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Avant/après : des Iraniennes montrent leur rébellion contre les règles vestimentaires islamiques

Un voile et des vêtements amples, puis une tenue beaucoup plus légère, les cheveux découverts. Sur le mode “avant/après”, des Iraniennes partagent depuis mi-avril des photos avec une même légende : “je suis née dans une famille religieuse, mais j'ai déchiré la vertu de la famille". Nombre d'entre elles sont des jeunes filles élevées dans des familles conservatrices, et qui disent avoir trouvé leur propre voie, parfois en dépit de violences psychologiques et physiques.

Des Iraniennes partagent des photos d'elles avant et après qu'elles ont décidé de s'affranchir des règles vestimentaires islamiques.
Des Iraniennes partagent des photos d'elles avant et après qu'elles ont décidé de s'affranchir des règles vestimentaires islamiques. © Observers
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Sur l'une des photos, elles portent des vêtements modestes - un tchador noir couvrant la majeure partie du corps - et affichent une expression stoïque. Sur l'autre, elles ont fait tomber leur voile, sourient, sont légèrement maquillées. C'est ainsi que des Iraniennes racontent leur histoire sur Twitter, Instagram et TikTok depuis mi-avril. Certains de ces assemblages sont devenus viraux, incitant d’autres jeunes femmes à demander à leurs autrices des conseils sur la manière d'opérer ces changements pour elles-mêmes.

Depuis le début du mouvement "Femme, vie, liberté" en Iran en septembre 2022, de plus en plus de femmes défient les codes vestimentaires et les directives islamiques dans les espaces publics.

Elles ont continué malgré la pression constante des autorités et de la police des mœurs, qui traquent celles qui osent circuler sans voile et dans des tenues jugées inappropriées dans les parcs, les transports publics, les universités et même les hôpitaux. 

>> LIRE SUR LES OBSERVATEURS : "Je ne porte plus jamais le voile" : les Iraniennes osent désormais provoquer le régime au quotidien

Nos Observateurs en Iran assurent qu'un nombre croissant d'Iraniens semblent prendre le parti des femmes qui refusent de porter le voile en public. Mais pour de nombreuses jeunes femmes, la lutte pour la liberté a commencé à la maison.

 

“La réaction de mes parents, ça a été des insultes, des humiliations et des violences physiques".

Parnian (pseudonyme) a partagé ses photos "avant et après" sur les réseaux sociaux.

Pour moi, c’était juste un autre challenge en ligne, mais en même temps, c'était une façon de montrer que si nous nous battons, nous pouvons progresser. Nous sommes plus fortes qu'ils ne le pensent. J'ai trouvé beaucoup d'autres personnes comme moi - et voir leurs photos m'a fait chaud au cœur.

Je suis née dans une famille très conservatrice et religieuse dans une ville du centre de l'Iran. Depuis l'âge de quatre ou cinq ans, j’ai dû porter un tchador noir [NDLR : une pièce de tissu qui couvre les cheveux et le corps]. Je devais prier cinq fois par jour et jeûner à partir de mes neuf ans. Je n'avais pas le droit d'utiliser Instagram ou tout autre réseau social. Tout ce qui se passait dans le monde réel ou en ligne impliquant la présence d’un homme m'était interdit. J'ai vécu ainsi jusqu'à l'âge de 14 ans.

C’est à cet âge que j'ai commencé à me comparer à d'autres filles, à la liberté qu'elles avaient et aux relations qu'elles entretenaient. Je me suis dit : "Il y a quelque chose qui ne va pas dans ta vie". J'ai également commencé à faire des recherches et à lire des livres, et j'ai fini par découvrir que je devais prendre mes propres décisions et suivre ma propre voie. C'est à ce moment-là qu'a commencé ma lutte avec mes parents.

"Je peux dire que j'ai fait mon 'coming-out' à 18 ans !"

Je peux dire que j'ai fait mon “coming-out” à 18 ans ! J'ai commencé à m'habiller comme je l'entendais, j'ai cessé de participer aux rituels religieux et j'ai commencé à sortir avec des garçons. La réaction de mes parents a été tout ce que vous pouvez imaginer : insultes, humiliations et violence physique. Ils m'ont empêchée d'entrer dans l'une des universités où j'avais été acceptée, parce qu'ils voulaient que j'aille dans une université réservée aux filles.

Mon père m'a battue je ne sais combien de fois. Une fois, il m'a emmenée dans le désert et m'a frappée avec un bâton. Il m'a dit de lui donner le numéro de mon petit ami, alors que je n'avais même pas de téléphone portable et que je n'avais pas le droit de sortir seule.

 

J'ai dû quitter leur maison. J'ai déménagé à Téhéran pour vivre avec un parent de ma mère qui est compréhensif et très cool. J'ai acheté un téléphone portable, je travaille, j'achète des vêtements qui me plaisent, je m'habille comme je veux, je sors avec des amis et des collègues... Je vis comme je veux, dans la mesure du possible dans ce pays.

Mais les menaces et les pressions de ma famille se poursuivent, par appels téléphoniques et messages. Dans le dernier, mon père a menacé de divorcer de ma mère si le membre de la famille de ma mère avec qui je vis ne me mettait pas à la porte !

Et depuis que la révolution "Femme, Vie, Liberté" a commencé, leur pression s'est accrue. Ils ont peur que ça me rende encore plus rebelle. Mais j'ai bon espoir. Si j'ai survécu jusqu'à présent, je peux encore progresser. J'essaie de me réinscrire dans une université à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Iran. Parfois, la seule option, c’est d'être forte.

 

 

“Ils comprennent enfin que nous devons respecter le mode de vie de chacun".

Rima (pseudonyme) a aussi partagé des photos d'elle avant et après son choix de se défaire de la pression religieuse de sa famille.

Mon père est religieux mais plus détendu, alors que ma mère était ultra-conservatrice et m'imposait tous les détails de la charia. À 12 ans, j'ai commencé à remettre en question la religion et notre mode de vie. J'ai porté le tchador jusqu'à 15 ans, puis ma mère est décédée.

Par la suite, la lecture de livres m'a aidée à trouver mes propres convictions. J'ai trouvé des contradictions troublantes dans la religion et j'ai réalisé que je ne voulais pas vivre avec ça et l’obligation de me convaincre de choses au nom de la foi.

Mon père et le reste de la famille sont religieux, mais ils ne voulaient pas me forcer. Ils m'ont parlé et ont essayé de me convaincre : "D'accord, tu ne dois pas porter un tchador, mais un hijab [qui ne couvre que les cheveux et non tout le corps, NDLR]". Puis ils m'ont dit : "D'accord, tu peux enlever ton foulard à l'intérieur, mais tu dois le garder dans la rue". Je les ai fait reculer petit à petit. Et depuis la révolution "Femme, Vie, Liberté", même le peu de pression qui restait a disparu. Ils ont enfin compris qu'il faut respecter le mode de vie de chacun et m'ont acceptée telle que je suis.

Parfois, nous nous disputons à propos des "choses que les filles peuvent ou ne peuvent pas faire". Ils ne peuvent pas me forcer, et je fais ce que je veux".

Depuis la mort de Mahsa Amini, une Iranienne de 22 ans, alors qu'elle était détenue par la police des mœurs en septembre 2022, l'Iran connaît un mouvement de manifestations massif. Des femmes en ont pris la tête, scandant notamment le slogan "Femme, vie, liberté".

La répression policière des manifestations a fait plus de 530 morts, des milliers de blessés et engendré des dizaines de milliers d'arrestations.

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