Zuzalu, la ville des gens qui ne veulent pas mourir (et créer un État rien que pour eux)

© Zuzalu

Pendant deux mois, des adeptes de la longévité se sont retrouvés au Monténégro. Leur projet : créer un État sans barrière réglementaire pour pouvoir développer et tester, au plus vite, des cures de jouvence. 

Un drôle de rassemblement s’est tenu ce printemps. Au nord de la côte du Monténégro, environ 780 personnes se sont réunies pour parler longévité, biohacking et fontaines de jouvence pendant deux mois. Ils ont quitté leur domicile provisoirement pour vivre à Zuzalu. Cette ville éphémère au nom de Club Med réunit une communauté très spécifique : uniquement des gens qui souhaitent, et ont de gros moyens pour le faire, tenter de tromper la mort, ou au moins d'allonger au maximum leur vie. Ils sont parfois appelés « longévistes » , et sont proches dans leur philosophie des transhumanistes

Bienvenue à Zuzalu, y’a du soleil et des zazous 

L’histoire du nom Zuzalu est en elle-même assez savoureuse. Il ne veut rien dire et aurait été inventé par ChatGPT après plusieurs essais. Quant au logo (des silhouettes de gratte-ciel verdoyants), il a aussi été dessiné par une intelligence artificielle qui, guidée par Vitalik Buterin, y « aurait passé des heures ». Le créateur de la cryptomonnaie Ethereum, qui défend régulièrement l’idée d’allonger l’espérance de vie, est l’instigateur du projet. 

Ce petit monde, composé d’entrepreneurs de la biotech, mais aussi d’investisseurs en cryptomonnaies et de chercheurs, vient donc s’installer quelques semaines dans les hôtels de luxe et Airbnb de la ville éphémère, valises de compléments alimentaires à la main. Les Zuzalans (le petit nom qu’ils se donnent) assistent à diverses conférences aux sujets des technologies disponibles pour ralentir le vieillissement, de la juridiction encadrant les essais cliniques… Mais aussi des ateliers plus ésotériques comme un baptême social en réalité virtuelle, ou des conversations philosophiques dans un sauna. « Zuzalu n’est pas seulement une conférence, prévient Laurence Ion, l’un des organisateurs, lors de l’événement d’ouverture. C’est une expérimentation de cohabitation d’une tribu numérique dans le monde physique. » 

Tu vas mourir quand, toi ? Jamais !

Tous partagent l’opinion que le vieillissement peut et doit être ralenti. Selon le média Decrypt, qui fait un compte rendu de ces deux mois, l’un des moyens d’engager une conversation à Zuzalu est de demander à une connaissance à quel âge elle pense mourir. Les réponses vont généralement de 80 ans à « jamais ». Interrogé par MIT Technology Review, un participant résume la chose ainsi : « La vie est bonne, et la mort est moralement mauvaise ». Il s’appelle Nathan Cheng et dirige Longevity Biotech Fellowship, une communauté en ligne pour les personnes travaillant dans ce domaine. Et de conclure : « Il y a un impératif moral à faire quelque chose à propos de la mort, à propos du vieillissement. »

Longevity State

Pour ce faire, Nathan comme d’autres participants estiment que la construction d’un “ État réseau ” dédié au sujet est nécessaire. Un « longevity State » comme il le nomme. Il s’agirait d’un État dont les juridictions particulières permettraient d’accélérer le développement de biotechnologies. En gros, ses défenseurs espèrent se soustraire à la réglementation stricte qui encadre l’industrie pharmaceutique aux États-Unis, en Europe et ailleurs. 

Le vieillissement n’étant pour le moment pas considéré comme une maladie par l’OMS, aucun traitement dédié à son ralentissement ne peut être mis sur le marché. Sa reconnaissance fait d’ailleurs partie des revendications de ces longévistes. Mais en attendant, ils entendent mener leurs expériences hors des sentiers battus. Car leur État devrait permettre à ceux qui y vivent de tester des traitements dans le cadre d’expérimentations, de servir de rats de laboratoires, en quelque sorte. À leurs yeux, c’est aux individus de décider des risques qu’ils souhaitent prendre, pas aux docteurs. 

Coloniser le plus petit État des États-Unis 

Rhode Island aux États-Unis fait partie des choix de destinations privilégiées, compte tenu de sa proximité avec Boston, hub de la biotech, et de sa faible population (1 million d’habitants). Si suffisamment de Zuzalans se mobilisent, ils pourraient influencer les lois de l’État, estiment certains participants. 

Pour mettre au point leur plan encore au stade d’ébauche, ils s’inspirent de projets similaires comme Prospera, une ville nouvelle en Honduras où la législation souple attire des entreprises de la santé et des cryptomonnaies, ou encore le Free State Project, un État uniquement peuplé de libertariens. 

Tout le monde à Zuzalu n’approuve cependant pas l’idée. Car se passer du cadre réglementaire habituel, c’est aussi risquer le développement de médicaments dont les effets secondaires ne seront pas contrôlés, et les preuves d’efficacité pas avérées. 

Marine Protais

À la rubrique "Tech à suivre" de L'ADN depuis 2019. J'écris sur notre rapport ambigu au numérique, les bizarreries produites par les intelligences artificielles et les biotechnologies.
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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Comme disait Hugh Jackman dans l'excellent The Foutain, "Death is a disease, it's like any other. And there's a cure. And I will find it"

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