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TRIBUNE

La Clef doit rester une salle de cinéma, par Martin Scorsese

Le réalisateur apporte tout son soutien au collectif La Clef Revival, qui est en train d’acheter le lieu. Après un compromis de vente signé avec le propriétaire le 26 avril, il lui reste six mois pour réunir la somme manquante.
par Martin Scorsese, Réalisateur
publié le 26 avril 2023 à 17h40

Salutations de New York.

Je vais aller droit au but : La Clef doit rester une salle de cinéma.

Je soutiens pleinement et fermement l’effort du collectif pour acheter le bâtiment et ainsi maintenir le cinéma en activité.

En matière de cinéma, nous avons tendance à prendre trop de choses pour acquises. A une époque, nous avons présumé que quelqu’un s’occupait des copies argentiques des films et de leurs éléments de conservation. Et soudain, nous avons découvert que ce n’était pas vraiment le cas. Nous avons compris qu’il fallait nous rassembler, coordonner nos efforts et sensibiliser tous les cinéastes et amateurs de cinéma.

Nous avons supposé que les films seraient présentés correctement lorsqu’ils l’étaient tout court – qu’ils soient projetés sur des écrans, diffusés à la télévision, lus sur VHS, DVD, Blu-ray ou désormais en 4K et en streaming. Mais ils étaient projetés dans des formats incorrects, coupés pour les publicités, recadrés, accélérés pour correspondre aux créneaux horaires des publicités, colorisés.

Un autre combat, un autre effort collectif.

Nous pensions que nous pourrions toujours voir des films sur grand écran. Mais au fil des années, les salles de patrimoine et les cinémas indépendants ont fermé en masse, les ciné-clubs universitaires ont tous cessé d’exister, les cinémas commerciaux se sont laissés séduire par les films de franchise, et la pandémie a entraîné la fermeture d’un nombre encore plus grand de salles dans le monde.

Enfin, nous pensions que l’art cinématographique bénéficierait d’un minimum de respect. Mais aujourd’hui, il est constamment tourné en dérision, de tous côtés, et sur les plateformes de streaming, tous les films ont été dévalués au rang de «contenu», un mot pour lequel j’éprouve une haine pure et simple.

Alors, pourquoi devrions-nous nous émouvoir de la disparition d’un cinéma de plus ? Parce que cela compte. Chaque salle compte ; chaque salle porte en elle la trace de toutes les personnes qui s’y sont réunies pour regarder un muet de Lubitsch, un classique de Souleymane Cissé, ou le dernier film de Paul Thomas Anderson ou d’Alice Rohrwacher, parmi d’innombrables autres films et rétrospectives. Songez à tous ces amoureux des films qui se sont donné rendez-vous sous le halo d’un projeteur. Et l’histoire de La Clef doit être préservée d’autant plus précieusement qu’elle a été ramenée à la vie par des personnes qui se sont réunies pour l’amour du cinéma et la liberté qui en découle.

Le bâtiment doit être sauvé et les projecteurs continuer à fonctionner – point final, fin de l’histoire.

Merci à Mélita Toscan du Plantier ; ainsi qu’à Paola Raiman et Chloé Folens qui ont assuré la traduction de ce texte.

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