Un bébé réalise une équation sur un mur

Modifier les gènes de leur bébé pour l'envoyer à Harvard : ils sont OK

© Sturti via Getty images

28 % des Américains accepteraient de modifier les gènes de leur embryon pour lui permettre d’aller dans une bonne université, rapporte un sondage publié dans Science, qui alerte sur la banalisation de la sélection génétique.

Accepteriez-vous de modifier génétiquement votre futur bébé pour qu’il ait plus de chance d’entrer à Harvard (ou d'être accepté sur Parcoursup) ? Oui, ont répondu 28 % d’Américains sondés dans le cadre d’une étude scientifique publiée le 9 février dans la revue Science

Aussi désirable que de posséder une voiture électrique

Et 38 % n’hésiteraient pas à tester leurs embryons avant une FIV pour sélectionner ceux dont les chances d’être acceptés dans une des 100 meilleures universités sont les plus fortes. Un pourcentage équivalent aux Américains souhaitant passer à la voiture électrique, compare MIT Technology Review. Si l'on caricature : faire de l’eugénisme basé sur les performances intellectuelles devient aussi désirable que de se passer d’énergie fossile.

Cette enquête d’opinion, réalisée par des chercheurs en bioéthique, a pour but d’alerter sur le sujet, et de montrer que les tests génétiques servant à sélectionner les embryons, si peu fiables et critiqués soient-ils, risquent de se démocratiser plus vite qu’on ne le pense. Le problème ne concerne pas qu’une poignée d’individus au profil particulier, disent en substance les chercheurs. Et il est donc urgent de réglementer la pratique. Notons qu'en France, ces tests sont pour le moment interdits, sauf dans certains cas précis.

Un fossé semble se creuser entre, d’un côté les bioéthiciens qui regardent avec méfiance le développement de tests génétiques pour les embryons, et de l’autre le grand public qui y est plutôt favorable. 

Les plus diplômés et les plus jeunes sont les plus enclins à sélectionner leurs embryons

L’étude montre que l’envie de faire appel à la modification du génome et au tri génétique est plus marquée chez les moins de 35 ans et chez les individus ayant au moins un diplôme d’université. Ces chiffres démontrent que l’intérêt pour les scores de risque polygéniques pourrait croître de génération en génération et exacerber certaines inégalités, commente Michelle N.Meyer, l’une des autrices de l’étude, sur Twitter. 

Pour le moment, aucun embryon n’est né suite à une sélection pour ses futures aptitudes scolaires. Mais depuis quelques années, des entreprises de la biotech proposent des tests génétiques permettant de sélectionner des embryons sur des critères de plus en plus variés. 

L’entreprise américaine Genomic Predictions en fait partie. Elle promet, par exemple, de déceler chez un embryon pré-FIV sa probabilité de développer certaines maladies comme la schizophrénie, le diabète, différents types de cancers et de maladies cardiovasculaires. L’un des services qu’elle propose s’appelle le « score polygénique » et est disponible dans une centaine de cliniques. Il permet de comparer les marqueurs génétiques d’un individu (en l'occurrence d’un embryon) par rapport à la population et d’évaluer sa prédisposition à avoir telle ou telle maladie ou à développer certains comportements. 

Une technique fortement critiquée chez les scientifiques

Problème : cette technique est largement critiquée parmi les chercheurs. Elle n’est pas reconnue comme fiable notamment parce qu’elle présuppose que les gènes n’ont aucun lien avec l’environnement, pointe un récent article du Monde. En décembre 2021, l’European Society of Human Genetics a décrété qu’il s’agissait d’une pratique « non prouvée et non-éthique ». 

Genomic Predictions ne permet pas de faire le tri selon leur potentielle réussite scolaire, et assure qu’elle ne le fera jamais. 

Mais les auteurs de l’étude estiment qu’il n’est pas impossible que ce service soit offert d’ici peu par d’autres entreprises. Sachant que les premiers utilisateurs de ces technologies ne cachent pas leur intérêt pour la performance intellectuelle de leur descendance. Simone et Malcolm Collins, un couple autoproclamé « hispters eugénistes » récemment interrogé par différents médias américains, se dit tout à fait prêt à évaluer la potentielle réussite scolaire de leurs embryons. Dans un mail à MIT Technology Review, Simone Collins dit « avoir identifié » des entreprises qui donnaient ce type d’informations.

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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