Rapatriements de Syrie : « Ne pas faire payer aux enfants la décision des parents »

INTERVIEW. L’avocate Marie Dosé demande le rapatriement de deux orphelines, nées en France mais de nationalité marocaine, bloquées en Syrie depuis 2019.

Propos recueillis par

Le camp Roj, dans le Nord-Est syrien, le 28 mars 2021.
Le camp Roj, dans le Nord-Est syrien, le 28 mars 2021. © DELIL SOULEIMAN / AFP

Temps de lecture : 4 min

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Orphelines et blessées, deux adolescentes de 14 et 16 ans survivent dans les camps de Syrie depuis le décès de leur mère, tuée en 2019 dans les bombardements ayant chassé Daech de son dernier fief, la ville de Baghouz.

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Nées et éduquées en France, les jeunes filles, de nationalité marocaine, ont été emmenées en Syrie en 2016, avant d'avoir l'âge requis pour devenir françaises. Leur avocate, Marie Dosé, saisit un tribunal administratif afin d'exiger leur rapatriement en France. Elle a répondu aux questions du Point.

Le Point : Quelle est la situation de ces deux adolescentes ?

Marie Dosé : Il s'agit de deux jeunes filles, âgées de 14 et 16 ans maintenant, dont je demande le rapatriement depuis des années. Elles sont toutes les deux nées et ont grandi en France, où elles ont fait leur scolarité. Leur mère, marocaine, était en situation régulière avant de les emmener avec leur petit frère en Syrie en 2016, alors qu'elles avaient huit et dix ans. La maman et le petit frère sont morts à Baghouz en 2019, et les deux gamines ont été blessées. Devenues orphelines, elles ont été transférées dans le camp d'Al-Hol, où des Françaises se sont occupées d'elles, et sont ensuite arrivées au camp de Roj, où elles sont encore aujourd'hui.

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Comment vont-elles ?

Cela fait quatre ans qu'elles attendent dans des camps. L'une ne parle presque plus, elle est complètement traumatisée, l'autre est blessée au bras et doit être opérée d'urgence. Je communique régulièrement avec elles par WhatsApp, et c'est vraiment une catastrophe. Pour vous dire, c'est la première fois que des femmes dans des camps m'écrivent directement pour me demander de faire quelque chose. Les femmes françaises qui s'occupaient d'elles ont été rapatriées, et elles sont encore plus seules qu'avant. Je suis très inquiète.

On ne va pas faire payer à des enfants la décision de leurs parents de les emmener en zone de guerre

Ces adolescentes sont dans une situation particulière puisqu'elles n'ont pas la nationalité française. Pourquoi demander à la France de les rapatrier ?

Elles n'ont connu que la France : on ne va pas faire payer à des enfants la décision de leurs parents de les emmener en zone de guerre avant qu'elles n'acquièrent la nationalité française. Elles ne connaissent que la France, toute leur famille maternelle y vit, et elles ont passé en Syrie plus de temps seules dans des camps que dans les territoires occupés par Daech avec leur mère.

J'ai déjà obtenu le rapatriement de plusieurs personnes qui n'avaient pas la nationalité française, dont une petite fille qui, comme elles, avait été emmenée par ses parents en zone de guerre avant de pouvoir acquérir la nationalité française, alors qu'elle était née en France.

Il est clair, en plus, que le Maroc ne les rapatriera jamais : d'une part, ce pays ne les connaît pas, et d'autre part, le Maroc n'a rapatrié aucune femme marocaine ni aucun enfant marocain, pas même un orphelin, des camps du Nord-Est syrien. Ce pays ne s'intéresse pas à ses ressortissants et encore moins à ces deux gamines qui, au demeurant, ne connaissent pas le Maroc. Elles ne connaissent que la France, et y avaient d'ailleurs un titre de circulation.

La France ne m’a jamais répondu sur ces petites filles

Qu'attendez-vous de la saisie administrative que vous avez faite la semaine dernière ?

J'attends qu'elles reviennent, je ne peux pas imaginer que leur rapatriement n'intervienne pas très vite. C'est à l'Élysée de décider. À ce jour, la France ne respecte pas l'arrêt de condamnation de la Cour européenne des droits de l'homme. Il y a lieu de mettre fin à l'arbitraire des décisions de refus de rapatriement. La Cour européenne invite la France à ce que ces demandes soient examinées par une instance qui ne relève pas du pouvoir exécutif. Or c'est le ministère des Affaires étrangères qui s'en charge, et il relève de l'exécutif. La CEDH invite en outre la France à motiver ces décisions en prenant en considération l'intérêt supérieur de l'enfant, sa situation particulière et sa vulnérabilité, et ces critères ne sont jamais évoqués. La France ne m'a même jamais répondu sur ces petites filles. Là encore, l'arrêt de condamnation n'est pas respecté.

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Combien d'enfants reste-t-il à rapatrier ?

Il reste une centaine d'enfants à rapatrier. Une toute petite partie est à Al-Hol, où il sera très compliqué de les retrouver, mais la grande majorité est dans le camp Roj. La plupart ont la nationalité française, parce que l'un de leurs parents est français par, mais certains sont dans la même situation que ces deux enfants. Ces deux gamines ont, en revanche, la particularité d'être orphelines. Elles sont toutes seules, qu'est-ce que cela coûte à la France de leur porter secours, alors qu'elles ne connaissent qu'elle ?

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Commentaires (37)

  • furlukin

    Et ce n’est pas non plus à la France de prendre à son compte les responsabilités du Maroc envers ses propres ressortissants.

    Même le cas humain est à soumettre à la sensibilité et au bon coeur du pays concerné, au lieu de se défausser systématiquement sur nous.

    Question de respect et d’égalité.

    Mais les pays émetteurs d’immigration sur notre sol ont bien pris en compte notre mollesse et notre laxisme sur tous ces sujets, que ce soit l’interdiction surréaliste de procéder à des vérifications sur l’âge réel des «mineurs isolés» suivie de leur prise en charge automatique, ainsi que - bijou hollandien - l’impunité totale des clandestins qui par centaines de milliers se baladent sur notre territoire.

    Et naturellement, il faut bien que, d’une façon ou d’une autre, ils trouvent des moyens de subsistance. Quoique la solution est déjà là : le citoyen français, lui, on connait son adresse et on sait le faire participer aux frais divers et variés de cette scrupuleuse gestion.

  • L'écriteau de Blaise

    Ces "enfants", déjà grands, ont eu le temps d'être endoctrinés et formatés. En plus, ils sont de nationalité marocains. Cette affaire ne concerne donc pas la France. C'est au Maroc de les reprendre, s'ils veulent. Le gouvernement marocain est souverain là dessus. Pas la peine d'importer des bombes à retardement ; il y en a déjà trop.

  • Martinoune

    Il est sans doute difficile de leur faire endosser les mauvaises décisions de leur mère... Marocaine ? Qui part en Syrie ? On a qq difficultés à démêler cet echeveau... Les " gamines " st des femmes... Il semblerait plus approprié de les rapatrier au Maroc ? Elles ne st pas françaises et ss doute leur vie au moyen Orient, puis dans les camps les a formatées dans un système qui ne les aidera pas à e réadapter chez nous... Le discours de cette avocate ressemble à une plaidoirie dont kes arguments sont pour le moins discutables et s'adresse à la corde sensible... On se rappellera que les terroristes revanchards sont tjs actifs et ne nous veulent pas que du bien...