La dame au parapluie arc-en-ciel

Moun en décembre 2020, à une manifestation contre la loi "sécurité globale." ©Maxppp - Jan Schmidt
Moun en décembre 2020, à une manifestation contre la loi "sécurité globale." ©Maxppp - Jan Schmidt
Moun en décembre 2020, à une manifestation contre la loi "sécurité globale." ©Maxppp - Jan Schmidt
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En brandissant son parapluie multicolore, au milieu de la manifestation "loi sécurité globale", Moun Yolo a été arrêtée en décembre 2020. Elle est accusée d’être, à l’aide son parapluie, un signe qui déclenche la violence des blacks blocs. Un récit signé Leïla Djitli

En 2018, Moun se rend en manifestation, pour soutenir le mouvement des gilets jaunes. "Le 11 novembre 2018, il y a un appel national à manifester en mettant ce fameux gilet jaune fluo. Je trouvais la symbolique forte et simple : on porte le gilet qui sert lorsqu'on est en détresse sur la route, pour être vu et entendu. J'avais envie de m'exprimer en me rendant visible dans la rue." Moun

Les Pieds sur terre
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Dès ses premières manifestations, Moun raconte qu'elle est équipée d'un sac à dos, d'un foulard, de son gilet, et de son parapluie arc-en-ciel. "Mon parapluie, je l'ouvre en début de manifestation et je le ferme à la fin. Pour moi, c'est un symbole de paix, de protection, et ça adoucit un peu cette violence des lacrymogènes, et des scènes de guerre. Ces parapluies ont été des protections contre les jets de lacrymogènes et de bouteilles. C'est mon douzième ou treizième parapluie." Moun

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Le 12 décembre 2020, comme à son habitude, Moun se rend en manifestation avec son parapluie. Elle est interpelée dès son entrée dans la marche des manifestants. "Ils sont arrivés derrière moi. J'ai d'abord cru que c'était un copain qui venait me faire un bisou, et je me suis laissée aller en arrière. Mais d'un coup, je ne maîtrisais plus rien. J'ai pris conscience qu'on m'étranglait et que je ne respirais plus." Moun

"Ils m'emmènent dans une ruelle avec d'autres gens qu'ils ont interpellés, et ils prennent ma carte d'identité sans revenir avec." Moun

Moun : "Ils m'ont accusée de déclencher la violence des ultras avec mon parapluie"

Moun raconte que les policiers ont fait monter toutes les personnes interpellées dans un camion, en direction du commissariat du 18ème arrondissement de Paris. "En arrivant au commissariat, on est six ou sept filles dans la cellule. On rigole bien et on se rassure les unes les autres." Moun

Un peu plus tard dans l'après-midi, l'avocat de Moun lui annonce que la situation se complique : elle doit se rendre au sein des locaux policiers de la sûreté territoriale. "J'ai droit à la photo de profil habituelle, à la prise de mes empreintes, et de mon ADN. Je comprends que c'est grave quand je vois qu'il est écrit sur un papier, mon nom, mon prénom, 'parapluie arc-en-ciel', 'cheffe Black Bloc' et 'cheffe des ultras'." Moun

"Je n'avais jamais été interpellée, ni même eu de contrôle d'identité, et je me retrouvais dans une cellule minuscule, accusée d'avoir blessé des policiers…" Moun

La police procède à une perquisition chez Moun, et retrouve des grenades vides dans son appartement. "Je ramasse une ou deux grenades vides, par manifestation. Je note la date, le lieu où je l'ai ramassée et je mets ça dans un carton en souvenir. Ce sont des grenades vides et inoffensives, mais ils m'ont reproché d'avoir des armes de catégorie A, alors que la police n'a jamais voulu les qualifier ainsi, et reconnaître qu'ils utilisaient des armes de guerre." Moun

Moun en manifestation le 1er mai 2022, à Paris
Moun en manifestation le 1er mai 2022, à Paris
© AFP - Alain JOCARD

Moun est alors convoquée au tribunal. "Mes chefs d'inculpation étaient : 'regroupement en vue de commettre des violences envers les agents de l'Etat', soupçonnée d'être 'cheffe du Black Bloc', donnant l'ordre, grâce au parapluie, d'être violent. Puis, j'ai été accusée de détenir une arme de catégorie A : la goupille de lacrymogène qui n'a plus de détonateur, et ne fonctionne plus..." Moun

"Par la suite, j'ai eu l'interdiction de manifester pendant onze mois, mais mon avocate a réussi à faire lever cette privation. J'ai donc repris les manifestations en octobre 2021 avec mon parapluie." Moun

Les Pieds sur terre
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Moun manifeste encore dans les rues de Paris, son parapluie à la main, en attente d'une date pour son procès.

  • Reportage : Leila Djitli
  • Réalisation : Emmanuel Geoffroy

Merci à Maitre David Libeskind et Coline Bouillon

Musique de fin : "Talkin' Bout a Revolution" par Tracy Chapman

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