Bien-être animal : un tiers des transports d’animaux vivants dans l’UE durent plus de huit heures

Selon les données de la Commission européenne, plus d’un tiers des voyages d’animaux vivants dans l’UE durent entre 8 et 24 heures. [SHUTTERSTOCK]

Selon une nouvelle analyse de la Cour des comptes européenne (CCE), les différences de coûts entre les régions et l’application inégale par les États membres des règles de l’UE en matière de transport d’animaux encouragent le transport d’animaux vivants, ce qui entraîne des risques pour les normes de bien-être animal.

Dans son analyse présentée lundi (17 avril), la CCE a examiné les informations publiquement disponibles sur le transport d’animaux vivants dans l’UE et a constaté que, chaque année, des milliards d’animaux vivants sont transportés, notamment en raison des différences de coûts entre les régions.

En effet, l’analyse a conclu que les facteurs économiques, tels que les coûts d’abattage dans les différents États membres, ainsi que les facteurs règlementaires, tels que les différents systèmes de pénalités et de sanctions, sont les principaux facteurs de transport d’animaux vivants.

Certaines régions de l’UE étant hautement spécialisées dans la production animale intensive, la tendance dans le secteur de l’abattage est à la réduction du nombre et à l’agrandissement des abattoirs, ce qui peut également entraîner une augmentation du transport d’animaux vivants.

Selon les données de la Commission européenne, plus d’un tiers des voyages d’animaux vivants dans l’UE durent entre 8 et 24 heures. Pour les chevaux, les bovins, les ovins et les caprins, il s’agit de plus de 40 % des voyages.

« Le transport d’animaux vivants sur de longues distances peut avoir des conséquences néfastes sur leur bien-être », a déclaré Eva Lindström, membre de la CCE en charge de l’analyse.

« La législation européenne sur le transport des animaux n’est pas appliquée de manière uniforme par les États membres, et il existe un risque que les transporteurs exploitent les échappatoires qui découlent des différents systèmes de sanctions nationaux », a-t-elle ajouté.

L’analyse souligne également que le fait d’enfreindre les règles peut, dans certains cas, présenter un avantage financier pour les producteurs, ce qui incite à transporter, par exemple, des animaux inaptes au voyage.

« Lors de l’un de ses contrôles, la Commission a constaté qu’une amende de 250 euros avait été infligée pour le transport d’un taureau à la patte cassée, alors que la valeur approximative d’un taureau abattu peut être d’environ 1 500 euros », souligne l’analyse.

Selon les auditeurs de la Cour des comptes, un moyen de réduire le transport des animaux serait de rapprocher les abattoirs du site de production.

Ils concluent également qu’il est préférable de transporter de la viande plutôt que des animaux vivants en termes de bien-être animal.

Du côté des consommateurs, l’analyse souligne l’absence de normes harmonisées en matière d’étiquetage de la viande dans l’UE.

« En conséquence, les différents systèmes nationaux d’étiquetage suivent des approches différentes », a déclaré Mme Lindström, ajoutant qu’« un système européen d’étiquetage relatif au bien-être animal pourrait aider les consommateurs à faire des choix d’achat plus éclairés ».

Bien-être animal : l’EFSA recommande des trajets plus courts et des températures plus basses pour le transport des animaux

Afin d’assurer la protection des animaux pendant le transport, il faut prévoir plus d’espace, des températures plus basses et des trajets plus courts. C’est ce qu’indique l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA).

Révision de la législation sur le bien-être animal

La Commission européenne examine actuellement la législation de l’UE en matière de bien-être animal, dans le cadre de la politique alimentaire phare de l’UE, la stratégie « de la ferme à la table » (Farm to Fork).

Ce faisant, l’exécutif européen cherche à aligner la législation sur les dernières données scientifiques, à élargir son champ d’application, à faciliter sa mise en œuvre et, en fin de compte, à garantir un niveau plus élevé de bien-être animal.

« La Commission prend la question du transport des animaux très au sérieux et agit depuis de nombreuses années pour s’assurer que la législation actuelle est correctement appliquée et mise en œuvre par les États membres », a assuré un porte-parole de la Commission à EURACTIV.

Le sujet sera un « élément clé » de la révision de la législation sur le bien-être animal par l’exécutif européen, qui fait actuellement l’objet d’une analyse d’impact et « dont l’adoption potentielle est prévue pour la seconde moitié de 2023 », a indiqué le porte-parole.

De leur côté, les groupes de défense du bien-être animal s’attendent à ce que la législation révisée change la donne.

« Le rapport de la Cour des comptes européenne confirme que les choses ne peuvent plus continuer ainsi », a souligné Andreas Manz, coordinateur de la politique européenne sur les animaux de ferme à l’organisation de protection des animaux FOUR PAWS.

« Les problèmes de longue date que sont le manque de transparence, la faiblesse de la mise en œuvre et les violations constantes du bien-être animal dans le transport des animaux vivants continueront d’être systématiques si les règles ne sont pas modifiées dans la législation européenne à venir », a-t-il ajouté.

Mais l’idée d’interdire les voyages de longue durée et les exportations d’animaux vivants vers des pays tiers s’est avérée être une pomme de discorde.

Certains États membres, comme l’Allemagne, les Pays-Bas et le Danemark, se sont montrés favorables à la restriction du transport d’animaux vivants vers les pays tiers afin de maintenir et d’améliorer les normes en matière de bien-être animal.

D’autres pays, comme l’Espagne, le Portugal et la France, se sont opposés à une éventuelle interdiction en invoquant un bouleversement de la chaîne de production.

Toutefois, la commissaire européenne chargée de la sécurité alimentaire, Stella Kyriakides, a indiqué aux ministres de l’Agriculture de l’UE en janvier dernier qu’au vu des preuves scientifiques, « ne rien faire n’est pas une option ».

« Si la science et l’expérience nous indiquent que certaines pratiques de transport sont préjudiciables au bien-être des animaux, vous conviendrez avec moi que nous devons envisager des moyens d’adapter ces pratiques », a-t-elle déclaré.

Les ministres de l’Agriculture s’opposent à l’interdiction du transport d’animaux vivants hors UE

Plusieurs ministres européens de l’Agriculture s’opposent à une éventuelle interdiction du transport d’animaux vivants vers des pays tiers, mais la Commission souligne quant à elle la nécessité de se montrer ambitieux en matière de bien-être animal.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire