Des femmes du monde entier à Bruxelles pour promouvoir la participation féminine en politique

À l’occasion de son 10e sommet, le réseau Women Political Leaders s’est penché sur les thèmes de la représentation et la participation des femmes dans la politique, leur rôle dans le maintien de la paix et de la sécurité, le sexisme en politique et des pistes de solutions pour arriver à une plus grande égalité dans ces domaines et dans la société en général. [Parlement européen/DAINA LE LARDIC]

Des femmes politiques du monde entier se sont réunies mercredi et jeudi (7-8 juin) à Bruxelles, d’abord au Parlement européen puis au Parlement fédéral belge, pour le Women Political Leaders Summit, lançant un appel en faveur d’une meilleure représentation des femmes en politique.

À l’occasion de son 10e sommet, le réseau Women Political Leaders s’est penché sur la représentation et la participation des femmes en politique, leur rôle dans le maintien de la paix, le sexisme en politique et les solutions pour arriver à une plus grande égalité.

L’égale participation des femmes et des hommes à la vie politique et publique est essentielle pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies d’ici à 2030. Cependant, les femmes restent encore sous-représentées dans le domaine.

Selon les données de l’ONU femmes, au 1er janvier 2023, seuls 31 pays dans le monde possédaient des cheffes d’État ou de gouvernement (17 cheffes d’État et 19 cheffes de gouvernement), 26,6 % des parlementaires étaient de sexe féminin et seuls 22,8 % des ministres étaient des femmes.

En outre, l’ONU constate que les femmes occupent 50 % ou plus des postes de ministres dans 13 pays uniquement.

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Paix et sécurité

Les thèmes abordés lors du sommet ont notamment été la paix, la sécurité et la guerre.

Les oratrices ont insisté sur le fait que, trop souvent, les femmes sont exclues des processus de résolution des conflits, alors même qu’elles sont les plus touchées par la guerre en raison du manque d’accès à des soins médicaux ou encore du recours au viol et autres violences sexuelles comme arme de guerre.

En effet, entre 1992 et 2018, on comptait seulement 13 % de négociatrices, 3 % des médiatrices et 4 % de signataires de grands processus de paix, selon les données du Council on Foreign Relations.

La présidente éthiopienne Sahle-Work Zewde a fait remarquer que dans les situations de conflit, « les femmes sont présentées comme des victimes », car elles perdent souvent leurs maisons, leurs maris, et doivent fuir avec leurs enfants.

Or, les femmes peuvent contribuer à trouver des solutions pacifiques plus durables aux conflits dans leurs régions. « En Éthiopie, les dirigeantes ont joué un rôle crucial dans l’obtention de l’indépendance et [dans le domaine de] la justice tout au long de notre histoire », a indiqué Mme Zewde. « C’est pourquoi [les femmes] doivent se trouver à la table [des négociations]. »

La Secrétaire d’État française Marlène Schiappa a pour sa part tenu à saluer le courage des femmes qui souffrent de la guerre et s’opposent à l’oppression, en Ukraine ou encore en Afghanistan.

La dictature biélorusse

Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, a estimé qu’il y avait encore « beaucoup à faire » pour garantir la présence de femmes à des postes à responsabilité et a appelé à un « véritable » changement de mentalité dans de nombreux pays afin de permettre une plus grande inclusion.

« Même avec des modèles […] il y a encore trop d’obstacles, trop de plafonds [de verre] à briser. Pas seulement en politique, mais dans tous les domaines », a noté Mme Metsola.

Malgré les défis, les femmes qui occupent des postes de pouvoir « ont changé le monde », « levé des barrières et jeté des tabous dans les poubelles de l’Histoire », a-t-elle déclaré en donnant pour exemple les sciences, l’ingénierie, les arts et le journalisme, entre autres.

« L’ère des dictateurs prendra fin », et ce sera grâce aux femmes, a souligné Mme Metsola, et notamment aux femmes telles que Svetlana Tikhanovskaïa, cheffe de file de l’opposition biélorusse en exil qui s’était présentée contre le dictateur Alexandre Loukachenko aux élections présidentielles de 2020 pour remplacer son mari Sergueï Tikhanovski, emprisonné par le régime.

Mme Tikhanovskaïa, également présente au sommet, a pour sa part souligné que la présence de « plus de femmes en politique se traduira par plus d’empathie, d’humanité et de sagesse dans nos décisions ».

Malgré le fait qu’elle ait été élue, M. Loukachenko a conservé le pouvoir par la violence, a-t-elle expliqué. Des protestations s’en sont suivies, et des citoyens et citoyennes ont été emprisonnés, torturés, relate la présidente en exil.

Elle a rappelé que les femmes biélorusses ont été les premières à protester contre les violences policières visant à mettre fin à ces manifestations, et que quelque 200 femmes étaient toujours emprisonnées à l’heure actuelle.

L’exemple de la Moldavie

Lors du sommet, l’ancienne Première ministre moldave Natalia Gavrilița a souligné le fait que son pays, alors dirigé par plusieurs femmes, a su faire face à des crises multiples tout en réalisant des progrès.

En effet, le pays a été en mesure d’accueillir les nombreux réfugiés ukrainiens qui ont franchi la frontière moldave, d’aider l’Ukraine à se défendre de l’agression russe et de contrer la propagande du Kremlin. Parallèlement à cela, la Moldavie a progressé dans le classement mondial des pays démocratiques et a obtenu le statut de candidat à l’adhésion à l’UE.

« Toutes ces réalisations ont eu lieu alors que les postes de Premier ministre et de président étaient occupés par des femmes, alors que la ministre de l’Intérieur et la procureure chargée de la lutte contre la corruption étaient des femmes, et alors que 40 % des membres du parlement étaient des femmes », a expliqué Mme Gavrilița.

Le sexisme en politique

Mme Schiappa a souligné le fait que la parole des femmes dans le débat public est soumise à des conditions et est seulement tolérée si ces dernières n’étaient pas trop « vocales » ou « anticonformistes ». « À partir du moment où votre existence est tolérée sous condition, cela signifie qu’elle n’est pas tolérée du tout. »

Stephanie D’Hose, présidente du Sénat belge, a indiqué que les quotas étaient encore nécessaires pour assurer une meilleure représentation des femmes, notamment au vu du « mouvement anti-genre » et du changement de mentalité qui n’est pas encore opéré dans l’ensemble de la société.

« Le rôle des membres des parlements est d’exercer une pression sur les gouvernements pour atteindre l’égalité », a-t-elle précisé.

Eliane Tillieux, présidente de la Chambre des représentants belge a quant à elle mentionné le récent audit réalisé sur l’égalité des genres au parlement, soulignant le fait que deux femmes sont arrivées à la tête de deux ministères qui avaient jusqu’alors toujours été dirigés par des hommes : le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Défense.

Mais à l’instar de Mme Metsola, elle a ajouté que le plafond de verre restait une réalité en Belgique et ailleurs. La présidente de la Chambre a ensuite déclaré que la plupart des études sur le sujet ont identifié le manque de réseaux de femmes comme l’un des obstacles à une plus grande représentation des femmes en politique.

La commissaire européenne à l’Égalité, Helena Dalli, a elle aussi expliqué que les quotas étaient « un mal nécessaire ».

Par ailleurs, elle a salué le modèle belge, la Belgique étant l’un des cinq pays à avoir atteint la parité hommes-femmes au niveau des ministres de haut rang au sein du gouvernement fédéral. Et avec 42 % de parlementaires de sexe féminin, le pays arrive à la 5e place en ce qui concerne l’égalité de genre au parlement.

Dans l’UE, seul un tiers des membres de parlements nationaux sont des femmes, et seuls 21 % des dirigeants des partis politiques importants sont des femmes, a-t-elle poursuivi.

À l’approche des élections européennes de 2024, la commissaire a également évoqué la haine en ligne, qui a mis en lumière « un niveau de misogynie qui a longtemps éloigné les femmes de la politique » et qui persiste encore aujourd’hui.

Pour combattre mais aussi prévenir la violence en ligne et hors ligne basée sur le genre, la Commission a proposé en 2022 une directive qui prévoit, entre autres, la criminalisation des formes courantes de violence fondée sur le sexe, telles que le cyberharcèlement et l’incitation en ligne à la haine.

L’ex-présidente finlandaise Sanna Marin a ensuite pris la parole, appelant à davantage de diversité dans la politique afin d’accroître la diversité d’opinion. Elle a appelé les jeunes femmes à « prendre leur place » sur la scène politique, leurs idées et points de vue étaient nécessaires pour élaborer des politiques en vue d’un changement positif.

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L’éducation comme solution ?

Comme l’ont mentionné plusieurs oratrices, au-delà de l’adoption de législations ou de mesures telles que les quotas, il faut agir au niveau de l’éducation.

L’éducation des jeunes filles et des femmes d’abord, afin qu’elles puissent développer des compétences qui leur permettront d’accéder à de meilleurs postes, mais également celle des jeunes garçons et des hommes, pour pouvoir développer la masculinité positive et éradiquer le sexisme.

Sanna Marin a pour sa part souligné trois points cruciaux pour une plus grande représentation des femmes en politique.

Premièrement, l’importance des modèles féminins de réussite, qui pourront servir de référence et dont les jeunes femmes pourraient s’inspirer. Au cours du sommet, d’autres femmes ont elles aussi appelé les femmes politiques à s’exprimer sur leurs parcours, à partager leurs expériences et les obstacles qu’elles ont pu rencontrer afin d’encourager les jeunes femmes à se lancer en politique.

Ensuite, Mme Marin a évoqué l’importance des structures démocratiques rendant possible le leadership féminin. Comme l’avait indiqué la présidente éthiopienne lors de son allocution, « l’affaiblissement de la démocratie a un impact sur l’inclusivité », et le manque d’inclusivité se traduit souvent par le recours à la violence.

Enfin, l’ex-Première ministre finlandaise a insisté sur l’importance pour les jeunes femmes d’occuper l’espace politique afin d’accéder à la place à laquelle elles ont droit dans le processus décisionnel. En effet, les femmes doivent faire entendre leur voix, et pour cela, il est nécessaire qu’elles osent le faire et se sentent légitimes. C’est pour cette raison qu’il faut lutter contre les préjugés et les discours sexistes et insister sur l’éducation, entre autres.

Cela n’est pas encore gagné, car, comme l’a souligné Mme Metsola, pour une femme, entrer en politique reste aujourd’hui « plus difficile que cela ne devrait l’être ».

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