Le tableau "Fuck abstraction", au cœur d'une polémique, dégradé au Palais de Tokyo

Publicité

Le tableau "Fuck abstraction", au cœur d'une polémique, dégradé au Palais de Tokyo

Par
Le tableau a reçu un jet de peinture violette.
Le tableau a reçu un jet de peinture violette.

Le tableau "Fuck abstraction" de l'artiste Miriam Cahn a été dégradé dimanche au Palais de Tokyo, à Paris. Un homme de 80 ans a été placé en garde à vue. Sur place, la ministre de la Culture a dénoncé "une attaque directe contre la liberté d'expression" et pointé "l'instrumentalisation" du RN.

Le tableau "Fuck abstraction" exposé au Palais de Tokyo a été dégradé ce dimanche après-midi, a appris France Inter. Cette œuvre de l'artiste suisse Miriam Cahn représentant un homme qui impose une fellation à une jeune victime a été recouverte de peinture, vers 15h30. Un homme de 80 ans a été arrêté et placé en garde à vue. La ministre de la Culture Rima Abdul Malak s'est rendue sur place et a dénoncé "une attaque directe contre la liberté d'expression".

Exposé depuis le 17 février au Palais de Tokyo, le tableau fait polémique, certains y voyant une œuvre à caractère pédopornographique. Plus de 14.000 personnes ont signé une pétition en ligne pour demander son décrochage. En mars,  le tribunal administratif de Paris a débouté des associations de défense des droits de l'enfant qui demandaient que le tableau soit retiré.

Publicité

Un homme de 80 ans interpellé

D'après nos informations, l'incident s'est produit vers 15h30. L'homme de 80 ans avait dissimulé la peinture violette dans une bouteille de médicaments et en a aspergé le tableau, "malgré l'ensemble des précautions qui sont prises par le centre d'art depuis le début de cette exposition et encore plus depuis que cette polémique a éclaté", a indiqué Mathieu Boncour, directeur de la communication du Palais de Tokyo. L'homme suspecté des faits a été arrêté par les surveillants du musée.

Cet octogénaire, inconnu de la justice, selon le parquet de Paris, a été placé en garde à vue pour "dégradation de bien culturel exposé". Il risque sept ans de prison et 100.000 euros d'amende.

"Une attaque directe contre la liberté d'expression"

Sur place, la ministre de la Culture Rima Abdul Malak a dénoncé "une attaque directe contre la liberté d'expression" et pointé du doigt la responsabilité du Rassemblement national, qui a "instrumentalisé" le tableau. En mars dernier, la députée RN Caroline Parmentier s'était rendue devant l'œuvre et, dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux, avait dénoncé "une scène de pédocriminalité".  Interrogée ensuite par la députée à l'Assemblée nationale, la ministre de la Culture avait appelé à ne pas tout "mélanger" et à "ne peut pas sortir une œuvre de son contexte".

Ce dimanche soir, la ministre a réitéré ses explications : "Il s'agit d'une exposition, 'Pensée sérielle', où l'on entre tout au long du parcours dans la pensée de l'artiste et, quand on arrive à cette œuvre, normalement on a compris son intention. Mais quand on la tire de son contexte et qu'on la présente seule et qu'on affirme qu'elle est pédopornographique alors qu'elle ne l'est pas dans l'intention de l'artiste, on instrumentalise et on créé des polémiques dont on se passerait bien aujourd'hui parce que cela implique que des personnes se sentent autorisées à venir attaquer une œuvre d'art, ce qui est une attaque directe contre la liberté la liberté d'expression et c'est assez grave."

Rima Abdul Malak défend une artiste qui "depuis quarante ans travaille pour dénoncer les horreurs de la guerre, la torture, les viols" et qui a notamment été marquée dernièrement par les violences à Boutcha, en Ukraine. "Ses tableaux sont certes très durs à regarder, peuvent choquer, peuvent heurter, outrager, mais ils partent d'une intention de dénonciation des horreurs de la guerre." L'exposition dure jusqu'au 14 avril au Palais de Tokyo.

Des associations qui demandaient le décrochage du tableau déboutées

La ministre de la Culture s'appuie également sur la décision du  tribunal administratif de Paris, qui a débouté en mars dernier des associations de défense des droits de l'enfant qui demandaient le décrochage du tableau qu'elles considèrent comme pédopornographique.

Le tribunal administratif a estimé que "l'œuvre ne saurait (...) être comprise en dehors de son contexte et du travail de l'artiste Miriam Cahn qui vise à dénoncer les horreurs de la guerre". Le tribunal soulignait aussi que le Palais de Tokyo a choisi d'exposer le tableau "dans une salle séparée avec d'autres œuvres susceptibles de choquer le public" et mis en place des panneaux d'avertissement et des médiateurs susceptibles de répondre aux questions du public. La requête déposée devant le Conseil d'État mi-avril a elle aussi été rejetée.

pixel