Plus de 90 % des rues en Europe portent des noms d’hommes de tous horizons. Les femmes sont priées de se projeter dans la Vierge Marie ou Sainte-Anne ou d’autres saintes…
![](https://www.lesnouvellesnews.fr/wp-content/uploads/2023/06/rues-europe.jpg)
Après la rue Ludvig van Beethoven, prendre la rue de la Vierge Marie, puis les rues Louis Pasteur, Thomas Edison, Leo Tolstoy, Hans Christian Andersen, Saint Paul… En se promenant dans les rues des villes d’Europe, les hommes peuvent se projeter dans des images de grands artistes, scientifiques, chercheurs, écrivains, hommes politiques, chefs de guerre, sportifs… Et les femmes ? Peu de noms à l’horizon. Et quand on en trouve une c’est, le plus souvent, une sainte. Heureusement, Marie Curie occupe quelques noms de rues mais elle est la seule parmi les 10 premiers noms de femmes cités, les 9 autres sont des saintes. Une sorte d’exception à la règle « sainte ou invisible »…
Ce palmarès est élaboré par la plateforme Mapping Diversity, qui analyse 145.933 rues dans 30 villes européennes importantes, réparties dans 17 pays. 52 888 rues portant le nom d’une personne.
Plus de 90 % de ces rues portent un nom d’homme. « Le manque de diversité dans la toponymie en dit long sur notre passé et contribue à façonner le présent et l’avenir de l’Europe. » peut-on lire sur le site de Mapping diversity « Si vous vous promenez dans n’importe quelle grande ville européenne, vous remarquerez une tendance dans les noms de ses rues. Ils honorent généralement le même type de personnes : des hommes blancs, riches, influents ou les deux. C’est un rappel subtil mais puissant de ce que notre société valorise, ou a valorisé, et de ce qu’elle ne valorise pas. »
Seulement 9 % des rues portent le nom d’une femme, soit 4 779, et 47824 rue portent le nom d’un homme, soit 90,4 %.
Derrière ces chiffres se cachent des différences entre les villes, mais aucune ne s’approche d’une quelconque égalité des sexes. Si Stockholm arrive en tête du classement avec 19,5 % de noms de femmes, elle est suivie de Copenhague (13,4 %) et de Berlin (12,1 %). Paris pointe à la 10ème place avec 8,6 % de femmes. En fin de classement, Debrecen (Hongrie) (2,7 %), Prague (4,3 %) et Athènes (4,5 %).
« La prépondérance des figures masculines dans nos rues n’est pas seulement la preuve d’un fait historique et culturel, mais aussi une force, subliminale mais constante, qui contribue à perpétuer la marginalisation des contributions féminines dans l’histoire, l’art, la culture ou les sciences. » souligne la plateforme.
Si les hommes trouvent de nombreux modèles dans ces noms de rues, pour les femmes c’est sainte ou rien… Les 30 villes étudiées mettent à l’honneur 2 791 femmes, issues d’horizons divers. Mais la Vierge Marie est le nom le plus fréquent, avec 365 rues, dans 25 des 30 villes. À titre de comparaison, l’homme le plus populaire, Saint-Paul, a 28 noms de rue. Sainte-Anne a donné son nom à 35 rues dans 19 villes différentes.
Ensuite, la moitié du très faible nombre de rues dédiées à des femmes retiennent des personnalités du monde de la culture, des sciences et des arts, la profession d’écrivain étant la plus fréquente. Avec des différences entre les villes en ce qui concerne la prévalence des noms religieux.
12 femmes sont commémorées presque exclusivement en raison de leur appartenance à une lignée noble ou parce qu’elles ont été les épouses d’un souverain.
Dans les domaines de la science et de l’art, l’étude remarque, outre l’absence de femmes peintres, des différences de rôles : dans la musique, les hommes sont tous compositeurs, tandis que les femmes sont presque exclusivement chanteuses. De même, dans le cinéma ou le théâtre, la quasi-totalité des femmes citées sont des actrices, alors qu’une seule est réalisatrice (la Belge Chantal Akerman, dont le film « Jeanne Dielman, 23 quai du Commerce, 1080 Bruxelles » a été désigné « meilleur film de tous les temps » par le magazine cinématographique britannique Sight and Sound l’année dernière.)
La plupart des personnalités féminines figurant dans la liste des 100 premières, sont nées au cours des dernières années, comme Miriam Makeba ou Simone Veil, ce qui n’est pas le cas des hommes. Cependant, aucune d’entre elles n’a actuellement de rue portant son nom dans plus de trois capitales.
La figure la plus récente à avoir une rue dédiée dans plusieurs pays est Anna Politkovskaïa, la journaliste et militante russe assassinée en 2006, qui a des rues à son nom à Prague, Paris et Rome.
« Si l’égalité entre les femmes et les hommes est une question complexe qui dépasse le simple nom de nos rues, le pouvoir symbolique de la toponymie ne peut être ignoré. En naviguant dans les espaces publics, nous intériorisons les valeurs et les priorités que notre communauté a choisi de défendre. » prévient Mapping Diversity, qui appelle les villes à revoir leur copie.
Lire aussi dans Les Nouvelles News
« Paris féminin » : l’espace public sans femmes
Promenade Gisèle Halimi à Paris
Halimi à la place de Napoléon à Rouen ? Lamento dans les médias
Noms de rues : « et les femmes ? » demande Roselyne Bachelot
Quand les noms de rues se féminisent
Arrêts Joan Baez ou Serena Williams, quand le métro de New York se féminise
Des noms de femmes pour les rues : deux parlementaires interpellent les maires
A Elne, la rue du pic du Canigou plutôt que la rue Olympe de Gouges
Seules 2% des rues portent des noms de femmes (2014)
Dans les rues de Nantes, les femmes imposent leur nom