La zone euro entre en récession technique : des agro-industriels profitent-ils de l'inflation ?

Evolution du PIB des 20 pays de la zone euro, par rapport au trimestre précédent, selon Eurostat ©AFP - SOPHIE RAMIS, JONATHAN WALTER / AFP
Evolution du PIB des 20 pays de la zone euro, par rapport au trimestre précédent, selon Eurostat ©AFP - SOPHIE RAMIS, JONATHAN WALTER / AFP
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La zone euro est entrée en récession cet hiver, pénalisée par le recul de la consommation sous l'effet des hausses de prix et par les difficultés de l'industrie allemande. La presse s'interroge sur les grandes surfaces et agro-industriels qui profitent de l'inflation pour augmenter leurs profits.

La zone euro est entrée en récession cet hiver, pénalisée par le recul de la consommation sous l'effet des hausses de prix et par les difficultés de l'industrie allemande, selon des données publiées jeudi par Eurostat. L'économie de la zone euro s'est contractée de 0,1% au cours des deux derniers trimestres, indique le Financial Times, ce qui marque un ralentissement du PIB dans ce groupe composé de 20 pays de l'Union européenne qui ont adopté la monnaie unique. Il s'agit d'une récession technique, précise le quotidien économique britannique. Une récession réelle de l’économie correspondrait à une année complète de croissance négative du PIB. Nous n'en sommes pas là et  Politico, le site d'information américain, estime que "la crise de l'énergie, la guerre en Ukraine, l’inflation et le resserrement monétaire ont rongé la dynamique de croissance au cours de l'hiver. Les estimations rapides publiées en avril suggéraient pourtant une légère croissance dans la zone euro pour le premier trimestre de l'année".

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L'Allemagne a subit un fort contre-coup économique de la guerre en Ukraine : la correction à la baisse de la zone euro, apportée jeudi, fait suite aux données de l'Allemagne. "La plus grande économie de la zone euro s'est également contractée pour un deuxième trimestre consécutif, l'impact de la guerre en Ukraine pourrait avoir été plus profond que prévu", suggère le Wall Street Journal. **Dans un pays qui tire sa force de ses exportations, *"*la production industrielle a fortement chuté en mars. En raison de sa taille, l'économie allemande peut à elle seule tirer la zone euro [...] vers le bas, malgré la croissance d'autres grandes économies, comme la France, l'Italie et l'Espagne", souligne le quotidien américain. L'industrie allemande et européenne a été "déstabilisée" par une série de chocs : elle souffre de ne plus avoir accès au gaz russe, les livraisons ayant été interrompues dans le contexte de la guerre en Ukraine. Elle pâtit aussi de sa dépendance aux fournisseurs chinois dans les énergies renouvelables, en plein boom. Dans l'automobile, les constructeurs chinois profitent de l'électrification pour doubler leurs concurrents allemands.

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Les courses alimentaires ont atteint des niveaux record en Irlande, augmentant en moyenne de 1 200 euros depuis le début de l'année, pour une famille
Les courses alimentaires ont atteint des niveaux record en Irlande, augmentant en moyenne de 1 200 euros depuis le début de l'année, pour une famille
- Kinga Krzeminska

L'Irlande est le pays dont la croissance a le plus reculé dans la zone euro : si la Lituanie, les Pays-Bas, l'Estonie, Malte, la Hongrie, la Grèce et l'Allemagne sont entrés en récession, note le Wall Street Journal, l'économie irlandaise a le plus reculé avec - 4,6%. "Le petit pays, qui abrite des géants américains de la Tech et des sociétés pharmaceutiques dont le siège est à Dublin, a longtemps été l'économie à la croissance la plus rapide de la zone euro", explique le quotidien financier américain. Mais l'Irlande a connu une baisse de près de 45% de la production industrielle en mars "sous l'impulsion des sociétés pharmaceutiques américaines". Ont-elles manqué de matières premières ? Ont-elles été refroidies par la hausse des impôts irlandais ? Aucune explication fournie par le bureau irlandais des statistiques, explique le Wall Street Journal. Quant au quotidien The Irish Independent, il préfère voir le verre à moitié plein, sur le front de la récession et de l'inflation, en titrant : "Les baisses de prix vont déclencher une nouvelle guerre des supermarchés", après la décision de la chaîne Tesco de réduire le coût de 700 produits alimentaires, notamment.

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Les prix alimentaires vont-ils enfin baisser ?

Les courses alimentaires ont atteint des niveaux record en Irlande, augmentant "en moyenne, de 1 200 euros depuis le début de l'année, pour une famille", comparé à la même période l'an dernier, explique  The Irish Independent. Ces familles vont être soulagées car la chaîne de supermarchés Tesco va réduire 700 produits de 10 centimes en moyenne et cela va bien au-delà des réductions sur le pain, le beurre et le lait de sa propre marque. Cela devrait engendrer une spirale des prix à la baisse, selon le journal The Irish Independent et le ministre irlandais des finances Michael McGrath, interrogé, jeudi, sur RTÉ Radio 1, la radio nationale irlandaise la plus écoutée du pays. "Il pourrait s'agir d'un tournant important en ce qui concerne les prix des produits d'épicerie pour les consommateurs. Nous savons que les gens sont très sensibles aux prix, qu'ils font leurs courses et qu'ils votent avec leurs pieds. Je m'attends à ce que d'autres chaînes de supermarchés baissent leur prix, après Tesco." Et si les grandes surfaces ne changent rien, demande le journaliste de RTÉ Radio 1 ? "Nous les rencontrerons, une fois de plus", a répondu le ministre des Finances irlandais Michael McGrath. Il le martèle : puisque que le coût des matières premières baissent, tout comme le prix des intrants agricoles, les industriels doivent répercuter cette réduction sur les consommateurs.

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Les supermarchés dans le viseur de l'autorité de la concurrence britannique : Tessa Elliot, qui cultive des pommes de terre dans le Pembrokeshire, au Pays de Galles, explique à la BBC que le prix des intrants n'a pas baissé et que son exploitation familiale a dû faire face à des augmentations de coûts "presque quotidiennes" pour des produits essentiels tels que les semences et les engrais. "L'engrais que nous payions environ 290 livres sterling est passé à 900 livres sterling pour le même sac", explique Tessa, dont la famille exploite une ferme galloise depuis plus de quarante ans. "Les coûts de main-d'œuvre ont aussi augmenté", détaille l'agricultrice, alors que le Royaume-Uni réfléchi, à une "immigration choisie" pour faire baisser l'inflation et répondre au manque de main d'œuvre dans certains secteurs comme l'agriculture, relève la BBC. La radio-télévision britannique poursuit : "si ces coûts ont sapé les bénéfices des agriculteurs, ils se sont également traduits par des coûts plus élevés pour les consommateurs, les prix des denrées alimentaires ayant augmenté de près d'un cinquième entre avril 2022 et avril de cette année."  L'autorité de la concurrence et des marchés britannique enquête actuellement sur tous les supermarchés accusés de faire payer trop cher, à leurs clients, les denrées alimentaires et des carburants.

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Comment l'"excuseflation" maintient les prix et les bénéfices des entreprises à un niveau élevé

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L'agence américaine Bloomberg, spécialisée dans l'économie et la finance, nous fait découvrir un nouveau mot : "excuseflation", mot valise qui réunit "excuse" et "inflation". Ce concept permet aux agro-industriels et aux grandes surfaces de maintenir les prix - et les profits - au plus haut, alors que le coût des matières premières diminue, précise Bloomberg. "Qu'il s'agisse de la farine de seigle ou de la grippe aviaire qui affecte les œufs, lorsque cela fait la Une de l'actualité nationale, c'est l'occasion d'augmenter les prix, sans que les consommateurs ne se plaignent", déclare à l'agence économique Ken Jarosch, propriétaire de la Jarosch Bakery, une pâtisserie de la banlieue nord-ouest de Chicago. Samuel Rines, directeur général de la société de conseil Corbu confirme : "tout le monde fait du PPP", un raccourci pour "Pepsi pricing power" - le “pouvoir de fixer les prix de Pepsi”. Le géant du soda aurait compensé ses pertes de chiffre d’affaires en Russie en augmentant ses prix sur ses autres marchés, sans que les consommateurs ne se détournent de Pepsi.

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Payer le prix fort pour des produits de moindre qualité : d'autres techniques permettent aux agro-industriels de maintenir leurs profits, entretenant ainsi l'inflation : le journal suisse Le Temps nous souhaite, ironiquement, "bienvenue en 'cheapflation'". Cet autre mot-valise combine "cheap" - pas cher, en anglais" et "inflation". "Face à la progression de l’inflation et à la baisse du pouvoir d’achat des consommateurs, les fabricants de denrées alimentaires et les distributeurs tentent de s’adapter pour éviter une érosion de leurs marges", écrit le quotidien suisse. Ainsi, des entreprises réduisent "la part des composants de bonne qualité, donc coûteux”, pour conserver leurs profits et ceux de leurs éventuels actionnaires.

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Payer plus pour manger moins : "du yaourt en passant par les chips, les fabricants réduisent discrètement la taille des produits sans baisser les prix. C'est ce qu'on appelle la "shrinkflation" [mot valise pour parler du rétrécissement - "shrink" et de l'"inflation"], et ça s'accélère dans le monde entier", affirme la NPR, la radio publique aux Etats-Unis. La "shrinkflation" n’est pas nouvelle, mais elle prospère en temps de crise*, "avec l'augmentation des prix des matières premières, des emballages, du travail et du transport"*. A ce sujet, d'ailleurs, la ministre déléguée chargée des PME et du commerce, Olivia Grégoire a annoncé, jeudi, qu'elle saisirait "en septembre" le Conseil national de la consommation afin qu'il enquête sur la "shrinkflation" et les "formats spéciaux", après la diffusion du magazine Complément d'enquête sur France 2, intitulé "L'inflation : les coups bas des hypers".

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