Plus de 3000 « fermes usines » en France ? La nouvelle carte de Greenpeace fait débat

Porks,Crowded,In,A,Truck,To,The,Slaughterhouse [TofStock/ Shutterstock]

Greenpeace s’inquiète de l’implantation de « fermes usines » en France, une appellation rejetée par certains éleveurs qui pointent du doigt les élevages autrement plus intensifs dans certains pays européens.

21 000 porcs dans un même élevage, un million de volailles dans un seul poulailler : dans sa nouvelle carte publiée le 17 mai dernier, Greenpeace alerte contre les « fermes usines » qui se développent de manière « éffrennée » en France.

Selon le comptage de l’association, il y aurait 3 010 « fermes usines » en France. Elles représenteraient 3 % des exploitations, mais renfermeraient 60 % des animaux élevés (200 millions).

« Au-delà des conditions ignobles subies par un grand nombre d’animaux, l’accumulation des fermes usines sur le territoire français a des conséquences environnementales, sociales et sanitaires désastreuses », explique l’ONG.

Invasion d’algues vertes sur les côtes bretonnes, développement et circulation de zoonoses comme la grippe aviaire : les multiples conséquences de l’élevage intensif se manifestent depuis plusieurs années, avec l’intensification des productions et des échanges commerciaux.

C’est particulièrement le cas dans quelques régions qui se sont spécialisées au fil du temps, amplifiant les dégâts locaux. Selon Greenpeace, 70 % des fermes usines se concentrent sur 9 % du territoire, essentiellement en Bretagne et dans les Pays de la Loire.

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2 millions de volailles en Ukraine

La ferme France serait-elle devenue une « ferme usine » ? L’éleveur et député européen Jérémy Decerle, rejette ce qualificatif. « Les élevages français sont de taille moyenne, et même en bas de l’échelle si on les compare avec d’autres pays européens », explique-t-il, lui qui possède une centaine de bovins en Saône-et-Loire.

Pour qualifier un élevage de « fermes usines », terme qui n’a pas de définition officielle, Greenpeace s’est basé sur les exploitations soumises à une autorisation ICPE, un dossier demandé par l’État dès lors que le projet peut engendrer un risque pour l’environnement.

Ainsi, une autorisation est exigée au-delà de 400 vaches par ferme, 2 000 porcs, ou 40 000 volailles.

Or, selon la Confédération française de l’aviculture (CFA) une exploitation française de volailles standard abrite près de 40 000 volailles.

« Dans l’Union européenne, la taille moyenne des exploitations est 3 fois plus grande », précise le syndicat, qui ajoute qu’au Brésil, en Ukraine ou en Thaïlande, elles peuvent atteindre deux millions de volailles.

De même que, selon INAPORCS, la taille des porcheries françaises est « l’une des plus faibles d’Europe » avec 190 truies en moyenne.

« Les exploitations porcines comptent en moyenne 560 truies au Danemark et 370 truies en Hollande, sans parler de l’Amérique du Nord où l’on compte facilement plus de 10 000 truies », précise le syndicat.

Comme le mentionne une étude de l’INRAE de 2019, les productions de porcs et de volailles présentent une plus forte densité, car les exploitations n’ont pas besoin de valoriser des ressources fourragères (contrairement aux bovins), par nature assez dispersées géographiquement.

Est-ce, pour autant, une raison pour accepter des élevages de 21 000 porcs en France ? « Certains chiffres peuvent être choquants. Et je ne dis pas qu’il faut pousser à ce qu’il n’y ait que ce type d’exploitation, mais ce n’est pas ce que fait la France », admet Jérémy Decerle.

Outre leur caractère exceptionnel, l’éleveur tient à rappeler que ces fermes hors-normes sont « autorisées » et qu’elles « respectent la loi » en matière de bien-être animal ou d’environnement, en sachant que nous sommes soumis aux « réglementations les plus strictes du monde ».

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Moratoire

« Les méthodes de Greenpeace participent de l’affaiblissement de notre modèle d’élevage. C’est également irrespectueux envers les éleveurs qui pourraient devenir la cible des activistes. Nous ne sommes pas loin d’une forme de délation », s’emporte l’eurodéputé.

À travers cette nouvelle communication, Greepeace précise bien qu’elle n’est pas contre l’élevage en soi, mais contre l’industrialisation de la production.

Dans une tribune, des cadres de Greenpeace et d’autres ONG demandent aux pouvoirs publics d’ « encourager la diversification et les installations en polyculture- élevage sur tout le territoire », de favoriser « des politiques commerciales qui protègent et valorisent les productions françaises » et enfin de « faciliter l’accès à des régimes alimentaires diversifiés et sains pour les humains et la planète. »

L’ONG réclame enfin un moratoire sur tous les nouveaux projets de création ou d’extension de « fermes usines » en France.

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