« Arnaque » contre « déni de démocratie » : l’abrogation de la réforme des retraites hystérise l’Assemblée

Les groupes de gauche brandissent des pancartes lors du vote de la motion de censure le 20 mars dernier. [EPA-EFE/TERESA SUAREZ]

Après l’examen par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, la proposition d’abrogation de la réforme des retraites du groupe LIOT a été vidée de sa substance, provoquant la colère des députés de gauche.

Mercredi (31 mai), la commission des Affaires sociales a examiné, comme le veut la procédure, la proposition de loi du groupe d’indépendants LIOT (Liberté, indépendants, outre-mer et territoires) avant son passage en séance plénière le 8 juin prochain.

La proposition de loi porte sur l’abrogation de la réforme des retraites promulguée par le président de la République en avril dernier. Le gouvernement avait préféré en passer par l’article 49.3 de la Constitution qui permet l’adoption d’un texte sans vote parlementaire, face à la gronde sociale contre la réforme.

Lors de son propos liminaire en commission mercredi, l’auteur du texte d’abrogation, Charles de Courson, a fait valoir que sa proposition de loi était « une chance pour notre commission et une chance pour l’Assemblée nationale, de retrouver sa raison d’être sur un sujet qui touche l’ensemble de nos concitoyens », afin de « sortir de la crise politique et de la crise sociale ».

Or, par 38 voix contre 34, les membres de la commission ont voté en faveur de la suppression de l’article 1 de la proposition de loi qui abroge la réforme des retraites. La proposition de loi s’est ainsi retrouvée vidée de son intérêt premier du point de vue des opposants à la réforme des retraites.

Dès lors, leur stratégie a consisté à faire durer les débats en commission pour qu’ils ne soient pas terminés avant la date butoir (le 5 juin à 17 heures). En ce cas, c’est le texte initial, sans les modifications apportées en commission, qui aurait été débattu en séance publique. Pour ce faire, la gauche (NUPES) a déposé plus de 2 000 amendements et sous-amendements.

Réforme des retraites : les groupes LIOT et PS veulent jouer les trouble-fête

Les groupes LIOT et PS ont annoncé le dépôt de deux propositions de loi visant à abroger la réforme des retraites, malgré sa validation par le Conseil constitutionnel et sa promulgation vendredi dernier.

Amendements non examinés

Mais après concertation de dernière minute avec le bureau de la commission, la présidente de la commission des Affaires sociales, Fadila Khattabi (Renaissance), a décidé de ne pas les examiner, déclenchant la colère des élus de gauche, qui ont quitté la salle.

« C’est une insulte à la démocratie et c’est un jour tragique aussi pour notre institution, mais plus largement pour le peuple français », a déclaré Arthur Delaporte, député socialiste. Selon lui, le fait de priver les députés d’un vote sur l’âge légal de départ est « une mascarade ».

La députée Clémentine Autain (La France insoumise – LFI) a même accusé la majorité de faire « un pas de plus dans la folie autoritaire ».

Face aux accusations d’une décision infondée en droit, Mme Khattabi les a récusées en expliquant que « ce n’est pas la première fois qu’une assemblée parlementaire refuse l’examen de sous-amendements qui sont déposés de manière abusive à des fins d’obstruction », un procédé « validé par le Conseil constitutionnel ».

Reçus par la Première ministre, les syndicats appellent au retrait de la réforme des retraites

La Première ministre Elisabeth Borne a convié les syndicats à Matignon mardi et mercredi (16-17 mai), afin de « donner plus de place à la négociation et au dialogue social ». Les syndicats sont prêts à négocier, tout en continuant à appeler à l’abrogation de la réforme des retraites.

« Arnaque » et « obstruction »

La Première ministre Elisabeth Borne, s’exprimant pendant la séance de questions au gouvernement au Sénat mercredi après-midi, s’est aussi indignée de l’attitude de la gauche et du dépôt massif d’amendements : « lorsque le résultat d’un vote déplaît à la NUPES, elle n’a qu’une réponse : l’obstruction ».

Mme Borne a dit souhaiter « que l’examen de la proposition de loi puisse aller à son terme dans de bonnes conditions, et que le contrôle de la recevabilité des amendements puisse s’exercer normalement dans la sérénité ».

Outre l’obstruction de la gauche, la majorité parlementaire s’en est prise à sa sincérité. Le député Sylvain Maillard (Renaissance) a qualifié d’ « arnaque » l’initiative de LIOT soutenue par la NUPES, « car elle cherche à faire croire aux Français que la loi promulguée, il y a seulement quelques semaines, pourrait être mise en questionTout le monde sait dans cette salle que cette proposition est inconstitutionnelle ».

L’inconstitutionnalité de la proposition dériverait de la charge financière que l’abrogation de la réforme des retraites pourrait induire, alors que la Constitution interdit à une proposition de loi d’avoir un effet négatif sur les finances publiques du pays.

Suite au refus d’examen des sous-amendement des députés de gauche, c’est donc la proposition de loi telle que modifiée par la commission qui sera examinée par l’Assemblée nationale en séance publique le 8 juin prochain, bien que vidée de sa principale substance.

L’article abrogeant la réforme des retraites sera réintroduit par amendement lors de la séance publique par Charles de Courson. Mais la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet (Renaissance), sera souveraine dans sa décision de le déclarer irrecevable en ce que la suppression de la réforme créerait une charge financière pour l’État.

C’est précisément ce point qui inquiète dorénavant les opposants à la réforme. Si elle le fait, elle « rompra une position constante des présidents successifs de l’Assemblée nationale », avertit Charles de Courson.

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