En Hongrie: «Les gens cèdent leurs objets de valeur pour survivre»

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En Hongrie«Les gens cèdent leurs objets de valeur pour survivre»

La Hongrie est frappée par l'inflation la plus élevée de l'UE. Les résidents essayent tant bien que mal de garder la tête hors de l'eau.

Depuis le 1er juin, un décret impose en outre aux magasins de faire des promotions hebdomadaires sur certains produits.

Depuis le 1er juin, un décret impose en outre aux magasins de faire des promotions hebdomadaires sur certains produits.

AFP

Sur un marché de Budapest, les clients sont à l'affût des produits les moins chers. Dans une Hongrie frappée par l'inflation la plus élevée de l'UE, la pauvreté guette désormais la classe moyenne.

«On puise dans nos économies pour joindre les deux bouts mais il ne nous en reste plus beaucoup», confie à l'AFP Antal Palya, 58 ans, mécanicien de profession, en quête de poulet bon marché.

Pic de 33,5% dans l'alimentation

Près du stand d'un poissonnier de la place Bosnyak, Sandor Bata, 56 ans, se contente désormais de bâtonnets de poisson au lieu d'onéreux filets de saumon. «Cela n'a pas le même goût mais au moins, c'est du poisson», lâche l'ouvrier, résigné.

L'inflation a légèrement reflué en mai sur un an dans le pays d'Europe centrale de 9,7 millions d'habitants, selon des statistiques publiées jeudi, mais elle reste forte à 21,5%. Avec un pic de 33,5% dans l'alimentation et de 37,2% dans l'énergie.

Salaires «faibles au regard des normes européennes»

Elle se situait à 24,5% en avril, soit trois fois plus que la moyenne de l'Union européenne. Près d'un tiers des Hongrois admettent des difficultés financières, une part supérieure à la moyenne mondiale, selon un sondage Ipsos publié en mai sur la base des réponses de 23 000 adultes de 29 pays.

«Les salaires sont faibles au regard des normes européennes et servent maintenant surtout à se nourrir et à payer les factures d'électricité», explique l'économiste Zoltan Pogatsa, qui voit pour la première fois la classe moyenne basculer vers la pauvreté. «Les gens cèdent dans un premier temps leurs objets de valeur pour survivre mais après, ils n'ont pas de solution de repli et c'est là que l'appartement pas chauffé, les factures impayées et le dénuement surviennent».

Frontière mince entre les SDF et gens lambda

L'évolution est palpable sur le terrain, raconte à l'AFP Andras Molnar, de l'association Budapest Bike Maffia qui aide les plus démunis. «La ligne séparant les sans-abris et ceux qui ne le sont pas encore mais sont à bout de force s'estompe», dit-il. À la tête de la «Brigade vitamine», il distribue des sandwichs aux SDF mais «depuis que les prix se sont envolés, des gens ordinaires ont commencé à venir demander des restes».

Face à cette situation, la Banque alimentaire a organisé une collecte inédite en mai pour «apporter un soutien à tous ceux qui ont été plongés dans l'incertitude du fait de l'inflation».

«Illogique» gel des prix

Si la Hongrie a longtemps joui d'un certain dynamisme économique, en partie grâce aux fonds structurels européens, la donne a changé ces derniers mois. D'autant que Budapest, engagé dans un bras de fer avec Bruxelles sur l'État de droit, attend toujours le versement de milliards d'euros actuellement gelés.

Désormais en récession, affecté par la volatilité de la monnaie locale, le forint, le pays est touché par les répercussions de la guerre en Ukraine voisine. S'il a accepté de les voter, le Premier ministre nationaliste Viktor Orban blâme régulièrement les sanctions de Bruxelles contre la Russie pour expliquer le marasme économique. «L'inflation reculerait si nous choisissions le chemin de la paix plutôt que celui de la guerre», répète-t-il, appelant à un cessez-le-feu dans un conflit que Kiev ne peut gagner selon lui.

Distorsion des mesures

Mais des experts pointent l'effet de distorsion créé par les mesures gouvernementales de plafonnement des prix des denrées alimentaires de base. Même le gouverneur de la banque centrale hongroise, Gyorgy Matolcsy, pourtant proche de Viktor Orban, a fustigé le système.

«Ces interventions peu orthodoxes sur le marché sont totalement illogiques et ne font que repousser l'échéance», juge Peter Akos Bod, économiste à l'université Corvinus. «Au bout du compte, la hausse des prix est répercutée sur les consommateurs», les commerçants augmentant les tarifs des autres biens pour compenser le manque à gagner.

Depuis le 1er juin, un décret impose en outre aux magasins de faire des promotions hebdomadaires sur certains produits. Malgré ces déconvenues, le parti Fidesz de Viktor Orban reste haut dans les sondages. «Les Hongrois méritent de souffrir. On ne se rebelle pas», lance amère Maria Kemenesi, une retraitée de 72 ans rencontrée sur le marché.

(AFP)

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