Ukraine. La guerre fait exploser les émissions de CO2
Les combats ont mis à mal l’environnement en Ukraine. Au moins 155 millions de tonnes de dioxyde de carbone (ou CO2), principal gaz qui renforce l’effet de serre, auraient déjà été générées par la guerre depuis le 24 février 2022.
On sait que les institutions militaires ne sont pas les meilleures amies de l’environnement. En temps de paix, elles généreraient de 5,5 % à 6 % des émissions mondiales de CO2 liées aux énergies fossiles, selon des données fournies par « The Military Emissions Gap » et « Scientists for Global Responsibility », deux organismes de surveillance de l’impact des militaires sur l’environnement. Avec près de 6 % des émissions globales, soit 2,75 milliards de tonnes de CO2 par an, les forces armées mondiales, regroupées, arriveraient en 4e position des plus gros émetteurs, derrière la Chine, les États-Unis et l’Inde, et devant la Russie.
Surconsommation d’obus, bombes...
Ces données, que des experts jugent sous-estimées, ne concernent que le temps de paix. Or, pendant les conflits armés, les émissions de Co2 augmentent brutalement à cause de sept facteurs majeurs. Les émissions sont intensifiées par la surconsommation d’obus, bombes, missiles, roquettes et munitions de petits calibres d’une part et par celle de carburant par les unités terrestres, les forces navales et surtout les unités aériennes.
Les incendies génèrent aussi d’importants volumes de CO2 : feux de dépôts de carburant et d’infrastructures pétrolières, feux de déchets et de débris et enfin feux de forêts et de champs qui constituent une importante source d’émissions de gaz à effet de serre.
Enfin, il faut prendre en compte en temps de guerre tous les déplacements de populations (déplacés internes, réfugiés etc.) qui obligent à un recours accru aux automobiles, cars, trains, bateaux et avions.
Ces sept facteurs jouent à plein dans le cas de la guerre en Ukraine. Ainsi les consommations d’obus d’artillerie sont énormes. Sur 1 km2, dans le Donbass, des chercheurs ont recensé 2 052 impacts d’obus de calibres allant du 82 mm au 155 mm. Ainsi encore, le nombre de feux de forêts a été multiplié par 122 entre la période de paix et le temps de guerre. Un autre exemple : il a fallu relocaliser 20 millions de réfugiés ukrainiens et 8 millions de déplacés intérieurs.
Ce conflit a déjà suscité plusieurs études pour déterminer l’impact des combats sur l’environnement et sur les émissions additionnelles de CO2, même si leurs effets restent difficilement quantifiables du fait même de l’insécurité et de la destruction inévitable des instruments de contrôle.
Un bon en arrière de 15 ans
Une première étude à la mi-2022 estimé le volume de CO2 généré par la guerre à 61,4 millions de tonnes dont un quart venant des feux de forêts et de d’espaces naturels ou agricoles. Une autre étude s’est concentrée sur les émissions dans quatre domaines : les déplacés et réfugiés, les combats, les feux et les destructions d’infrastructures civiles. Elle a ajouté l’effet du sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2 (qui aurait généré 14,6 millions de tonnes de CO2). Elle chiffre les émissions à 100 millions de tonnes en 7 mois.
L’un des experts qui a rédigé cette deuxième étude, Lennard de Klerk, doit rendre en juin un nouveau rapport destiné à l’ONU. Déjà, il avance un autre chiffre : 155 millions de tonnes de CO2 ont été émises du fait de la guerre.
Ces 155 millions de tonnes s’ajoutent à celles de l’Ukraine du temps de paix qui étaient de 185 millions de tonnes en 2021, en progrès par rapport à 2011 où elles étaient de 325 millions de tonnes. Si l’on combine les émissions civiles et militaires de l’Ukraine, on tourne autour de 340 millions de tonnes. Soit un volume proche de celui de 2008 : en Ukraine, la lutte contre les émissions de CO2 a donc fait un bond en arrière de 15 ans.