La France « championne » des pesticides en Europe, selon des ONG

Selon les données des ONG, la France se place "dans le 'top 3" des pays européens qui autorisent le plus de pesticides". Avec 291 molécules autorisées sur 453 dans l'UE, elle talonne l'Espagne (296) et la Grèce (298). [Leitenberger Photography / Shutterstock]

La France fait partie des pays de l’Union les plus consommateurs et permissifs en matière de produits phytosanitaires, selon l’Atlas des pesticides en Europe. Les auteurs appellent à une réduction de 80 % d’ici à 2030.

Publié en octobre dernier par la Fondation Heinrich Böll avec plusieurs organisations françaises – la Fabrique écologique, Générations futures, Pesticide Action Network (PAN) et le collectif Nourrir –, l’Atlas des pesticides en Europe sort pour la première fois en français et enrichi de données sur la situation dans l’hexagone.

Pour les ONG, l’objectif de ce travail – 68 pages illustrées de cartes et graphiques – est d »alimenter le débat » et de « contribuer au développement de solutions alternatives« , alors que les études se multiplient sur les conséquences sanitaires et environnementales des pesticides.

Le jour de la publication de l’Atlas, mardi 16 mai, une étude montrait au même moment que le nombre d’oiseaux avait décliné de 25 % en 40 ans en Europe, notamment du fait de “l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides utilisée par hectare”.

La France, « championne » des pesticides

Selon les données des ONG, la France se place « dans le ‘top 3″ des pays européens qui autorisent le plus de pesticides ». Avec 291 molécules autorisées sur 453 dans l’UE, elle talonne l’Espagne (296) et la Grèce (298).

De même que la France est le pays de l’UE « qui déclarait le volume le plus élevé en termes de ventes de pesticides en 2020 – et même si cela reste à relativiser au vu de la surface agricole du pays, elle peine à réduire son utilisation, y compris en kilogrammes par hectare ».

En effet, la consommation rapportée à la surface agricole utile (SAU), classe la France légèrement au-dessus de la moyenne européenne (3,3 kg/ha) avec 3,44 kg/ha en 2020. Les plus gros consommateurs sont les Pays-Bas (10,82 kg / ha), Chypre (9, 24 kg/ha) et l’Irlande (6,66 kg/ha), selon les chiffres de la FAO.

De leur côté l’Italie et l’Allemagne attegnent respectivement 6,11 kg/ha, et 4,05 kg/ha, alors que l’Espagne se place, elle, légèrement en dessous de la moyenne européenne avec 2,6 kg/ha.

En se basant sur l’Indice de Fréquence de Traitement (IFT) calculé à partir d’enquêtes du ministère de l’Agriculture depuis 1994, l’Atlas pointe les zones les plus traitées à savoir la viticulture, l’arboriculture fruitière ou les grandes cultures céréalières. Ainsi les pommes arrivent en tête des produits les plus dépendants des pesticides (IFT de 31,5), suivies des pêches (18,2), de la pomme de terre et du raisin.

Les auteurs reconnaissent toutefois que les indicateurs utilisés comme l’IFT ou les ventes de pesticides masquent d’autres usages, notamment lorsqu’ils sont « délocalisés ». C’est le cas de l’alimentation des animaux d’élevage qui « repose en partie sur l’importation d’aliments produits à l’étranger et ayant nécessité l’usage de pesticides« .

Changement « systémique »

Alors que la France s’était engagée en 2018 à réduire les usages de 50% d’ici 2025 dans le cadre du plan Ecophyto II+, et que l’UE porte la même ambition à l’horizon 2030 (Pacte vert pour l’Europe),« il reste encore beaucoup à faire pour atteindre les objectifs » indiquent les auteurs.

La mise en œuvre du nouveau règlement sur les pesticides (SUR) proposé par la Commission européenne en juin 2022 a été maintes fois reportée, et la PAC, « n’a pas réussi jusqu’à présent à fournir un soutien suffisant ou suffisamment efficace ».

L’Atlas prend l’exemple du Danemark, un pays qui a pu réduire significativement sa consommation de pesticides. Comment ? En appliquant une première taxe sur ces produits en 1972, puis en créant un impôt – indexé sur la toxicité du produit – dont les revenus sont aujourd’hui reversés au secteur agricole pour la transition.

Mais les ONG appellent à un changement plus « systémique » afin de repenser l’ensemble du système agricole et alimentaire. L’agroécologie, l’agriculture bio, la lutte intégrée contre les ravageurs (IPM) et la recherche sur les biopesticides font partie des leviers proposés.

Si des efforts « réels » ont été fournis par la France, notamment en matière d’agriculture biologique – premier pays européen en termes de production – ils restent cependant « insuffisants », surtout « compte tenu du poids de l’agriculture française, première puissance agricole de l’UE », soulignent les auteurs.

Alors qu’elle s’était donné pour objectif de parvenir à 18 % de la SAU en 2030, la France stagne autour de 10 % –  » bien en dessous de nombreux autres pays de l’UE », précisent-ils.

« Terreau fertile »

Si les associations militantes font de la France la « championne des pesticides » par rapport aux autres pays européens, la FNSEA ou le ministère de l’Agriculture préfèrent généralement insister sur une baisse de la consommation française ces dernières années.

En 2021, les ventes de produits phytosanitaires « sont restées stables par rapport à 2020 (+0,7%), et sont 19 % en dessous de la moyenne 2012-2017« , annonçait il y a quelques mois un communiqué du ministère, en lien avec le plan national de réduction des produits phytopharmaceutiques Écophyto II +. Une période qui faisait tout de même suite à une  augmentation de 21 % en 2018.

De plus, selon le ministère, les substances les plus dangereuses sont en baisse (-3%) depuis 2009, en particulier les substances actives classées CMR (cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques).

Dernièrement, à l’occasion du Salon international de l’agriculture, Elisabeth Borne avait annoncé le lancement « dans les prochains mois » d’un « nouveau plan Écophyto III, avec « plus d’anticipation, plus d’innovation et plus d’accompagnement ».

Les ONG demandent de leur côté une réduction de 80 % de l’utilisation des pesticides chimiques en Europe d’ici à 2030, et leur élimination complète d’ici à 2035.

« Nous espérons que cet Atlas saura être un terreau fertile pour permettre à de nouvelles initiatives soutenues par des politiques publiques de fleurir« , concluent les auteurs.

Le plan de réduction des pesticides de l’UE pourrait compromettre les exportations agricoles, selon des ministres européens

Les ministres de l’UE ont exprimé leurs inquiétudes concernant la compatibilité des exigences phytosanitaires internationales avec le plan de réduction des pesticides de l’UE.

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