Revenge porn : "C'est une attaque extrêmement forte à l'intimité, c'est comme un viol"

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Revenge porn : "C'est une attaque extrêmement forte à l'intimité, c'est comme un viol"

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Le "revenge porn" concerne très majoritairement des femmes [photo d'illustration].
Le "revenge porn" concerne très majoritairement des femmes [photo d'illustration].
© Getty - Boy_Anupong

Le terme de "revenge porn" revient dans l'actualité à l'approche du procès de l'affaire Griveaux, jugée mercredi à Paris. Cinq questions sur ce délit à Justine Atlan, directrice générale de l'association e-enfance, qui gère le numéro national d'aide aux victimes de violences numériques, le 3018.

C'est un scandale qui a fait tomber l'un des premiers ténors de la macronie : l'affaire Griveaux est jugée mercredi à Paris. L'artiste russe Piotr Pavlenski et sa compagne Alexandra de Taddeo sont jugés pour "atteinte à l'intimité de la vie privée" de l'ancien secrétaire d'État. Ils sont accusés d'avoir diffusé sur Internet en février 2020 des vidéos intimes de Benjamin Griveaux, qui avaient ensuite circulé en masse sur les réseaux sociaux, poussant le député à renoncer à sa campagne pour la mairie de Paris.

Ce dont a été victime Benjamin Griveaux est une forme de "revenge porn", c'est-à-dire la diffusion de contenus intimes sans le consentement de la personne. Le "revenge porn", qui frappe principalement les femmes, est considéré comme un délit. La peine peut aller jusqu'à deux ans d’emprisonnement et 60.000 euros d'amende.

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Cette technique de vengeance a augmenté pendant le confinement et n'est pas redescendue depuis. Cela représente aujourd'hui près d'un signalement sur trois reçus par le numéro national 3018, dédié aux violences numériques visant les jeunes. Entretien avec sa directrice générale, Justine Atlan.

FRANCE INTER : Qu'est-ce que le "revenge porn" ?

JUSTINE ATLAN : "C'est le fait de diffuser et de rendre public un contenu photo ou vidéo qu'on a reçu d'une personne et qui est à caractère érotique ou pornographique, sans le consentement de la personne. L'exemple type, c'est une jeune fille qui envoie une photo, une vidéo d'elle à son conjoint et celui-ci décide tout seul de diffuser au plus grand nombre cette image."

Qui sont les victimes ?

"Cela concerne très majoritairement les femmes et davantage les adolescentes parce que l'envoi de ce qu'on appelle des nudes, c'est-à-dire des images à caractère sexuel, est beaucoup plus banalisé chez les jeunes dans des comportements de séduction, de rencontres ou de relations en ligne. Mais on constate depuis déjà un certain nombre d'années que les femmes adultes sont également victimes. Ce sont des comportements volontairement malveillants, très majoritairement d'hommes vis-à-vis de femmes avec qui, souvent, ils ont eu ou ont souhaité avoir une relation intime."

Quelles sont les ravages que cela engendre ?

"C'est absolument terrible pour ceux qui le vivent parce que c'est comme un viol. C'est une attaque extrêmement forte à l'intimité, à la pudeur, parce que c'est un contenu à caractère sexuel, une image de son corps qu'on a accepté de prendre et de confier dans le cadre d'une confiance, d'une relation à un tiers et que cette personne s'autorise à la diffuser sans demander votre avis. C'est comme un viol. En plus, cela perpétue un comportement extrêmement sexiste, qui existe dans la société depuis des millénaires, de vouloir entacher l'image et la réputation d'une femme avec l'utilisation de son corps et de sa sexualité. C'est vraiment dévastateur à plein de niveaux. Et les victimes sont absolument traumatisées, elles n'osent plus sortir de chez, elles ont l'impression que tout le monde les regarde en ayant cette image en tête et c'est vraiment gravissime."

Comment éviter le "revenge porn" ?

"Il y a deux postures. Soit, on va dire à son enfant de ne jamais envoyer de photos à caractère intime parce que le risque existe. L'idéal, c'est ça. Maintenant, il faut aussi être pragmatique : on sait que les adolescents vont être amenés à le faire pour des raisons diverses et variées et qu'il y a des moments dans la vie où on a beau savoir ce qu'il ne faut pas faire, on fait quand même les choses. Dans ce cadre-là, il faut s'autoriser aussi à dire à son enfant que si jamais il est tenté de le faire, il faut qu'il le fasse sans montrer son visage et sans montrer tatouage, piercing ou autre qui permettraient de l'identifier. Ce qui fait que si quelqu'un diffuse le contenu, il pourra toujours nier et la majorité des gens seront incapables de le reconnaître. C'est déjà une façon de se protéger."

Que faire si notre enfant est victime de "revenge porn" ?

"Si vous êtes parent et que votre adolescent vous confie qu'il ou elle est victime de ce type de contenus, il faut impérativement contacter le 3018 - par téléphone ou par l'application - et nous on va pouvoir les signaler tout de suite au service de modération des plateformes. On a une procédure prioritaire et dans le quart d'heure qui suit notre signalement, ils vont pouvoir bloquer ce contenu et ensuite lui mettre une espèce de puce d'identifiant qui fait que si jamais ce contenu est reposté sur leur plateforme, il va être bloqué instantanément avant même d'être publié."

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