L’Allemagne veut augmenter l’immigration de la main-d’œuvre qualifiée

Le gouvernement fédéral allemand souhaite favoriser l’immigration de personnes qualifiées et attirer des talents provenant de pays extérieurs à l’Union européenne. [EPA-EFE/CLEMENS BILAN]

Alors que l’économie allemande connaît une récession malgré un faible taux de chômage, le chancelier Olaf Scholz a désigné la pénurie de main-d’œuvre qualifiée comme le principal obstacle à la reprise de la croissance économique, auquel il faudrait remédier en augmentant l’immigration.

Malgré sa « récession technique », caractérisée par deux trimestres de recul économique, le taux de chômage de l’Allemagne est l’un des plus faibles de l’Union européenne, puisque seulement 2,9 % des personnes âgées de 15 à 74 ans étaient sans emploi au mois d’avril, selon les données d’Eurostat.

Toutefois, les entreprises éprouvent des difficultés à trouver des travailleurs qualifiés.

« La pénurie de travailleurs qualifiés est probablement le plus grand obstacle à la croissance dans notre pays », a déclaré M. Scholz lundi (19 juin) lors des « Journées de l’industrie allemande », une conférence annuelle organisée par la Fédération des industries allemandes (BDI).

Pour remédier à ce problème, le gouvernement fédéral allemand souhaite favoriser l’immigration de personnes qualifiées et attirer des talents provenant de pays extérieurs à l’Union européenne.

« L’immigration et la liberté de circulation dans l’Union européenne nous ont aidés et nous ont amenés là où nous nous trouvons aujourd’hui », a indiqué M. Scholz. « Aujourd’hui, cependant, cela ne suffit plus », a-t-il précisé, affirmant qu’il fallait aller voir au-delà des frontières européennes.

Lundi (19 juin), les négociateurs de la coalition tripartite allemande composée du Parti social-démocrate (SPD), de l’Alliance 90/Les Verts et du Parti libéral-démocrate (FDP) sont parvenus à un accord sur une loi migratoire fondée sur un système à points, comme au Canada, qui devrait permettre aux migrants qualifiés d’accéder plus facilement au marché du travail allemand.

La réforme devrait être adoptée par le Parlement allemand ce vendredi (23 juin).

Les nouvelles règles devraient « veiller à ce que nous ayons toujours le contrôle de l’immigration, tout en donnant aux entreprises (c’est-à-dire aux petites et moyennes entreprises, aux artisans et aux grandes entreprises) la possibilité de répondre à leurs besoins », a déclaré M. Scholz.

Les points, attribués en fonction de facteurs tels que l’expérience professionnelle, l’âge, les compétences linguistiques et les relations avec l’Allemagne, devraient permettre aux migrants qualifiés de venir en Allemagne même s’ils n’ont pas de diplôme officiellement reconnu et équivalent à un titre allemand.

La réforme permettra également aux diplômés universitaires étrangers d’obtenir plus facilement le permis de séjour et de travail (la « carte bleue européenne ») en Allemagne, puisque le revenu mensuel brut minimum sera ramené à 3 500 euros.

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Possibilité de changement de statut pour les demandeurs d’asile

Dans le cadre des nouvelles règles, les personnes qui sont arrivées en Allemagne en tant que demandeurs d’asile pourront également travailler et même passer au régime réservé aux migrants qualifiés, à condition qu’elles aient fait l’objet d’une procédure d’asile avant le 29 mars 2023.

Avec l’introduction de cette date repère, le gouvernement veut éviter un « effet d’attraction », car il craint que la possibilité de changer le statut juridique de « demandeur d’asile » en « migrant qualifié » n’encourage les personnes qui n’ont pas droit à l’asile à se rendre en Allemagne.

Néanmoins, les partis d’opposition conservateurs que sont l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne (CDU) et l’Union chrétienne-sociale en Bavière (CSU) ont qualifié la réforme de « signal totalement erroné, en particulier dans le contexte actuel de tension migratoire ».

« En permettant à 160 000 demandeurs d’asile de “changer de voie”, la coalition en feu tricolore confond désormais asile et immigration de main-d’œuvre », a déclaré Andrea Lindholz (CSU), vice-présidente du groupe parlementaire CDU/CSU, dans un communiqué de presse.

« [Cette approche] renforce l’impression dans le monde que toute personne qui parvient à entrer dans notre pays peut y rester », a ajouté son collègue Alexander Throm (CDU).

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Au lieu de procéder à la réforme envisagée sur l’immigration, « le potentiel national doit être activé plus vigoureusement et les ressortissants de l’UE doivent être attirés vers notre marché du travail », a déclaré Mme Lindholz.

En Allemagne, 2,6 millions de jeunes de moins de 35 ans n’ont toujours pas de qualification professionnelle formelle, ce à quoi le gouvernement souhaite remédier en faisant mieux correspondre ceux qui quittent l’école avec les possibilités de formation.

Néanmoins, le gouvernement estime que cette mesure ne suffira pas à combler le déficit dû au vieillissement de la population.

« À partir de 2025, les cohortes à taux de natalité élevés, les baby-boomers, prendront leur retraite », a déclaré en mai le ministre du Travail, Hubertus Heil (SPD). « C’est pourquoi nous devons tout mettre en œuvre pour garantir la disponibilité de main-d’œuvre et de travailleurs qualifiés », a-t-il poursuivi.

M. Scholz a également établi une comparaison avec le « miracle économique » des années 1950 à 1970, au cours desquelles l’Allemagne s’est fortement appuyée sur les « travailleurs invités », soit plus de 14 millions d’immigrés venus de pays tels que l’Italie, la Turquie, l’Espagne et la Grèce, dont 11 millions sont ensuite retournés dans leur pays d’origine.

« Nous l’avons déjà fait en Allemagne lorsque la pénurie de main-d’œuvre était importante », a indiqué M. Scholz, « et nous le ferons à nouveau ».

« Nous sommes depuis longtemps un pays d’immigration », a-t-il ajouté, ce qui permettra à « notre économie et à notre prospérité de continuer à croître ».

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[Édité par Anne-Sophie Gayet]

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