Ingérences étrangères : les raisons de l’audition de Marine Le Pen face à la commission d’enquête

La présidente du groupe RN à l'Assemblée nationale Marine Le Pen est auditionnée, mercredi 24 mai, par la commission d'enquête sur les ingérences étrangères. [EPA-EFE/TERESA SUAREZ]

Mercredi (24 mai), la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, Marine Le Pen, sera auditionnée par la commission d’enquête sur les ingérences étrangères en politique. Une audition très attendue, qui s’explique par les soupçons de liens entre le parti nationaliste et la Russie.

La commission d’enquête sur les ingérences étrangères en politique a été lancée par le Rassemblement national (RN) en septembre dernier, après plusieurs attaques de la part de la majorité et de la gauche sur les liens qui existeraient entre le RN et la Russie.

Présidée par le député RN Jean-Philippe Tanguy, la commission parlementaire a auditionné pendant plusieurs mois des responsables politiques et des personnalités afin d’établir si des ingérences politiques, économiques, financières de la part de toute puissance étrangère pouvaient exister en France. Outre les élus, des experts, des (anciens) diplomates ou encore le chef de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont été entendus.

C’est dans ce cadre que plusieurs élus du Rassemblement national ont été auditionnés et que Marine Le Pen le sera ce mercredi (24 mai). Cela n’avait rien d’évident : début mai, un membre de la commission indiquait à EURACTIV que les auditions étaient probablement terminées. Interrogé sur la possibilité que Marine Le Pen soit auditionnée, cet élu avait indiqué que son audition n’était pas certaine.

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Comme dans le cas des auditions d’autres responsables du RN, M. Tanguy se déportera de la présidence de la commission, qui sera exercée par le vice-président Laurent Esquenet-Goxes, député de la majorité présidentielle (MoDem).

Prêt russe

Parmi les éléments qui justifient la convocation de Marine Le Pen face à la commission d’enquête, il y a l’emprunt contracté en 2014 par le Front national, devenu Rassemblement national, auprès d’une banque tchéco-russe (First Czech Russian Bank), pour un montant de 9,4 millions d’euros. Toujours en cours de remboursement à l’heure actuelle, le prêt avait été évoqué par Emmanuel Macron pendant le débat de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 2022.

L’ancien eurodéputé RN Jean-Luc Schaffhauser, intermédiaire dans la conclusion du prêt, a indiqué au cours de son audition par la commission le 4 mai dernier que c’est bien Marine Le Pen qui l’avait chargé de négocier ce prêt. À l’époque, les banques occidentales refusaient d’octroyer un financement au parti d’extrême droite. M. Schaffhauser a également déclaré que ce financement accordé au RN s’inscrivait dans une recherche d’« alliés » en Occident de la part du Kremlin, qui a avalisé l’opération.

Le micro-parti Cotelec, de Jean-Marie Le Pen, père de Marine Le Pen, a également reçu, en 2014, un prêt de 2 millions d’euros d’une société chypriote, dont les fonds seraient alimentés par un ancien banquier russe, proche de l’oligarque russe Konstantin Malofeev. Des sommes dont le RN a bénéficié indirectement, ayant emprunté de l’argent à Cotelec pour les élections de 2017.

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Voyages en Russie et déclarations controversées

Tout au long des auditions, plusieurs élus ou anciens élus du RN ont été auditionnés, outre Jean-Luc Schaffhauser. Parmi eux, deux eurodéputés, Thierry Mariani et Philippe Olivier. Ce dernier est le beau-frère de Marine Le Pen et un de ses conseillers.

Les deux élus au Parlement européen se sont rendus à plusieurs reprises en Russie, où ils ont rencontré des proches du pouvoir. Philippe Olivier a par exemple rencontré Konstantin Malofeev, dont le projet était la constitution d’une « union des extrêmes droites européennes ». M. Olivier nie avoir été informé de ce projet.

Des déplacements en Crimée occupée ont aussi été effectués par Marine Le Pen et des élus de son parti, ainsi que certains élus du parti de droite Les Républicains. À cette occasion, ils ont par exemple déclaré qu’ils considéraient la Crimée comme étant russe. Les referendums ou les élections en Russie ont été qualifiés de « démocratiques » par les cadres du parti qui y étaient envoyés en tant qu’observateurs.

« Je ne crois absolument pas qu’il y a eu une annexion illégale de la Crimée : il y a eu un référendum, les habitants souhaitaient rejoindre la Russie », avait notamment déclaré Marine Le Pen en 2017 sur BFMTV. Lorsqu’en avril de la même année elle fut reçue par Vladimir Poutine, elle déclara face à la Douma qu’elle souhaitait faire lever les sanctions internationales pesant contre les personnalités russes.

L’ancienne candidate à l’élection présidentielle (2012, 2017, 2022) nie le lien entre ces déplacements et ces financements avec ces positions.

Si Jean-Philippe Tanguy, président de la commission et numéro 2 du groupe, assure que Marine Le Pen a toujours été « à la disposition de la commission d’enquête », il juge néanmoins auprès de l’AFP qu’« aucun fait nouveau mis en lumière par les précédentes auditions ne justifie cette audition ».

En tout cas, il devrait s’agir de la dernière audition de la commission. La rapporteure de la commission d’enquête Constance Le Grip (Renaissance) devrait rendre son rapport au début du mois de juin.

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