Santé des femmes : et si on s'en occupait sérieusement ?

Et si on s'occupait sérieusement de la santé des femmes ? ©Getty - Natalia Gdovskaia
Et si on s'occupait sérieusement de la santé des femmes ? ©Getty - Natalia Gdovskaia
Et si on s'occupait sérieusement de la santé des femmes ? ©Getty - Natalia Gdovskaia
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Santé cardiovasculaire, gynécologique, autisme des femmes... Que s’est-il passé pour qu'autant de femmes ignorent tout de leurs maux pendant des années ?

C’est une stupéfaction qui est à l’origine de cette émission. Un étonnement certain en découvrant que des femmes à l’âge de 40, 50, voire 60 ans étaient diagnostiquées pour des troubles du spectre autistique.

Pourquoi les femmes victimes d’un AVC ne sont pas prises en charge comme les hommes ? Pourquoi a-t-on mis autant de temps pour s’intéresser à l’endométriose ? Pourquoi certaines maladies sont sous-diagnostiquées en fonction du sexe et du genre ? En clair, pourquoi y a-t-il des inégalités entre les femmes et les hommes quand nous parlons de santé ?

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Pourquoi parler de la santé des femmes ?

Selon l'Insee, un garçon né en 2016 peut compter vivre 79 ans quand une fille peut atteindre 85 ans. Mais si les femmes vivent plus longtemps, elles passeraient plus d'années qu'eux en mauvaise santé.

  • Maladies cardio-vasculaires

200 femmes par jour en France meurent de maladies cardio-vasculaires, ce qui fait 75 000 par an. Cette cause de décès, en chiffres, est passée devant le cancer du sein. À symptômes égaux comme une douleur dans la poitrine par exemple, il est arrivé qu'on prescrive un anxiolytique à une femme alors qu'un homme était dirigé vers un cardiologue.

Les symptômes des maladies cardiovasculaires, et de l'infarctus en première ligne, sont différents chez les femmes et chez les hommes. Marilucy Lopez Sublet, médecin, explique : "On va dire que dans la tranche d'âge 40 ans, 50 ans ou avant 60 ans en tout cas, les symptômes sont complètement différents. Quels sont-ils pour les femmes ? Il peut y avoir une petite pointe au niveau du dos. Fatigue, stress, sensation d'oppression. Sans forcément avoir la douleur typique qu'on connaît, c'est-à-dire du côté gauche qui irradie vers le bras gauche."

  • Autisme

Armelle Vautrot, docteure en psychologie-psychanalyse, explique que le diagnostic est extrêmement tardif, parfois après 30, 40 ou même 50 ans : "J'ai même vu une patiente être diagnostiquée à 60 ans. Et en général, si ça se fait, c'est parce qu'on vient avec son enfant à une consultation neuro-psy, parce qu'on a des doutes pour son enfant. On soupçonne un trouble neuro-développement. Et puis, au fur et à mesure des consultations, on voit la mère réagir, s'émouvoir, parfois se décomposer et dire 'Mais moi je suis comme ça aussi. J'ai toujours été comme ça.'"

Elle explique également que sur l'espérance de vie en France, les femmes autistes perdent 10 à 15 ans par rapport aux femmes neuro-typiques. Cela s'expliquerait par le fait que la prise en charge n'est pas à la hauteur des difficultés d'encodage et de décodage de certaines femmes autistes. Quant à leur douleur, elles sont extrêmement endurantes à la douleur, la douleur psychique, la douleur physique.

Armelle Vautrot : "On parle de femme camouflage ou de femme caméléon, s'agissant des femmes autistes. Alors il y a quand même tout le contexte socioculturel. Traditionnellement, les filles s'adaptent beaucoup plus, elles apprennent plus facilement à l'école. Il ne faut pas faire de bruit, il faut être sage, il faut rendre ses devoirs à temps. Il ne faut pas se bousculer dans la cour. Il faut dire 'bonjour, merci', 'au revoir' beaucoup plus facilement que les petits garçons - il y aurait beaucoup de choses à dire là-dessus. Et donc elle intègre tout ça et en plus elle y ajoute l'intégrité et l'éthique."

  • Endométriose

L'endométriose touche 10% des femmes, et pourtant elle a été reconnue comme pathologie en 1990. Il faut attendre 2019 pour qu'il y ait un plan national qui vise à informer les femmes et 2022 pour qu'elle soit reconnue comme une maladie chronique de longue durée.

Les femmes s'oublient

Pour Brigitte Letombe, gynécologue, andrologue et sexologue, les femmes s'oublient : "Et ce que je dirais surtout, c'est que les femmes s'occupent souvent peu d'elles. Oui, elles s'occupent beaucoup des enfants, des parents, du partenaire et pas suffisamment d'elles."

C'est également ce que pense Marilucy Lopez Sublet : "Effectivement, une femme ne verra d'abord que sa famille et pour elle, c'est tout à fait normal de dire 'bah oui, j'ai une petite pointe, j'ai une petite douleur, mais c'est pas ça. Ce n'est pas possible parce que je dois tenir, je dois tenir pour la famille, etc.' Et on s'écoute que très tardivement. Quand la femme consulte, c'est trop tard, souvent c'est trop tard."

Faire de la prévention

Il y a selon Marilucy Lopez Sublet trois moments de particulière vulnérabilité chez les femmes : "la prescription d'un moyen contraceptif, la grossesse et puis la ménopause."

Elle tient aussi à parler des bus du Cœur, qui se déplacent partout en France et qui amènent donc une consultation très très large de 1 heure à 1 heure 15. Il y a un bus qui stationne pendant trois jours dans une grande ville avec un travail qui a été fait en amont pour essayer de repérer avec les pharmaciens, les gens du quartier, les gens qui sont dans les soins de tous les jours, ces femmes qui n'ont pas accès aux soins et qui peuvent venir profiter d'une consultation.

🎧  Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

Les invitées

Marilucy Lopez Sublet, médecin interne au CHU Avicenne (AP-HP, Assistance Publique - Hôpitaux de Paris) à Bobigny (Seine-Saint-Denis, 93) et responsable de l’Unité d’Hypertension Artérielle du même hôpital. Elle fait partie du comité de direction de la Société Française de Cardiologie et est membre de la Société Française d'HyperTension Artérielle (SFHTA). également engagée auprès de l’association Agir pour le Cœur des Femmes et coordonne notamment les professionnels de santé sur l’étape du Bus du Cœur des Femmes à Bobigny fin juin.

Brigitte Letombe, gynécologue, andrologue et sexologue, chargée de cours à la faculté de médecine de Lille. Elle a été présidente de la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale. Autrice de nombreuses publications scientifiques et communications sur les traitements de la ménopause et dans le domaine de la sexologie, elle a travaillé dans le service de Médecine du Couple du CHU de Lille et a été très investie dans les domaines de la contraception et de l’IVG. Elle est l’autrice de Femmes, réveillez-vous ! (First Éditions, 2022).

Armelle Vautrot, après avoir enseigné les Lettres Modernes à l'Université Paris Est Créteil, Armelle Vautrot reprend des études universitaires et devient docteure en psychologie-psychanalyse en s’intéressant au thème du « trauma ». Elle s’intéresse particulièrement au biais du sexe et du genre dans la prise en charge en santé mentale des femmes et prend l'exemple des femmes avec TSA ou trauma. Elle exerce comme thérapeute en cabinet libéral et comme formatrice en santé mentale auprès de plusieurs organismes. Créatrice de l'organisme de formation PHARE (Psychologie Humanisme Aidance Recherche Education). Elle est notamment l’autrice de Enfin 40 ans ! Les super pouvoirs de la femme quadra (La boîte à Pandore, 2021).

La chronique « Alors voilà » de Baptiste Beaulieu.

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