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Réchauffement climatique

Sibérie : avec 40 °C, la région connaît la «pire vague de chaleur de son histoire»

Cette immense région de Russie est en proie à des chaleurs caniculaires. Le mercure a dépassé les 40 °C début juin, accentuant un peu plus les risques d’incendies et accélérant la fonte du pergélisol, bombe à retardement du réchauffement climatique.
par Eléonore Disdero
publié le 11 juin 2023 à 17h26

La Sibérie est réputée pour son froid glacial, mais en ce mois de juin, elle est une fournaise. Après des records de chaleur partout en Asie ces derniers mois, c’est au tour de la région russe de subir une vague de chaleur sans précédent, faisant grimper le mercure à plus de 40 °C. «L’histoire climatique mondiale écrit une nouvelle page incroyable aujourd’hui avec une vague de chaleur extrême en Sibérie», écrit le 3 juin sur Twitter le climatologue Maximiliano Herrera, qui suit les records de températures à travers le monde.

Ce jour-là, 38,3 °C ont été relevés à Kurgan, 37,9 °C à Jalturovosk, soit la journée la plus chaude de l’histoire de cette ville tous mois confondus, tout comme à Dvinsk et ses 38 °C le 8 juin. Côté record mensuel, Tioumen a enregistré 36,8 °C et Vikulova 36,2 °C. Le 7 juin, la température a flirté avec les extrêmes : notamment à Kljuci avec 40,1 °C, à Baevo avec 39,6 °C, à Volchiha et ses 39 °C et à Barnaoul, où il a fait 38,5 °C.

Phénomène exceptionnel

Selon Maximiliano Herrera, interrogé par CNN, certaines stations météorologiques de Sibérie ont entre cinq et sept décennies de relevés de températures. «Nous pouvons donc dire qu’il s’agit d’un phénomène exceptionnel. Il s’agit de la pire vague de chaleur de l’histoire de la région», a-t-il ajouté sur Twitter.

Avec le réchauffement climatique induit par les activités humaines, ces températures extrêmes sous des latitudes aussi septentrionales deviennent de plus en plus fréquentes. En juin 2020, la petite ville de Verkhoïansk, près du cercle arctique et connue pour être l’un des endroits les plus froids de la planète, a enregistré 38 °C, contre les 20 °C habituels à cette saison.

Une étude scientifique du World Weather Attribution, à laquelle Météo-France a participé, attribue «de façon très nette» la vague de chaleur de cette année-là, intense et prolongée, au réchauffement climatique. «Ces événements de chaleur record auraient été presque impossibles dans un climat non réchauffé», disent les experts.

Intolérables, ces températures sont propices aux feux de forêt : des millions d’hectares ont brûlé en 2020 en Sibérie, fragilisant un peu plus les forêts boréales, puits de carbone essentiel pour capter le CO2 émis par les activités humaines. Cette année, alors que la saison des feux de forêt s’installe dans l’hémisphère nord, la Sibérie, tout comme le Canada, est de nouveau aux prises avec d’intenses incendies. En mai, des brasiers ont fait rage dans les montagnes russes de l’Oural, tuant une personne.

Région de la planète qui se réchauffe le plus rapidement

La Sibérie a tendance à connaître d’importantes fluctuations de température mensuelles et annuelles. Mais depuis le début des années 2000, les vagues de chaleur s’accumulent. «La Sibérie est l’une des régions de la planète qui se réchauffe le plus rapidement, avec des températures extrêmes de plus en plus intenses», explique à CNN Omar Baddour, chef des services de surveillance du climat et d’élaboration des politiques à l’Organisation météorologique mondiale. «Ces vagues de chaleur ont des implications majeures pour les personnes et la nature et continueront à se produire plus fréquemment si nous ne réduisons pas rapidement les émissions de gaz à effet de serre», abonde auprès de CNN Samantha Burgess, directrice adjointe du service Copernicus.

Avec ces chaleurs, la fonte du permafrost, ce sol gelé en permanence, accélère et entraîne des émissions de carbone et de méthane, deux puissants gaz à effet de serre qui participent au réchauffement climatique. Bombe à retardement, ce dégel déstabilise aussi les infrastructures posées sur ce pergélisol, pipelines, routes, villages, posant de lourds risques industriels et humains. Enfin, de nombreux virus et bactéries inconnus, prisonniers de la glace depuis plusieurs milliers d’années, pourraient être réactivés. Les conséquences sont telles que la science peine à chiffrer précisément toute l’ampleur du danger.

La Sibérie n’est pas la seule région à battre des records de températures ces dernières semaines. Toute l’Asie centrale a été au cœur de la fournaise. Au début du mois d’avril, le Turkménistan a enregistré des températures de 42 °C, «un record mondial pour cette latitude», selon Maximiliano Herrera. Le 7 juin, des températures de plus de 45 °C ont été enregistrées en Chine, 43 °C en Ouzbékistan et 41 °C au Kazakhstan. En avril, la Thaïlande enregistrait plus de 45 °C, un record absolu pour le pays.

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