Barbara, le piano noir et les arias de l'enfance

Elle connaissait les notes mais le solfège n’était pas sa tasse de thé. Elle avait déjà une très belle voix, des qualités d’actrices certaines mais aux mélodies françaises et aux lieder romantiques allemands des Conservatoires et des salles de concerts classiques elle préférait quand même les chansons des cabarets et le timbre d’Edith Piaf. Dans son autobiographie « Il était un piano noir… », Barbara raconte son enfance et comment la chanson française lui est apparue comme une évidence après avoir bénéficié d’une solide formation classique.

La belle histoire d’amour entre la musique et Barbara commence dans la pension de famille « Les Trois Marronniers » au Vésinet, dans la banlieue ouest de Paris. Nous sommes en 1945, Barbara a 15 ans et rappelle à ses parents la promesse qu’ils lui ont faite il y a longtemps. « Plus tard, quand tu seras grande, tu pourras prendre des cours de musique » lui disaient-ils quand ils l’écoutaient chanter des airs qui passaient à la radio et qu’ils regardaient ses doigts pianotant sur la table à manger. Puisqu’ils lui laissent l’initiative d’être heureuse, Barbara trouve, non-loin du logement familial, une plaque cuivrée où il est écrit : « Madame Thomas-Dusséqué - Professeur de chant. »

A raison de deux cours par semaine, Barbara progresse vite, elle apprend les exercices vocaux, la respiration, à amplifier, tonifier, à poser sa voix. Un jour, Madame Dusséqué présente Barbara à un professeur du Conservatoire de Paris. Barbara lui chante une mélodie qu’elle a travaillée, les Berceaux de Gabriel Fauré. Son interprétation ravit le professeur qui décide de la prendre sous son aile.

Entre le music-hall et le classique, Barbara a le cœur qui balance. Elle se souvient des soirées à l’Opéra-Comique, de cet après-midi et des pleurs qui lui viennent lors qu’elle entend pour la première fois sa mère jouer des valses de Chopin sur le piano familial. Elle se rappelle aussi du programme hétéroclite qu’elle présente pour entrer au Conservatoire de Paris en classe de chant. La chanson Démons et Merveilles, sublime romance de Maurice Thiriet pour le film Les Visiteurs du Soir, La Ronde de Paul Fort et Jean Hubeau et le Récit de la messagère extrait de l’Orfeo de Monteverdi.

Admise en auditeur libre au Conservatoire, Barbara travaille Fauré, Schumann, Debussy, elle écoute ses camarades chanter Rossini, Wagner, Berlioz et Mozart. Elle a beau être fascinée par le lyrisme de Crespin, Bacquier et Sénéchal elle souffre de ne pas pouvoir s’accompagner elle-même au piano. Une petite lampe rouge clignote dans sa tête et l’avertit qu’elle n’est pas sur la bonne route ». C’est, dit-elle, grâce à un concert que tout est devenu plus clair. Sous les feux du théâtre de l’ABC, à Paris, Edith Piaf se livre à un face à face avec un public tout proche d’elle et qui semble être son confident. La lumière rouge s’éteint dans le cœur de Barbara, sa a plus belle histoire d’amour peut maintenant commencer.