Albanie : un candidat issu de la minorité grecque remporte les élections municipales depuis la prison

Alors que le Parti socialiste d'Albanie (PSSH) a remporté la victoire dans la plupart des municipalités, et que le dépouillement était toujours en cours lundi, Fredi Beleri a été déclaré vainqueur dans la municipalité d’Himarë, dans le sud du pays. [SHUTTERSTOCK/rawf8]

Fred Beleri, le candidat récemment arrêté pour achat présumé de voix dans le cadre des élections municipales albanaises, a été informé ce lundi (15 mai) de sa victoire dans la ville d’Himarë.

Les Albanais se sont rendus aux urnes dimanche (14 mai) pour élire les maires et les conseillers locaux de 61 municipalités. Mais dans la ville d’Himarë, au sud du pays, où vit une minorité grecque, des troubles ont éclaté dès vendredi.

En effet, vendredi, Fredi Beleri, un expatrié grec candidat à la mairie sous la bannière d’un parti de la minorité grecque aligné sur une coalition d’opposition, a été arrêté. Il a été accusé par la police de corruption active dans le cadre des élections, ce que M. Beleri nie en bloc.

Cette arrestation a déclenché une querelle entre Athènes et Tirana, et le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis, a même menacé de bloquer l’adhésion de l’Albanie à l’UE.

Alors que le Parti socialiste d’Albanie (PSSH) a remporté la victoire dans la plupart des municipalités, et que le dépouillement était toujours en cours lundi, M. Beleri a été déclaré vainqueur dans la municipalité d’Himarë, dans le sud du pays.

M Mitsotákis a réagi positivement à cette annonce : « J’ai été particulièrement heureux d’apprendre que Fredi Beleri avait réussi et avait été élu maire d’Himarë avec une faible marge [il a battu le candidat du PSSH par seulement 19 voix] », a-t-il déclaré, soulignant que « le chemin de l’Albanie vers l’Europe passe par le respect des droits de la minorité nationale grecque ».

La communauté grecque d’Albanie représente environ 0,9 % de la population, bien que ce chiffre soit controversé dans certains cercles politiques. Alors que plusieurs communautés du sud du pays parlent grec et que certains panneaux routiers sont rédigés en grec, les nationalistes albanais affirment qu’ils s’identifient simplement comme Grecs pour obtenir des passeports grecs (et de facto de l’UE) et de l’argent d’Athènes, ce que les communautés locales nient avec véhémence.

Un recensement, bien que retardé, est prévu pour l’automne 2023.

Himarë, où M. Beleri s’est présenté et a ensuite remporté le poste de maire, abrite une importante communauté grecque.

Malgré sa victoire, on ne sait pas si M. Beleri occupera le poste de maire ou si d’autres élections seront organisées dans la municipalité en raison de sa détention.

Athènes menace à nouveau l’adhésion de l’Albanie à l’UE

Une nouvelle querelle diplomatique a éclaté entre la Grèce et l’Albanie à l’occasion des élections municipales albanaises. Le Premier ministre grec Kyriákos Mitsotákis a même menacé de perturber le processus d’adhésion de l’Albanie à l’Union européenne.

La Commission électorale centrale (CEC) a annoncé lundi que les socialistes, actuellement au pouvoir, étaient en tête dans 53 des 61 municipalités du pays. À Tirana, la capitale, le maire socialiste sortant, Erion Veliaj (PSSH), a obtenu un troisième mandat, distançant les candidats de l’opposition par une marge significative.

Le taux de participation aux élections — 35 % seulement — est l’un des plus faibles de l’histoire démocratique de l’Albanie, battu seulement par les élections de 2019, qui avaient été boycottées par les partis d’opposition et leurs sympathisants.

Sali Berisha, ancien Premier ministre et fondateur du Parti démocratique (PDS), a déclaré qu’il refusait d’accepter les résultats dans plusieurs municipalités. Ce dernier fait désormais partie d’une coalition avec l’ex-président Ilir Meta et son Parti de la liberté (PL), précédemment appelé Mouvement socialiste pour l’intégration, à la suite de divisions et de querelles de leadership.

L’autre faction de l’opposition, le « Parti démocratique officiel », dirigé par Enkelejd Alibeaj, n’a pas obtenu de résultats significatifs, selon les données de la CEC.

Irrégularités lors du scrutin

À Kamza par exemple, un ancien bastion de l’opposition situé dans la banlieue de Tirana, le Parti socialiste a gagné avec une avance significative.

Cependant, M. Berisha a expliqué à la presse que « des données fiables prouvent que [les résultats des élections à] Kamza [sont] une monstrueuse manipulation numérique ».

Des accusations d’achat de votes, d’intimidation des électeurs et d’influence ont fusé de part et d’autre de l’échiquier politique. La CEC a déclaré qu’elle enquêtait sur plusieurs cas.

Lundi après-midi, la mission d’observation du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’Homme (BIDDH) de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) a tenu une conférence de presse à Tirana, donnant son verdict sur les évènements des jours précédents.

Les problèmes d’identification électronique des électeurs, la présence de personnes non autorisées dans les bureaux de vote ou encore les tentatives de photographier le vote ont été les principaux problèmes identifiés par les observateurs locaux.

« Il y a eu quelques incidents au cours desquels des personnes ont été forcées de voter d’une certaine manière, mais les autorités ont essayé dans certains cas de l’empêcher et dans d’autres non, nous espérons que les procédures légales seront menées à bien et que les mesures pertinentes seront prises », a déclaré un représentant de mission du BIDDH.

Le Comité albanais d’Helsinki et l’ONG Civic Attitude ont également présenté leurs conclusions concernant 275 bureaux de vote. Ils ont mis en évidence des problèmes tels que la violence verbale pendant la campagne, les retards dans le démarrage du processus de vote en raison du mauvais fonctionnement de l’équipement électronique, le non-respect des procédures légales et l’utilisation de téléphones portables dans les centres de vote.

La présence de personnes non autorisées dans les centres de vote et l’incapacité des autorités à les en déloger constituent une autre source d’inquiétude.

« Dans presque tous les centres de vote surveillés, on a constaté la présence d’un grand nombre de personnes non autorisées à l’intérieur ou aux alentours des centres de vote qui ont intimidé, exercé des pressions et escorté un nombre considérable d’électeurs jusqu’au centre de vote », a déclaré Rigels Xhemollari de Civic Attitude.

« D’après nos observateurs, certaines de ces personnes étaient des représentants et des dirigeants de l’administration publique », a-t-il ajouté, soulignant que ce problème était particulièrement visible à Elbasan, Tirana, Kukës, Durrës et Shkodër.

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[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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