Cherbourg. Victime de harcèlement sexuel, une enfant contrainte de changer d'école

Une mère dénonce les faits de harcèlement sexuel dont a été victime à l'école, en janvier 2023 à Cherbourg (Manche), sa fille de 7 ans, dont la réinscription a été refusée.

En 2019, Emma a commencé à souffrir de harcèlement scolaire, alors qu'elle était âgée de 7 ans.
Le cas de harcèlement scolaire présumé s’est déroulé au sein de l’école Sainte-Jeanne d’Arc dans la commune de Cherbourg-en-Cotentin (Manche). (©Archives La Presse de la Manche)
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C’est une mère très remontée qui distribuait, dans la matinée de ce jeudi 8 juin 2023, des tracts à l’entrée de l’école privée Sainte-Jeanne d’Arc de Cherbourg-Octeville (Manche).

Des tracts pour dénoncer les faits de harcèlement sexuel dont a été victime en janvier Ayline, sa fille de 7 ans, au sein de l’établissement et l’absence de réaction de la part de la direction, qui, selon elle, se rendrait complice et coupable dans son inaction.

Des faits minimisés

« Un soir, j’ai surpris ma fille en train de consulter des contenus pornographiques sur une tablette, explique Adeline. En discutant avec elle, elle s’est mise à pleurer et m’a avoué que trois garçons plus âgés (9-10 ans), élèves de CM2, lui ont demandé de faire une recherche sur Google : faire une pipe, zizi dans femme », s’indigne la mère.

Cela durait depuis plusieurs jours. Ils l'ont menacée de l'emmener seule dans une petite cabane ou de la prendre contre un portail. Les trois mineurs lui ont également proposé de venir avec eux dans les toilettes, mais elle a refusé. Ils lui ont aussi touché les fesses, mais la directrice m'a dit que c'était un simple jeu. Drôle de jeu.

Adeline

Ce harcèlement aurait été « constaté » par la directrice qui a convoqué les parents « sans que ça n’engendre de mesures concrètes ». « Une sanction aurait déjà dû être prise. Nous avions pourtant tenté un arrangement à l’amiable », assure Adeline, qui avait réclamé un simple travail d’intérêt général en guise de punition.

Des parents qui refusent toute sanction

« Deux des trois enfants avaient admis les faits à trois reprises au cours du rendez-vous auquel participaient leurs parents. Mais ces derniers ont refusé toute sanction, rejetant la faute sur nous. Les parents n’ont pas apprécié ma démarche. »

Ils m'ont accusé d'être responsable car je n'avais pas installé de code parental sur la tablette, nous ont-ils rétorqué non sans agressivité. Mais en vérité, il faudrait savoir pourquoi leurs enfants demandent aux petites filles de mettre des mots de cette nature sur Google.

Adeline

La mère de la petite Ayline dit avoir alerté l’Académie. Elle a également déposé deux mains courantes au commissariat de Cherbourg et écrit au Procureur de la République. « Nous attendons des suites », indique-t-elle.

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Double peine

Comme si cela ne suffisait pas, la direction de l’établissement privé aurait annoncé ce mardi 6 juin aux parents de la petite Ayline que le contrat de scolarisation pour leurs deux enfants ne serait pas renouvelé pour la rentrée prochaine.

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« Aucun motif valable ne nous a été communiqué concernant cette décision », assure la mère de famille qui s’est impliquée depuis trois ans dans la vie de l’établissement. 

J'étais à l'APEL, j'ai créé des jardins potagers... Aujourd'hui, c'est notre enfant, victime de harcèlement, et son frère (actuellement en CP), qui sont mis à l'écart, la direction estimant que nous lui avons fait une mauvaise publicité. C'est inadmissible, insensé.

Adeline

Jeudi, devant l’école primaire, les parents d’Ayline s’interrogeaient sur la ligne de conduite du corps enseignant en cas de nouvelle situation de harcèlement. « Comment protègent-ils nos enfants ? Quelles sont les sanctions disciplinaires automatiques ? Les victimes doivent-elles se taire ? »

Certains parents évoquaient également des faits similaires dans le même établissement sans toutefois les attribuer aux mis en cause.

La réponse de l'enseignement catholique aux parents d'élèves

Dans un souci de transparence, la direction de l'Enseignement catholique de la Manche a souhaité communiquer et clarifier quelques points dans un courrier adressé aux familles le jour même de la parution de notre article (samedi 10 juin, NDLR). 
« J'ai pu échanger au téléphone avec la famille plaignante, rappelant la nécessité certes d'apporter des réponses justes aux problèmes rencontrés, mais également la nécessité de faire confiance aux éducateurs auxquels nous confions nos enfants », écrit Laurent Lechapelays, directeur de l'Enseignement catholique de la Manche qui dit avoir été régulièrement tenu informé de l'évolution des événements depuis le début du contentieux en janvier dernier. « La cheffe d'établissement et les enseignants sont les seuls garants de l'autorité au sein de l'école. Il n'est pas dans l'attribution des familles de définir la nature des sanctions à prendre. »
Et le directeur d'énumérer les mesures prises au lendemain des faits : « appel à la psychologue scolaire de la direction diocésaine pour rencontrer l'enfant de la famille plaignante ; interventions en classe sur la violence et la portée des mots, sur le respect de son corps, la prévention sur les mots et les images à caractère sexuel. Un courriel de prévention a également été envoyé à toutes les familles de l'école, leur demandant toute leur vigilance quant à l'utilisation plus ou moins libre du numérique à la maison, leur enjoignant la mise en place de contrôles parentaux, évidemment indispensables. »

« Pourquoi les harceleurs, qui ont probablement eux aussi besoin d’aide, restent dans l’école ou rejoignent l’an prochain un collège, quand la victime est contrainte de la quitter ? Elle devrait être accompagnée. Tout comme son jeune frère, victime collatérale, elle n’a pas à quitter son établissement et à être ainsi doublement pénalisée », indiquait jeudi un parent d’élève à la sortie des classes.

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