« Méthodes pseudo-mafieuses » : l’eurodéputée Caroline Roose dénonce les agissements du Comité national des pêches 

Lors d'une mission parlementaire en Bretagne début avril, l'eurodéputée Caroline Roose dit avoir reçu des menaces et des intimidations de la part du président du CNPMEM. Photo : Caroline Roose

Alors que la pêche française est sous tension, notamment depuis la proposition de la Commission européenne d’interdire les engins de fond dans les aires marines protégées, la députée européenne Caroline Roose reproche au président du Comité national des pêches (CNPMEM) d’avoir employé des méthodes d’intimidation et proféré des menaces envers les élus.

Ces accusations se produisent dans un contexte tendu, après l’annonce de deux mesures qui ont embrasé le secteur de la pêche fin mars : la décision du Conseil d’État de fermer des zones de pêche dans l’Atlantique pour protéger les dauphins, et la présentation du Plan d’action de la Commission européenne concernant la pêche de fond dans les aires marines protégées (AMP).

Pour protester contre ces nouvelles normes, le CNPMEM avait appelé les acteurs de la filière à cesser leurs activités dans le cadre d’une opération « ports morts » durant deux jours, les 30 et 31 mars. Le président du comité Olivier Le Nézet qualifiait alors le plan de la Commission « d’incompréhensible », car il mettait en péril la pêche française et des dizaines, voire des centaines, de milliers d’emplois.

Le CNPEM est une association très influente auprès des pouvoirs publics nationaux et européens, dont le rôle est de défendre les intérêts des pêcheurs professionnels et aquaculteurs marins. Le comité national réunit les membres des comités régionaux (CRPMEM), mais aussi des chefs d’entreprises ou des représentants de producteurs (OP).

À l’issue d’une rencontre avec le Commissaire européen à l’Environnement et à la Pêche, Virginijus Sinkevičius, dimanche 2 avril, le secrétaire d’État à la Mer Hervé Berville et Olivier Le Nézet, avaient annoncé avoir obtenu « satisfaction ».

Le Commissaire « a confirmé qu’il n’imposerait pas une interdiction des engins de fond dans les Aires Marines Protégées, ni en 2024, ni en 2030 et donc que le plan présenté par la Commission n’aurait pas de traduction juridique contraignante », précisait un communiqué du secrétariat d’État .

Toutefois, pour l’eurodéputée Caroline Roose, il s’agit d’une pure « manipulation » visant à redorer le blason du CNPMEM et du gouvernement, puisqu’il n’avait jamais été question d’interdire la pêche de fond, seulement de la suggérer à l’horizon 2030. Ce que la Commission avait une nouvelle fois rappelé lors d’une conférence de presse quelques jours plus tard.

« L’emprise du CNPMEM sur la pêche française commence à se fissurer. De nombreux pêcheurs prennent conscience que ce comité ne représente que la pêche industrielle, celle qui détruit les ressources et s’accapare tous les quotas, ne laissant que des miettes à la pêche artisanale », souligne l’eurodéputée.

En France, par exemple, 88 % des quotas de thon rouge sont octroyés à une poignée de thoniers industriels.

Selon l’association environnementale Bloom, la petite pêche serait de fait « exclue du processus de concertation », bien qu’elle soit particulièrement concernée par les mesures politiques. De plus, « le Ministère ne consulte qu’un seul organisme de représentation professionnelle : le Comité National des pêches », ajoute l’association.

Interdiction de la pêche de fond : la Commission confirme que son plan n’a rien de contraignant « pour l’instant »

Après s’être opposé publiquement au plan de la Commission européenne visant notamment à bannir la pêche de fond dans les aires marines protégées, le secrétaire d’État Hervé Berville a annoncé que la Commission n’allait finalement pas interdire ces pratiques. Chose dont il n’a jamais été question, « pour l’instant », a précisé l’exécutif européen.

Menaces, intimidations

Pour la députée Caroline Roose (Verts-ALE), le gouvernement et le CNPEM attisent la colère des pêcheurs en accusant l’Europe de vouloir s’en prendre à eux. Lors d’un compte rendu de mission au Parlement européen, elle va même jusqu’à accuser le président de l’association d’employer des méthodes d’intimidation pour faire pression sur les élus.

En effet, lors d’une mission parlementaire en Bretagne début avril, l’eurodéputée explique avoir reçu des menaces et des intimidations de la part d’Olivier Le Nézet, également vice-président de Bluefish, le syndicat des pêcheurs européens.

« Nous allons analyser tous vos votes et les transmettre aux pêcheurs. Ils verront ensuite directement avec vous », aurait-il confié à Caroline Roose lors d’une sortie en mer.

Selon l’élue, qui s’est confiée à EURACTIV, ce type de menace aurait été lancé à plusieurs reprises en direction de sa propre personne, mais aussi envers le Commissaire européen à la pêche, qui doit prochainement se rendre à Brest pour les journées maritimes européennes. « Je vais foutre le bordel », « J’ai envie de lui mettre une tarte », se serait exclamé M. Le Nézet.

« Ces propos témoignent d’une montée en puissance de l’agressivité, une dérive dangereuse de mon point de vue, surtout compte tenu de la puissance de cet homme et de ce qu’il représente », explique-t-elle.

Ces confrontations illustrent la montée des tensions entre les défenseurs de la filière et les partisans d’une transition environnementale radicale du secteur. « Après l’incendie de l’Office français de la biodiversité, les agressions sur les militants de Sea Shepherd, ou encore la séquestration de l’agriculteur Paul François à son domicile, je ne sais pas jusqu’où cela pourrait aller. On a affaire à des méthodes pseudo-mafieuses », avance Caroline Roose.

Si le président Olivier Le Nézet n’a pas voulu répondre personnellement à ces accusations, le Comité régional des pêches maritimes de Bretagne, qu’il préside, explique à EURACTIV, que « l’ensemble des membres du CNPMEM, entretiennent des relations de travail constructives, de confiance et de longue date avec les élus de la République française et du Parlement européen ».

Les membres du comité ajoutent « avoir apprécié les échanges qu’ils ont pu avoir au cours de ce déplacement », avec la délégation européenne.

[Edition : Théo Bourgery-Gonse]

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