Les expos “immersives” alimentent le débat sur l’art: “On a tendance à prendre les gens pour des idiots”

Les expositions du genre fleurissent aux quatre coins du globe et proposent de plonger les spectateurs “dans le tableau” par l’intermédiaire de projections XXL animées, mises en musique et déconstruites dans des chorégraphies déroutantes. Une “révolution” artistique qui attire depuis quelques années un très large public. Le même généralement qui désertait jusqu’alors les musées consacrés, souvent jugés trop ennuyeux.

L’attraction culturelle laisse en revanche perplexe le milieu de l’art: “Ce que j’en ai retenu pour l’instant, avec l’animation des tableaux, c’est une grande incompréhension”, confie à BFMTV Wouter van der Veen, secrétaire général et directeur scientifique de l’Institut Van-Gogh et expert de l’artiste. “On pompe des images sur Wikipédia pour ensuite les projeter sans propos. Il n’y a pas de travail de curation, on n’explique pas le geste de l’artiste et on ajoute de la musique”, dénonce-t-il. “C’est un peu la Foire du Trône” (suite ci-dessous).

Selon lui, ces hommages spectaculaires constituent une “forme de trahison”. Aucun tableau de l’artiste n’y est exposé, à proprement parler. L’action de peindre, elle-même, y est absente: pas de coups de pinceau visibles à l’horizon: “On a tendance à prendre les gens pour des idiots (...) Cela ne va pas dans le bon sens. C’est l’émotion du spectacle et non le spectacle de l’émotion”, regrette-t-il.

Il est en outre assez aisé de récupérer et d’exploiter l’oeuvre de Van Gogh à des fins commerciales car elle est depuis longtemps dans le domaine public et donc librement accessible: “Les différents acteurs qui gèrent son héritage sont très généreux. C’était d’ailleurs le vœu de Van Gogh, que son œuvre soit partagée au plus grand nombre”, précise néanmoins l’expert.

Pour ses adeptes, la tendance actuelle relève davantage d'un effort d’adaptation aux attentes du public. “Les acteurs culturels publics ont dénigré nos expositions numériques. Aujourd’hui, tous viennent au digital”, riposte Bruno Monnier, président de Culturespaces, une entreprise française spécialisée dans ce secteur lucratif.

Autre défenseur du genre, le philosophe Daniel Bougnoux: “Aucune œuvre n’est intouchable. C’est ainsi qu’un poème peut devenir une excellente chanson, un livre peut engendrer un film”, répond-il à BFMTV.