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Sénégal : heurts meurtriers à Dakar après la condamnation de l'opposant Ousmane Sonko

Des heurts ont fait près d'une dizaine de morts au Sénégal après qu'un tribunal de Dakar a condamné, jeudi, l'opposant Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle de 2024, à deux ans de prison ferme pour "corruption de la jeunesse". Ousmane Sonko a, en revanche, été acquitté des faits présumés de viol. Cette décision de justice hypothèque néanmoins sa candidature à la fonction suprême.

Des partisans de l'opposant sénégalais Ousmane Sonko lors de heurts avec la police à Dakar, le 1er juin 2023. Des heurts qui font suite à sa condamnation à deux ans de prison ferme pour "corruption de la jeunesse".
Des partisans de l'opposant sénégalais Ousmane Sonko lors de heurts avec la police à Dakar, le 1er juin 2023. Des heurts qui font suite à sa condamnation à deux ans de prison ferme pour "corruption de la jeunesse". © Guy Peterson / AFP
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La situation se tend au Sénégal. Des violences meurtrières ont éclaté jeudi 1er juin dans différents quartiers de Dakar après la condamnation de l'opposant sénégalais Ousmane Sonko, accusé de viols, à deux ans de prison ferme pour "corruption de la jeunesse". Une peine qui compromet encore davantage sa candidature à la présidentielle de 2024.

"Nous avons constaté avec regret des violences ayant entraîné des destructions sur des biens publics et privés et, malheureusement, neuf décès à Dakar et à Ziguinchor", a déclaré dans la nuit de jeudi à vendredi à la télévision nationale le ministre de l'Intérieur, Antoine Diome, qui a aussi reconnu la restriction par les autorités de l'accès aux réseaux sociaux.

Des groupes de jeunes ont attaqué des biens publics en plusieurs points de la capitale, brûlé des pneus et disposé des obstacles dans les rues, a constaté un photographe de l'AFP. Des heurts ont mis aux prises des groupes et les forces de sécurité à coups de pierres et de gaz lacrymogènes.

L'autoroute conduisant à l'aéroport a été coupée par des manifestants, ont rapporté les médias. Le nouveau train desservant la cité nouvelle de Diamniadio à partir de la capitale a cessé de circuler.

Dans la soirée, plusieurs réseaux sociaux et plateformes de messagerie, dont WhatsApp, subissaient de sérieuses restrictions d'accès. "Cette situation ressemble à celle observée en 2021" quand le Sénégal avait été en proie à des émeutes meurtrières et "limite probablement considérablement la faculté du public de communiquer", a indiqué le service de surveillance d'internet Netblocks dans un message à l'AFP. De telles restrictions sont désormais communément appliquées par les autorités à travers le monde dans des périodes de tension.

Ces violences font suite au délibéré rendu jeudi par une chambre criminelle de Dakar contre Ousmane Sonko, le plus farouche adversaire du président Macky Sall, accusé de viols et de menaces de mort.

Le tribunal l'a condamné pour "corruption de la jeunesse", qui consiste à favoriser la "débauche" d'un jeune de moins de 21 ans. Il l'a en revanche acquitté des accusations de viols et de menaces de mort.

Deux ans de prison ferme pour O. Sonko : l'opposant acquitté des faits de viol et menaces de mort
Deux ans de prison ferme pour O. Sonko : l'opposant acquitté des faits de viol et menaces de mort © AFP

La plaignante, Adji Sarr, ancienne employée du salon de beauté où Ousmane Sonko allait se faire masser, avait moins de 21 ans au moment des faits qu'elle dénonce.

La décision du tribunal a soulevé de bruyantes manifestations de réprobation dans la salle du tribunal placé sous forte protection policière, sans qu'apparaisse clairement si elles étaient dues à la sympathie pour la plaignante ou pour Ousmane Sonko.

Adji Sarr a quitté le tribunal sans s'exprimer. Menacée et insultée depuis que le scandale a éclaté, placée sous protection policière, elle a toujours persisté dans ses accusations. Elle a dit au procès qu'Ousmane Sonko avait abusé d'elle à cinq reprises entre fin 2020 et début 2021. Elle n'est jamais devenue la figure d'un combat contre les violences faites aux femmes, le dossier étant trop politisé par la présidentielle et la société ne facilitant pas un tel engagement.

Enjeu politique et criminel

Ousmane Sonko n'a cessé de nier les accusations et de crier au complot ourdi par le pouvoir pour l'écarter de la présidentielle. La patronne et des témoins ont contesté les dires d'Adji Sarr au procès.

La patronne du salon Sweet Beauté, Ndèye Khady Ndiaye, a été également été condamnée à deux ans de prison ferme pour incitation à la débauche, mais acquittée de complicité de viols. Ousmane Sonko et elle doivent payer chacun 600 000 francs CFA (900 euros) d'amende et conjointement 20 millions de francs CFA (30 000 euros) de dommages et intérêts à la plaignante.

"Nous sommes satisfaits de la culpabilité de Sonko", a dit à la presse Me El Hadji Diouf, avocat d'Adji Sarr. Mais 20 millions de francs CFA de dommages, c'est peu pour les "souffrances" qu'elle a endurées, a-t-il déploré.

La décision paraît, au vu du code électoral, maintenir la menace sur l'éligibilité d'Ousmane Sonko et sur sa faculté à concourir à la présidentielle de 2024. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur une éventuelle arrestation d'Ousmane Sonko.

"La décision de l'arrêter ou pas dépend du ministère public", a dit un des avocats d'Ousmane Sonko, Me Djiby Diagne. "Que tous les Sénégalais le sachent : Ousmane Sonko ne peut plus être candidat", a renchéri un autre de ses conseils, Me Bamba Cissé.

Au moment de la décision de justice, Ousmane Sonko, président du parti Pastef-les Patriotes et troisième de la présidentielle de 2019, était présumé se trouver chez lui, à Dakar, bloqué depuis dimanche par un important dispositif policier, "séquestré" selon ses mots.

Les forces de sécurité ont repoussé, y compris par la force, toute tentative de l'approcher de la part de ses avocats ou de ses sympathisants.

L'enjeu est autant criminel que politique. L'éligibilité d'Ousmane Sonko, 48 ans, est déjà compromise par une récente condamnation à six mois de prison avec sursis pour diffamation contre un ministre.

Depuis que l'affaire de viols présumés défraie la chronique, Ousmane Sonko est engagé dans un bras de fer forcené avec le pouvoir pour sa survie judiciaire et politique.

Une vingtaine de civils ont été tués depuis 2021 dans des troubles largement liés à sa situation. Le pouvoir et le camp d'Ousmane Sonko s'en rejettent la faute.

Avec AFP

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