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Le Tribunal fédéral refuse la radiation de la mention du genre à l'état civil

Le Tribunal fédéral a tranché. Le genre d'une personne reste obligatoire dans le registre des naissances et d'État civil
Le Tribunal fédéral a tranché. Le genre d'une personne reste obligatoire dans le registre des naissances et d'État civil / 19h30 / 1 min. / le 8 juin 2023
Le Tribunal fédéral a refusé jeudi à l'unanimité que le genre soit effacé du registre des naissances et d'état civil. Il a accepté jeudi un recours du Département fédéral de justice et police contre une radiation décidée par la justice argovienne.

Siégeant jeudi en audience publique, la 2e Cour de droit civil a rappelé que "le sexe est l'un des éléments de l'état civil régis par la loi et que sa mention relève des principes suisses sur la tenue des registres".

Lors de la révision de l'article du Code civil consacré à l'inscription du sexe, entrée en vigueur l'an passé, le législateur a décidé de s'en tenir au système binaire (masculin/féminin) et rejeté la possibilité de renoncer à la mention du genre, ont rappelé les juges. Le Parlement a renoncé expressément à une telle omission, alors que l'Allemagne l'a admise.

Pas de lacune de la loi

Il n'y a pas en l'état actuel de lacune de la loi que le Tribunal fédéral pourrait combler, a souligné la juge rapportrice. C'est au Parlement qu'il incombera de traiter les interventions déposées à Berne visant la reconnaissance des personnes non-binaires.

Les magistrats ont rappelé qu'à l'exception de l'Allemagne, où la personne concernée a obtenu le changement de son prénom et la radiation de son genre, la plupart des systèmes juridiques reposent sur le principe binaire.

Un Tribunal fédéral conservateur?

Marius Diserens, conseiller communal vert à Nyon et chargé de projet santé et genre à Unisanté a dit regretter "infiniment" la décision du Tribunal fédéral, dont il a souligné "le caractère conservateur" au micro de l'émission Forum de la RTS jeudi soir.

Cette non-entrée en matière "contribue à l'invisibilisation des personnes trans et non binaires", déjà fortement discriminées, a indiqué le spécialiste. Il a également souligné "l'inéquation" entre le système juridique et la réalité, avec potentiellement 1,3% de personnes concernées en Suisse.

>> L'interview dans Forum de Marius Diserens :

Le genre continuera de figurer dans le registre de naissance et de l’état civil: interview de Marius Diserens
Le genre continuera de figurer dans le registre de naissance et de l’état civil: interview de Marius Diserens / Forum / 4 min. / le 8 juin 2023

Pas de consensus européen

Dans un arrêt récent, la Cour européenne des droits de l'homme a rejeté un recours dirigé contre la France qui refusait une telle demande, a rappelé la rapportrice. Les juges de Strasbourg ont estimé qu'en l'absence de consensus européen, il s'agissait d'un "choix de société à la discrétion de l'Etat". Ils ont donc nié toute violation du droit au respect de la vie privée et familiale.

Le Tribunal fédéral, s'il souhaitait respecter le droit suisse, n'avait pas d'autre choix que de prendre cette décision. C'est un "cul-de -sac", a déploré le conseiller communal. Il s'est toutefois réjoui de l'amorce d'un processus politique par la Commission des affaires juridiques au Conseil national, "qui a décidé d'ouvrir le débat", notamment sur "la notion de genre au niveau administratif".

La Chambre du peuple se prononcera également le mercredi 14 juin sur un postulat visant à améliorer la situation des personnes non binaires.

Rendre la binarité plus inclusive

L'un des juges de la plus haute instance judiciaire suisse a souligné que la distinction entre homme et femme est logique dans de nombreux domaines, dont l'armée ou le sport notamment. Il a cité le cas de l'athlète sud-africaine Caster Semenya dont le recours contre la Fédération internationale d'athlétisme a été tranché en 2020.

"La binarité fait sens, on ne veut pas l'effacer" mais "la rendre plus inclusive", a déclaré Marius Diserens. Les personnes concernées subissent "des violences physiques et psychologiques", il est donc nécessaire "de leur offrir une existence digne et sécuritaire".

Une personne argovienne concernée

L'affaire jugée jeudi concernait une personne argovienne domiciliée à Berlin. Sur présentation d'une attestation médicale, elle a obtenu en 2019 des autorités allemandes le changement de son prénom et la suppression de toute mention sous la rubrique genre.

La reconnaissance de ces modifications par les autorités de son canton d'origine s'est heurtée à un refus partiel. Si le changement de prénom a été admis, la radiation du genre a été refusée. En revanche, la Cour suprême argovienne a accepté la seconde demande. Cette décision a été attaquée devant le Tribunal fédéral par le Département fédéral de justice et police agissant par le biais de l'Office fédéral de la justice.

Audience publique

Alors que ses membres étaient unanimement en faveur de l'admission du recours de l'office, la 2e Cour de droit civil a siégé exceptionnellement en audience publique, à la demande d'un des juges. Celui-ci a justifié sa demande par le fait que le sujet préoccupe beaucoup l'opinion.

Ainsi, selon une enquête récente, la Suisse compterait un grand nombre de personnes qui se sentiraient mal à l'aise dans un système binaire. "L'audience publique, qui est unique au monde, permet à la population de voir comme le tribunal forge son opinion", a souligné ce magistrat.

>> Lire aussi : Une personne non-binaire reconnue pour la première fois par la justice en Suisse

ats/miro/mera

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