Accéder au contenu principal

En Inde, une mousse toxique recouvre la rivière sacrée Yamuna

Le Yamuna est un cours d'eau parmi les plus sacrés d'Inde, il est aussi l'un des plus pollués au monde.
Le Yamuna est un cours d'eau parmi les plus sacrés d'Inde, il est aussi l'un des plus pollués au monde. © Observers

Des images prises fin mars 2023 à New Delhi, en Inde, montrent des fidèles hindous se baigner dans la rivière Yamuna recouverte de mousse. Si ce cours d'eau est parmi les plus sacrés d'Inde, il est aussi l'un des plus pollués au monde. Pénuries d’eau potable, maladies, destruction de la biodiversité... Notre observateur Pankaj Kumar alerte sur les conséquences de cette pollution.

Publicité

Ces vidéos publiées sur les réseaux sociaux fin mars 2023 ont été prises à New Delhi, capitale de l’Inde, à l’occasion de la fête hindoue de Chhath Puja. Au cours de cette célébration, les hindous rendent hommage au dieu du soleil Surya en se baignant dans le fleuve.

Yamuna, tout comme le Gange dont elle est l’affluent, est l’une des rivières les plus sacrées mais aussi polluées au monde.  

“La Yamuna est considérée comme une rivière morte”

Pankaj Kumar (alias “Earth Warrior” sur les réseaux sociaux) est un activiste environnemental. Il alerte sur cette pollution récurrente, particulièrement importante au niveau de la ville de New Delhi. 

Jusqu’au barrage de Waziarbadad, à l’entrée de New Delhi, l’eau de la Yamuna est correcte. Mais après New Delhi, elle ne l’est plus. Après New Delhi, il n’y a plus d’eau de la Yamuna, ce ne sont que des eaux usées. 

Au niveau de la capitale, l’eau est stoppée pour alimenter les usages de New Delhi et de ses habitants. À la place, des eaux usées sont déversées dans le fleuve par les habitants ou les usines. 

Le problème, c’est que la plupart des eaux usées ne sont pas traitées, et les stations d’épuration fonctionnent mal.

En 2019, un rapport du Central Pollution Control Board (CPCB) avait montré que 90 % des eaux usées domestiques provenant de New Delhi étaient déversées dans la Yamuna. Le détergent issu des eaux de lessive, et le phosphate qu’il contient, explique d’ailleurs la présence de cette mousse dans le fleuve.

Les usines, notamment textiles ou de teinture, rejettent également des eaux non traitées dans la Yamuna. 

Conséquence de cette pollution, la rivière n’abrite plus aucune vie aquatique, explique notre observateur :

Aucune espèce ne peut survivre dans ces conditions. Le niveau d’oxygène dissous [NDLR : quantité d’oxygène dans l’eau] n’est pas suffisant pour accueillir  la vie. Entre le barrage de Wazirabadad et la ville d’Etawah - où de l’eau de la rivière Chambal alimente le fleuve  -, la Yamuna est considérée comme “morte”. 

 “Les plus pauvres sont les plus affectés”

Pour notre observateur, cette pollution est d’autant plus problématique qu’une partie de la population dépend de cette eau. Fin mars 2023, plusieurs quartiers de la ville ont souffert de pénuries d’eau à cause de niveaux d’ammoniaque trop élevés.

Pour que l’eau soit potable, le niveau d’ammoniaque ne doit pas dépasser 0,5 ppm [partie par million, NDLR]. Dernièrement, il a atteint les 5 ppm. C’est trop élevé même pour les usines de traitement, car celles-ci ne peuvent traiter l’ammoniaque que jusqu’à 1 ppm.

Les personnes stables économiquement ne sont pas affectées, mais les personnes qui n'ont pas une bonne situation économique souffrent d’une pénurie d'eau parce qu'elles dépendent des citernes d'eau. Comme la Yamuna est polluée, les citernes d'eau n'arrivent pas.

 

Les Delhiites ne sont pas les seuls à dépendre de cette eau. Les agriculteurs installés à proximité de la Yamuna en ont aussi besoin pour leur irrigation. Or l’utilisation de cette eau polluée peut contaminer les sols et les cultures produites.

En 2015 puis en 2019, le Tribunal vert indien (NGT) a ainsi banni l’agriculture maraîchère sur les berges du fleuve, des traces de métaux lourds ayant été trouvés dans les sols et les légumes cultivés, ce qui constitue un potentiel risque sanitaire pour l’homme.

“Les gens sont tellement dévoués à la Yamuna qu'ils risquent leur vie”

Malgré cette pollution, certains n’hésitent pas à se baigner dans ces eaux, et ce au péril de leur santé, explique Pankaj Kumar :

Ceux qui se baignent dans le fleuve développent des maladies de peau, ou des maladies respiratoires. Certains ont la peau brûlée.

Mais les hindous sont tellement dévoués à la Yamuna qu'ils risquent leur vie pour s’y baigner. Nous vénérons cette rivière et c’est pour cela que nous nous y baignons. Ce fleuve a une valeur très importante pour les hindous parce que dans cette religion, la déesse Yamuna est la fille de Surya, le dieu du Soleil, et est aussi l’une des femmes du dieu Krishna, le dieu suprême.

“Il faut laisser couler la Yamuna”

Les gouvernements - central et fédéral - ont promis à de multiples reprises de nettoyer la Yamuna, sans résultat réel, poursuit Pankaj Kuma :   

Le premier plan d’action pour nettoyer la Yamuna a ainsi été lancé en 1993. Depuis, les autorités ont concentré leurs efforts sur la construction de stations d'épuration, pour traiter les eaux usées avant de les rejeter dans le fleuve. Une action nécessaire, mais pas suffisante, selon notre observateur :

Si l’on veut que la rivière soit propre, il faut aussi laisser couler la Yamuna et arrêter d’aspirer toute l’eau du fleuve pour New Delhi. Et pour ça, il faut notamment demander aux habitants de New Delhi de réduire leur consommation d’eau. 

Les Delhiites utilisent 240 litres d'eau par jour. C’est la consommation la plus élevée du pays, et c'est beaucoup trop. Si vous utilisez autant d'eau, à force la rivière n’aura plus d’eau.

Pendant la saison des pluies, la Yamuna est propre, il n’y a pas de mousse. Pourquoi ? Parce qu’à ce moment-là, le niveau de l’eau monte, l’eau s’écoule. La Yamuna se nettoie par elle-même en quelque sorte.

Depuis plus de quatre ans, Pankaj Kumar organise des campagnes de nettoyage pour ramasser les déchets plastiques échoués sur les bords du fleuve.

Pankaj Kumar appelle chacun à se saisir du problème.

Il ne faut plus utiliser de produits chimiques, pour que la rivière n’en soit pas plus envahie quand des eaux usées y sont déversées. Et nous devons essayer de ne pas utiliser autant de plastique.

Chacun d’entre nous doit prendre ses responsabilités, mais nous avons aussi besoin que nos gouvernements agissent vraiment.

En novembre 2021, Arvind Kejriwal, chef du gouvernement de Delhi, s'est engagé à rendre la Yamuna propre d'ici 2025, et à s’y baigner lui-même. Une promesse loin d’être réaliste, selon notre Observateur.

Page non trouvée

Le contenu auquel vous tentez d'accéder n'existe pas ou n'est plus disponible.