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Naufrage de migrants en Grèce: les révélations glaçantes de l'enquête

Le naufrage d'un bateau de bateau de migrants qui traversait la Méditerranée a fait au moins 82 morts la semaine dernière au large de la Grèce. Les témoignages font état de la cruauté des passeurs et de mensonges des autorités grecques.

L'horreur aux portes de l'Europe. Une semaine après le terrible naufrage d’un bateau de migrants au large de la Grèce, les témoignages révélés par des médias grecs et la justice montrent la cruauté des passeurs et des questions se posent sur l'inaction des gardes-côtes Grecs.

On peut aujourd’hui reconstituer le parcours de ces centaines de malheureux qui sont morts en mer il y a huit jours. La majorité d’entre eux venaient du Pakistan et en particulier du Cachemire, une région en guerre. Avant d’embarquer, ils ont souvent passé plusieurs semaines en Libye, parqués dans des hangars, mal nourris et maltraités.

Puis ils ont embarqué le vendredi 9 juin depuis Tobrouk près de la frontière égyptienne. Ils avaient passé entre 4.000 et 6.000 euros pour cette traversée. On leur avait montré des photos d’un très beau bateau sur lequel ils ne devaient théoriquement n'être qu’une cinquantaine, ils ont finalement découvert qu’ils étaient plus de 700 sur un très vieux chalutier.

La traversée a tout de suite viré au cauchemar

Dès le dimanche, 48 heures après le départ, le moteur a donné des signes de faiblesse, l’eau potable a commencé à manquer, et le mardi des passagers ont lancé des appels à l’aide en indiquant qu’il y avait déjà des morts à bord du bateau.

Ce voyage était un cauchemar, en particulier pour les femmes et les enfants qui ont tout de suite été enfermés dans la cale, sous prétexte de les mettre à l'abri des passagers masculins.

Les Pakistanais ont également majoritairement été confinés dans le bateau, avec l'interdiction de sortir à l’air libre et de se rendre aux toilettes. Les passeurs égyptiens avaient réservé les places sur le pont aux passagers Egyptiens et Syriens.

Lorsque le bateau a finalement coulé, logiquement, les 104 rescapés qui ont été secourus en mer étaient presque tous Syriens et Égyptiens, il n’y avait que 12 Pakistanais et surtout, il n’y avait aucune femme. Les 104 rescapés qui ont pu être récupérés par les gardes-côtes grecs étaient tous des hommes: 104 hommes, 0 femme.

Et parmi ces rescapés, il y avait les passeurs. Arrivés à terre, neuf d’entre eux ont été dénoncés par les passagers. Ils ont été arrêtés et seront jugés en Grèce. Ils risquent la prison à vie…

La Grèce a aussi ouvert une enquête sur l’action des gardes-côtes

Beaucoup de questions restent en suspens. Les autorités grecques ont d’abord affirmé qu’un hélicoptère a repéré le navire le mardi dans la journée mais qu’il naviguait, à ce moment-là, normalement vers l’Italie et qu’il n’y avait pas de raison d’intervenir. C’est un premier mensonge parce que l’on sait maintenant que le mardi après-midi, le bateau n'avançait plus. Il était à la dérive. On l’a déterminé avec les témoignages des rescapés et avec la géo-localisation des téléphones portables des passagers.

Contrairement à ce qui a été dit, y compris par le Premier ministre, les Grecs savaient donc le mardi après-midi qu’il y avait un vieux chalutier surchargé et en panne, en pleine mer dans des eaux dont ils avaient la responsabilité. A ce stade, le droit maritime commande qu’une opération de secours soit déclenchée en envoyant des bateaux militaires sur place et en demandant à tous les navires de se rapprocher. Cette opération de secours n’a pas été ordonnée.

Plusieurs navires ont tout de même approché le bateau

D’abord, deux navires civils vers 18 heures et 21 heures se sont approchés. L’un d’entre eux a pu se mettre bord à bord et transférer des vivres et de l’eau. Et puis dans la soirée est arrivé un patrouilleur des gardes-côtes. Selon la version des gardes-côtes, ils ont tenté d’envoyer un câble pour tracter le bateau, mais les passagers ou les passeurs l'auraient rejeté en affirmant n’avoir pas besoin d’aide et vouloir continuer de se rendre en Italie.

Ce n’est pas ce que racontent les rescapés. Selon eux, au moment du naufrage, le bateau était tracté par le patrouilleur grec. Une mauvaise manœuvre serait donc à l'origine du drame. Au milieu de la nuit, le patrouilleur a annoncé que le bateau venait de couler en moins de 15 minutes…

Nicolas Poincaré (édité par J.A.)