Les bénéfices des entreprises ont contribué à l’inflation, selon Christine Lagarde

Lors du dialogue monétaire entre la BCE et le Parlement qui a lieu tous les trimestres, ces coûts plus élevés n’ont pas conduit à une baisse des marges dans certains secteurs en 2022, a déclaré la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde. [Parlement européen/Philippe Buissin]

S’adressant à la commission des Affaires économiques (ECON) du Parlement européen lundi (5 juin), la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), Christine Lagarde, a reconnu le rôle de l’augmentation des bénéfices des entreprises dans l’aggravation de l’inflation, réclamant de meilleures données sur les bénéfices des entreprises et un contrôle plus strict de la part des autorités de la concurrence.

L’inflation a commencé à augmenter en 2021 et s’est accélérée en 2022, à cause notamment de deux crises succéssives : la pandémie de Covid-19 et la flambée des prix de l’électricité due à la guerre en Ukraine, qui ont entraîné une série de pénuries d’approvisionnement. Cela a mené à une hausse des coûts dans de nombreux secteurs.

Cependant, comme l’a reconnu Mme Lagarde devant la commission ECON, lors du dialogue monétaire entre la BCE et le Parlement qui a lieu tous les trimestres, ces coûts plus élevés n’ont pas conduit à une baisse des marges dans certains secteurs en 2022.

« Ces secteurs en ont profité pour répercuter entièrement les coûts sans comprimer les marges et, pour certains d’entre eux, pour pousser les prix au-delà de la seule hausse des coûts », a-t-elle déclaré.

Selon elle, ce comportement peut être une réaction du marché à une inadéquation entre l’offre et la demande, ou bien un comportement concerté.

Le phénomène a été renforcé par « une situation où “vu que tout le monde est dans la même situation, nous allons tous augmenter les prix” », a déclaré Mme Lagarde.

Depuis des mois, des responsables politiques, pour la plupart de gauche, dénoncent ce qu’ils appellent la « greedflation », soit une inflation soutenue par l’avidité.

La présidente de la BCE a toutefois déploré le manque de données sur la question.

« Nous ne disposons pas d’autant de données sur les bénéfices que sur les salaires », a-t-elle déclaré, ajoutant : « Si j’avais le choix, j’améliorerais nos données sur les bénéfices, tant sur une base agrégée que sur une base plus granulaire ».

Cependant, la BCE dispose déjà de quelques chiffres qui aident à comprendre la question.

Un exemple est fourni par les chiffres de la BCE sur le taux de croissance annuel de l’excédent brut d’exploitation (EBE) des sociétés non financières dans la zone euro, illustré dans le graphique ci-dessous.

L’excédent brut d’exploitation (EBE) mesure le chiffre d’affaires des entreprises de la zone euro moins le coût des biens et services intermédiaires et les rémunérations versées aux salariés.

Après une évolution volatile au cours des années pandémiques 2020 et 2021, les taux de croissance se sont maintenus à un niveau très élevé en 2022, nettement supérieur à celui des années précédant la pandémie (2018 et 2019).

En outre, les données de l’office statistique européen Eurostat montrent qu’une part relativement plus importante des bénéfices sert à rémunérer le capital plutôt que le travail.

C’est ce que montre la part des bénéfices des sociétés non financières, illustrée dans le graphique ci-dessous, qui a atteint 42 % au dernier trimestre 2022. Cette part n’a jamais été aussi élevée qu’au premier trimestre 2008, le premier trimestre pour lequel Eurostat dispose de ces chiffres.

Limitée à la politique monétaire, la BCE ne dispose pas d’outils facilement applicables pour s’attaquer au problème de l’inflation élevée par le biais de l’augmentation des marges des entreprises.

Christine Lagarde a toutefois appelé les autorités de la concurrence à examiner la situation de près.

« Je pense qu’il est important que les autorités de la concurrence puissent effectivement examiner ces comportements, et je considérerais certainement cela comme parfaitement nécessaire », a-t-elle déclaré, ajoutant prudemment sa voix aux économistes qui ont depuis longtemps mis en garde contre l’effet préjudiciable d’une forte concentration du marché sur les prix à la consommation.

En ce qui concerne l’inflation en général, la présidente de la BCE a maintenu que « les pressions sur les prix restent fortes », malgré les derniers chiffres d’Eurostat qui montrent une baisse de l’inflation annuelle en mai à 6,1 %, ce qui reste bien au-dessus de l’objectif à moyen terme de la BCE de 2 %.

L'inflation s'invite aux célébrations des 25 ans de la BCE

Une pause festive en pleine bataille contre l’inflation : la BCE célèbre mercredi en grande pompe son premier quart de siècle d’existence scandé par les crises qui l’ont obligée à repousser les limites de son action.

[Édité par Anne-Sophie Gayet]

Inscrivez-vous à notre newsletter

S'inscrire