Monde

Au Venezuela, ces enfants qui traversent la frontière pour aller à l'école

Au petit matin, les jeunes enfants traversent les trochas, ces pistes illégales destinées à éviter les postes-frontières, pour se rendre en Colombie et assister à leurs leçons. Chez eux, l'école n'existe plus.

Enfants, travailleurs, personnes migrantes: ils sont nombreux à traverser les trochas pour se rendre en Colombie depuis le Venezuela. Ici, deux jeunes hommes traversent la rivière Tachira, près du pont international Simon Bolivar, le 13 novembre 2021. | Youri Cortez / AFP
Enfants, travailleurs, personnes migrantes: ils sont nombreux à traverser les trochas pour se rendre en Colombie depuis le Venezuela. Ici, deux jeunes hommes traversent la rivière Tachira, près du pont international Simon Bolivar, le 13 novembre 2021. | Youri Cortez / AFP

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur BBC News

Il est quatre heures du matin quand Marcelo Jesus Gouriyú quitte la maison. En quelques heures, cet enfant de 13 ans sera bien loin de son village de Calié, au Venezuela, car il aura rejoint Paraguachón, de l'autre côté de la frontière colombienne. Cette traversée à pieds, il l'accomplit presque toutes les nuits avec son petit frère de 9 ans: c'est que l'école commence dès 6h30 là-bas.

Avant d'atteindre la Colombie, il leur faut se faufiler à travers des sentiers hasardeux qui contournent les postes-frontières. Ces pistes illégales sont appelées trochas, et sont le lieu d'un business de passeurs, contrôlé par des groupes armés locaux, qui font passer, outre les migrants clandestins, des cargaisons de drogue ou d'or illégal.

À l'école de Marcelo, le Centro Educativo Indígena Número 6, qui compte 1270 élèves, environ 40% sont des Vénézuéliens qui traversent la frontière pour se rendre en classe, et ils sont près de 200 à utiliser les trochas: «J'aime venir à l'école en Colombie. Il n'y a pas vraiment de cours là où je vis», explique Marcelo à BBC News.

De fait, la crise sociopolitique et économique majeure qui harasse le Venezuela a conduit à l'effondrement progressif de nombreuses institutions. Dans les zones rurales, les écoles sont tombées en désuétude, faute de professeurs et de moyens, poussant les habitants à se tourner au-delà des frontières. Mais ces points de passage clandestins demeurent dangereux, et de nombreux parents et enfants ont encore peur d'y passer, notamment en raison des affrontements violents qui peuvent s'y produire.

Pas de solution pérenne

Depuis janvier 2023 et le dégel des relations diplomatiques entre le Venezuela et la Colombie, la frontière entre les deux pays a été rouverte pour la première fois en sept ans, mais cet accès légal reste encore largement inaccessible pour la population: il implique de longs détours vers les postes-frontières officiels, et nécessite des papiers, dont beaucoup de Vénézuéliens ne disposent pas.

Pour la directrice de l'école, Georgina Deluquez, «Tout ce qui se passe au Venezuela a des répercussions sur nous [en Colombie]. Tant que le Venezuela restera en crise, les enfants continueront d'arriver et nous n'avons pas la capacité de nous occuper d'eux.» Elle reste toutefois déterminée à accueillir les élèves vénézuéliens qui se présenteront au portail: «Comment pourrions-nous les abandonner? Comment pourrais-je dire non, s'il s'agit du seul centre éducatif à la frontière? Si nous ne les accueillons pas, que restera-t-il pour les enfants?»

cover
-
/
cover

Liste de lecture