échapper à votre propre aura. Lorsqu’on lui fait remarquer, Julia Roberts nous répond par le sourire le plus éclatant d’Hollywood. En visite à Genève pour la foire Watches & Wonders, la foule se scinde sur son passage, tout le monde la regarde, veut la photographier, et posséder un peu de cet éclat qui émane de sa personne. La star se présente pour notre entretien avec sa frange coiffée-décoiffée, son complet lilas et ses talons hauts, dans une minuscule pièce mise à notre disposition.

La discussion s’engage immédiatement, en toute simplicité. D’une voix grave, le regard fixé sur son interlocuteur, la vedette répond à nos questions. Elle se trouve ici dans le cadre de sa fonction d’ambassadrice pour la campagne Chopard Loves Cinema, de la maison d’horlogerie, qui vient d’annoncer qu’elle emploierait désormais 80 % d’acier recyclé pour ses montres. L’inarrêtable cours du temps, que les montres mesurent sans relâche, semble n’avoir aucune prise sur Julia Roberts. Sa fiche biographique indique 55 ans, près d’une cinquantaine de films, une dizaine de séries télévisées : une carrière glorieuse entamée en 1987, et récompensée par de nombreux prix (dont un Oscar pour Erin Brokovich). En outre, l’actrice est mariée depuis 21 ans avec Danny Moder, directeur de la photographie, avec lequel ils ont trois enfants. Ces dernières années, pour se consacrer à sa famille, l’actrice a espacé ses apparitions sur grand écran. Son dernier film, Ticket to Paradise avec George Clooney, remonte à l’année dernière.

Les tournages ne vous manquent pas ?
Non, car quand j’ai eu mes enfants, je travaillais déjà depuis 18 ans. J’avais l’impression d’avoir gagné la liberté de prendre du temps pour les enfants. Avoir trois enfants, c’est déjà une grande aventure, ce qui fait que les tournages me manquent moins.

Avez-vous toujours eu le désir de fonder une famille ?
Je pense que oui, même je ne me suis jamais fixé de programme, je n’ai jamais pensé au nombre d’enfants que j’aurais aimé avoir. Mais lorsque j’ai rencontré mon mari, j’ai su qu’avec lui, j’aurais des enfants, et aujourd’hui nous avons la chance d’avoir trois enfants adorables et en bonne santé (elle touche la table en bois). Ça, c’est pour le mauvais sort. [Rires]

Vous êtes mariée depuis 21 ans. Les mariages aussi durables se font rares à Hollywood. Quel est votre secret ?
J’ai rencontré la bonne personne, voilà tout. Je ne sais pas quel est le secret. C’est vraiment magique.

On dit que vous vous écrivez encore des lettres, c’est vrai ?
Oui, c’est vrai. Nous parlons la même langue. Nous sommes très complices, et je pense que c’est le plus important, dans les relations d’amour ou d’amitié.

Qu’est-ce qui vous rend heureuse ?
Être auprès de ma famille.

On vous considère comme la reine des comédies romantiques, mais ces dernières années vous n’avez joué que dans Ticket to Paradise. L’ère des rom-com est-elle révolue ?
Je ne pense pas qu’elle soit terminée, mais c’est assez rare de trouver des bons scénarios, ou du moins des scénarios qui soient adaptés pour moi. J’ai joué dans de très nombreuses comédies romantiques par le passé, et je ne me rendais pas compte combien elles étaient délicates à écrire. Je n’ai pas choisi d’en faire moins, j’ai tout simplement reçu moins de bonnes propositions. Puis, on m’a proposé Ticket to Paradise avec George [Clooney, NDLR], et c’était le rêve de travailler avec lui.

Vous êtes amis de longue date.
Oui, nous nous connaissons depuis longtemps, et dès l’époque, nous avons sympathisé sur-le-champ.

Qu’est-ce qui vous rapproche ?
La joie. Nous sommes des personnes joyeuses qui aimons mettre les autres à l’aise. Il me fait énormément rire. Lorsque nous étions en Australie pour le tournage de Ticket to Paradise, nous avons passé beaucoup de temps ensemble, à chanter, à jouer. En un sens, nous sommes un peu comme des frères et sœurs.

En parlant de comédies romantiques, pensez-vous qu’aujourd’hui on pourrait réaliser un film comme Pretty Woman ? Les sensibilités ont énormément changé. Je vous fais part de deux commentaires que j’ai lus sur internet : « Pretty Woman laisse entendre que les travailleuses du sexe auraient besoin d’être sauvées » et que « seul un homme peut sauver Cendrillon ».
Il y a beaucoup de films qui, revus depuis notre présent, nous poussent à nous poser des questions sur l’époque à laquelle ils ont été réalisés. Si nous regardions aujourd’hui certaines des émissions de télévision de ma jeunesse, nous serions un peu surpris des choses qui nous faisaient rire à l’époque. C’est précisément la raison pour laquelle nous continuons à raconter de nouvelles histoires. Les temps changent, et c’est heureux.

Puisqu’on parle de notre époque, quels sont selon vous les acteurs les plus intéressants d’aujourd’hui ?
On a l’impression qu’à certains moments de l’histoire, les meilleurs profils sont tous concentrés dans la même tranche d’âge : la quarantaine pour les femmes, la trentaine pour les hommes. Mais aujourd’hui, tout cela a changé. Pour répondre à votre question : ma nièce (Emma Roberts NDLR) est une excellente actrice, Florence Pugh, Lucas Hedges et Timothée Chalamet font des choix très intéressants.

Pensez-vous que vos enfants suivront votre exemple ?
Je ne pense pas. Ce sont encore des adolescents, ils cherchent encore ce qui les intéresse, mais pour l’instant, ils semblent plus attirés vers la direction de la photographie, le métier de leur père, même si ça reste un loisir.

Est-ce qu’ils sont fiers que leur mère soit une star du cinéma ?
Ils ne me voient pas comme ça, pour eux je ne suis que leur maman.

Parmi les répliques les plus célèbres de vos personnages, laquelle vous répète-t-on le plus souvent ? Le « grosse erreur ÉNORME erreur ! » à la vendeuse snob dans Pretty Woman ou encore « Après tout… je suis juste une fille, debout devant un garçon, et qui lui demande de l’aimer » dans Coup de foudre à Noting Hill.
La dernière, sans hésitation. J’adore cette réplique, elle a été écrite par Richard Curtis, un très bon ami à moi. Quand on me la récite, j’en suis très fière.

Qu’est-ce que vous préférez dans votre travail ?
Tout me plaît. Quand je lis un scénario et que j’imagine comment je vais donner vie à un personnage, quand je suis sur le tournage et que je ressens la pression de réussir. C’est peut-être la raison pour laquelle je réussis à faire ce métier depuis tant d’années : je suis très dévouée. J’aime mon travail.

Hollywood a du mal à faire face au vieillissement de ses actrices. Lorsqu’elle a reçu l’Oscar, Michelle Yeoh a déclaré : « Mesdames, ne laissez personne vous dire que le moment de votre splendeur est passé. Ne vous déclarez jamais vaincues. » Qu’en pensez-vous ?
C’était un très beau discours. Elle exprimait une émotion venue du fond du cœur, dans un moment où il est très difficile de mettre de l’ordre dans ses pensées.

Existe-t-il une forme d’âgisme à Hollywood, envers les actrices qui vieillissent ?
Évidemment, et ça n’a rien d’un secret, tout le monde peut s’en apercevoir. Nous avons fait des progrès, mais il reste de grandes marges d’amélioration.

Avez-vous déjà fait les frais de cette discrimination ?
Non pas encore, mais il n’est jamais trop tard…

Julia Roberts, au côté de Caroline Scheufele, directrice artistique et co-présidente de Chopard, qui a choisi l’actrice comme ambassadrice de sa campagne Chopard Loves Cinema. À la foire Watches & Wonder de Genève, la marque a confirmé son engagement vers une production plus responsable en annonçant qu’elle emploierait 80 % d’acier recyclés pour ses montres : cet objectif sera atteint au cours de l’année 2023 et la maison s’est fixé d’atteindre le chiffre de 90 % en 2025.

Cet article est paru dans le numéro 16 de Vanity Fair Italie.