La Commission propose de dispenser les « légumes moches » de normes de commercialisation

Selon le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant sur l’organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, un fruit ou légume commercialisé doit être « intact, sain, propre et exempt de parasite ». [Fuzull Hanum / Shutterstock]

Afin de lutter contre le gaspillage alimentaire, l’exécutif européen a annoncé vouloir exempter de normes commerciales les fruits et légumes hors standards, souvent non consommés, pour la vente directe.

Selon le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant sur l’organisation commune des marchés dans le secteur des produits agricoles, un fruit ou un légume commercialisé doit être « intact, sain, propre et exempt de parasite ».

Outre ces exigences minimales ou « normes générales », 10 fruits et légumes de consommation courante sont également soumis à une « norme spécifique » obligatoire. Le kiwi doit par exemple atteindre un poids minimal de 62 grammes pour être commercialisé, une pomme doit peser plus de 90 g, et les défauts de l’épiderme ne peuvent excéder 4cm de long.

Seul un seuil de 10 % d’altérité est toléré. Tous les produits qui ne respectent pas les normes – trop grands, biscornus, de couleur inhabituelle, etc. – partent pour la transformation industrielle, ou l’alimentation animale. Le reste est jeté.

En Europe, environ 30 % de tous les fruits et légumes n’atteindront jamais les assiettes des consommateurs à cause de leur apparence. En France, ce taux atteint 40 % dont 10 % ne sont même pas récoltés, car invendables.

30 à 40 % moins cher

Pour lutter contre ce gaspillage et favoriser les circuits courts, la Commission propose de supprimer les normes commerciales pour les fruits et légumes en vente directe aux consommateurs. C’est ce qu’elle a annoncé vendredi 21 avril, dans le cadre de la révision des normes de commercialisation pour les produits agroalimentaires.

Cet allègement réglementaire pourrait offrir aux consommateurs « davantage d’opportunités d’acheter des fruits et légumes frais à des prix plus abordables et profiter aux producteurs actifs en circuits courts », précise la Commission européenne dans son communiqué.

Alors que 41% des Français disent ne pas avoir les moyens financiers de consommer autant de fruits et légumes frais qu’ils le souhaitent (IFOP), l’initiative entend lutter contre les effets de l’inflation sur les produits alimentaires. Les produits dits « moches » se vendent généralement 30 à 40 % moins cher que les produits « parfaits ».

Valoriser ces produits permet également de réduire les pertes de revenus pour les agriculteurs. « Certains produits touchés par des catastrophes naturelles ou d’autres circonstances exceptionnelles peuvent également être vendus s’ils peuvent être consommés sans danger », ajoute la Commission.

Pour Janusz Wojciechowski, commissaire européen à l’agriculture, cela permettra de « réduire le gaspillage alimentaire, tout en valorisant des modes de production encore plus durables et plus sains pour les producteurs ».

Une « fausse bonne idée » ?

« C’est une fausse bonne idée », réagit auprès d’EURACTIV Angélique Delahaye, agricultrice et présidente de SOLAAL, une association qui collecte les produits agricoles invendables pour les donner à des associations d’aide alimentaire.

« Retirer les normes pour les producteurs qui font de la vente directe va créer une iniquité de traitement par rapport à ceux qui vendent dans des circuits de distribution classique », poursuit-elle. Cela pourrait aussi tirer les prix des aliments vers le bas, car plus l’entrée de gamme baisse plus la valeur du produit diminue.

Pour l’ex-députée européenne, la responsabilité reposerait sur les grandes surfaces et les comportements alimentaires.

« L’Union européenne a déjà supprimé beaucoup de normes. La plus emblématique est celle concernant la courbure du concombre. Or, même s’ils ne sont plus imposés, ces standards persistent dans les grandes surfaces. »

La raison ? La nécessité des normes, indispensables pour le commerce et les échanges, pour s’assurer que le produit acheté reste conforme à la description et au prix annoncé. De plus, les habitudes de consommation ont la peau dure. Les consommateurs sont attachés à des formes, des couleurs, des allures bien précises. « On ne fera jamais acheter un chou-fleur de plus d’un kilo dans le midi de la France, où l’on ne mange que des choux de 700 et 800 g maximum », souligne Angélique Delahaye.

« ugly produces »

« La Commission devrait faire une étude d’impact sur la suppression des normes, car les enseignes les maintiennent. Certaines, comme Auchan ou Intermarché, ont même arrêté de vendre des fruits et légumes ‘moches’ », insiste la présidente de SOLAAL.

Si une étude menée sur des consommateurs de cinq pays d’Europe du Nord a montré que ces derniers rechignent à acheter des produits abîmés dans les supermarchés, ce n’est pas le cas partout.

Plusieurs circuits commerciaux parallèles de commercialisation des fruits et légumes hors standards se développent fortement, à l’instar de SOLALL, qui repose sur le don des agriculteurs – un modèle unique en Europe selon sa présidente -, ou encore la société Bene bono, spécialisée dans la revente de produits refusés par la grande distribution. Cette dernière se targue d’avoir sauvé 971 657 Kg de fruits et légumes « moches » en deux ans.

Sur le même modèle, le projet portugais FLAW4LIFE, travaille également avec des agriculteurs, des consommateurs, des volontaires et des étudiants pour revendre ces produits délaissés. Partout en Europe l’on tente de redorer le blason des « ugly produces ».

La suppression des normes pour la vente directe facilitera-t-elle leur vente ? La proposition de la Commission sera débattue prochainement au Parlement européen et au Conseil.

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