Pourquoi le gouvernement de Vichy a-t-il déboulonné les statues de nos "grands hommes" ?

La statue en bronze de Jean-Jacques Rousseau qui était installée sur la place du Panthéon à Paris a été déboulonnée et fondue en 1942 sous le régime de Vichy - E. L. D. (Ernest Le Deley), Public domain, via Wikimedia Commons
La statue en bronze de Jean-Jacques Rousseau qui était installée sur la place du Panthéon à Paris a été déboulonnée et fondue en 1942 sous le régime de Vichy - E. L. D. (Ernest Le Deley), Public domain, via Wikimedia Commons
La statue en bronze de Jean-Jacques Rousseau qui était installée sur la place du Panthéon à Paris a été déboulonnée et fondue en 1942 sous le régime de Vichy - E. L. D. (Ernest Le Deley), Public domain, via Wikimedia Commons
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Entre 1940 et 1945, rien qu'à Paris, 144 statues ont été détruites par le régime de Vichy qui a assuré le gouvernement de la France durant l'occupation du pays par le Troisième Reich. Pourquoi déboulonner des gloires de la République ?

Il s'agit là d'une question mémorielle qui n'a rien de nouveau. Il y a ceux qui estiment légitime qu'on déboulonne les statues des héros de l'histoire coloniale et ceux qui dénoncent ces actions comme des formes de vandalisme. Ceux qui dénoncent le déboulonnage des statues verront dans ce précédent historique la preuve qu'il s'agit bien là d'une agression contre les valeurs de la République puisque le régime impulsé par le maréchal Pétain et ses sbires s'inscrivait explicitement en rupture avec la démocratie républicaine.

“Pas un homme ! Pas un gramme de métal ! Pas un centime aux traîtres de Vichy et aux boches ! "

Pourtant, la réalité est plus complexe car la principale raison qui a incité les autorités pétainistes à détruire ces statues ne s'explique pas par des considérations d'ordre idéologique, mais par des nécessités matérielles. C'est la pénurie extrême des métaux non ferreux qui a motivé la politique de fonte des statues sous l'Occupation. Ces métaux jouaient en effet un rôle de premier plan dans la production industrielle et l’économie de guerre. Avant 1939, la France importait la majeure partie de ces matériaux, mais la guerre a complètement bloqué ces échanges. Les Allemands ont alors fait pression sur les autorités françaises pour qu'elles leur fournissent ces précieux métaux par tous les moyens, y compris en fondant des statues. La fonte des statues apparaissant intolérable aux yeux des patriotes. La Résistance s'empara du sujet pour dénoncer la collaboration. “Pas un homme ! Pas un gramme de métal ! Pas un centime aux traîtres de Vichy et aux boches !"

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Abel Bonnard s'engagea dans un effort de redéfinition de la notion de "Grands hommes" visant à éliminer les "fausses gloires" républicaines

Le fait que ce déboulonnage ait été principalement motivé par des raisons économiques n'empêche pas que le choix des statues qui devaient en faire les frais a été justifié par des arguments politiques. Abel Bonnard, qui fut ministre de l’Éducation nationale de 1942 à 1944, s'engagea dans un effort de redéfinition de la notion de "Grands hommes" visant à éliminer les "fausses gloires" » républicaines. (...)

Bibliographie

Christel Sniter, " La fonte des Grands hommes. Destruction et recyclage des statues parisiennes sous l'Occupation (archives)", Terrains & travaux, 2007, n° 13, pages 99 à 118.

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