Rechercher
Rechercher

Société - Droits humains

Le Liban se fait épingler pour son manque de réactivité dans la lutte contre la torture

La directrice pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à HRW met en avant l'importance de l'indépendance de la justice dans la lutte contre la torture. 

Le Liban se fait épingler pour son manque de réactivité dans la lutte contre la torture

Des officiers des Forces de sécurité intérieure (FSI) devant le Palais de justice à Beyrouth. Photo Hassan Ammar/AFP

Le Liban s'est fait épingler dans un rapport publié par plusieurs organisations de défense des droits de l'homme en raison de l'absence de progrès dans la lutte contre la torture pratiquée par des agents de sécurité, et ce malgré l'adoption, il y a plus de cinq ans, d'une loi anti-torture.

Neuf organisations, dont Human Rights Watch (HRW), ont publié lundi une déclaration commune exhortant les autorités libanaises à appliquer efficacement la loi anti-torture. La déclaration met en lumière des cas spécifiques de torture et de mauvais traitements, l'absence de mise en œuvre complète de la législation et les violations des obligations internationales du Liban. Les signataires comprennent l'Association Justice & Mercy (AJEM), le Cedar Centre for Legal Studies, la Helping Hands Foundation Lebanon, HRW, le Khiam Rehabilitation Center for Victims of Torture (KRC), le Lebanese Center for Human Rights (CLDH) et Legal Agenda.

Les principaux points du communiqué :

L'absence de mise en œuvre de la loi anti-torture : Malgré la promulgation il y a cinq ans de la loi n° 65/2017, qui criminalise la torture, les autorités libanaises n'ont pas pleinement mis en œuvre ce texte. Le gouvernement a nommé les membres du Mécanisme national de prévention de la torture en 2019, mais les décrets d'application nécessaires pour que ce mécanisme commence son travail n'ont pas encore été adoptés.

Des enquêtes et des poursuites inadéquates : Le cas de Bachar Abdel Saoud, un réfugié syrien décédé en septembre 2022 après avoir été supposément torturé par la Sécurité de l'Etat, illustre l'absence de progrès. La plainte a été transmise à la justice militaire plutôt qu'aux tribunaux civils, contrairement aux dispositions de la loi anti-torture. Bien que des actes d'accusation aient été émis, l'affaire reste en suspens et le tribunal militaire reste compétent.

Lire aussi

Pour la première fois au Liban, une magistrate applique la loi anti-torture

Un autre cas est relevé, dans lequel "le procureur général de Beyrouth a rejeté une plainte pour torture", le 11 janvier 2022, "déposée par le dramaturge Ziad Itani contre des membres de la Sécurité de l'État sans fournir d'explication, et apparemment sans mener d'enquête approfondie. M. Itani avait été arrêté par la Sécurité de l'État en 2017 sur des soupçons d'espionnage pour Israël et a déclaré avoir été soumis à la torture. En 2018, un acquitement a été prononcé".

Violations des droits des détenus : Les services de sécurité ont fréquemment refusé aux détenus le droit à une représentation juridique lors des interrogatoires préliminaires, en violation de l'article 47 du Code de procédure pénale. Des violences physiques ont été signalées dans certains cas, comme dans celui de Abdel Saoud.

Expulsion de réfugiés syriens : La déclaration critique l'expulsion soudaine de réfugiés syriens vers la Syrie, ces dernières semaines, et ce en violation des obligations du Liban en vertu du droit international, y compris le principe de non-refoulement. Les déportations ont eu lieu sans que les réfugiés aient accès à des conseils juridiques ou qu'ils puissent entrer en contact avec le Haut commissariat des réfugiés.

Lire aussi

Réfugiés syriens, le grand embrasement

Recommandations
Face à ces constats, les organisations signataires ont formulé plusieurs recommandations à l'intention des autorités libanaises. Elles les ont appelées à garantir les droits des détenus en leur donnant accès à une représentation juridique et à des examens médicaux lors des interrogatoires préliminaires et en respectant les délais de détention provisoire prévus par le Code de procédure pénale. 

La déclaration commune exhorte également les autorités à mener des enquêtes rapides, indépendantes et impartiales sur les allégations de torture et de mauvais traitements et à renvoyer toutes les affaires de torture devant les tribunaux ordinaires, en garantissant des procès indépendants, équitables et transparents. Lama Fakih, directrice pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à HRW, a en effet affirmé à L'Orient Today que "l'un des problèmes de base est que les plaintes déposées jusque-là pour des allégations de torture n'ont pas fait l'objet d'une enquête en bonne et due forme. C'est une constatation qui concerne tous les organismes sécuritaires". "Pour que la loi ait un sens, il faut qu'elle soit plus que des mots sur le papier", a-t-elle ajouté.

Les organisations de défense des droits de l'homme ont également demandé aux autorités libanaises de cesser d'expulser soudainement les réfugiés syriens et de permettre aux personnes risquant d'être expulsées de demander des conseils juridiques. Elles ont réclamé que la loi anti-torture soit modifiée afin de s'aligner sur les obligations internationales du pays au titre de la Convention des Nations Unies contre la torture.

Indépendance de la justice
La Convention des Nations Unies contre la torture, dont le Liban est signataire, "exige que le pays mette en œuvre un mécanisme national de prévention [contre la torture]", a déclaré Mme Fakih. "Le pouvoir judiciaire est une institution essentielle, en première ligne pour protéger le pays, mais il n'a jamais été correctement mis en place, financé ou doté de l'indépendance nécessaire pour lui permettre d'exercer son travail de manière efficace", a-t-elle regretté. Elle a assuré qu'avec d'autres organisations, HRW entend "travailler avec les parlementaires pour renforcer la proposition de loi sur l'indépendance de la justice, qui garantirait que les juges sont sélectionnés pour leur formation, leurs connaissances, et non sur la base de nominations ou de relations politiques".

"Alors que la situation économique du pays s'est également détériorée, nous savons que les conditions de détention dans les centres de détention au Liban se sont considérablement dégradées, ce qui est d'autant plus préoccupant", a ajouté Mme Fakih.

Manque d'engagement
"Nous avons constaté que le Liban ne s'est pas pleinement engagé dans plusieurs mécanismes de l'ONU", a encore soulevé Mme Fakih, qui pointe notamment du doigt des "tentatives de communication de la part d'un rapporteur spécial pour discuter de l'indépendance de la justice, auxquelles le gouvernement libanais n'a jamais répondu".

L'avocat Melhem Khalaf, député issu de la contestation et membre de la commission parlementaire des droits de l'homme, a déclaré à L'Orient Today que lui-même et d'autres députés ont demandé "que des enquêtes soient menées sur certaines affaires de torture". "On nous a répondu qu'il s'agissait d'enquêtes internes privées et qu'elles ne pouvaient pas être révélées. Mais ces questions devraient être publiques", a-t-il affirmé. Selon M. Khalaf, la Sécurité de l'État prétend disposer d'une unité spéciale chargée des questions relatives aux droits de l'homme, mais "nous avons déposé plus de 18 plaintes concernant plusieurs cas de torture et elles n'ont pas été prises en considération".

"Cependant, la Sécurité de l'État ne doit pas être la seule entité concernée par les questions de droits de l'homme ; le pouvoir judiciaire doit également être impliqué", a souligné M. Khalaf.

Le Liban s'est fait épingler dans un rapport publié par plusieurs organisations de défense des droits de l'homme en raison de l'absence de progrès dans la lutte contre la torture pratiquée par des agents de sécurité, et ce malgré l'adoption, il y a plus de cinq ans, d'une loi anti-torture.Neuf organisations, dont Human Rights Watch (HRW), ont publié lundi une déclaration...

commentaires (2)

Encore faut il avoir une justice pour que ces plaintes et ces exactions sont recevables. Vous oubliez que notre justice a été troqué contre des dollars et des justiciers vendus au service des tortionnaires de leur pays et de son peuple? Ben je vous le rappelle, la justice est morte et enterrée dans notre pays d’où le besoin urgent de voter un président à la hauteur qui vienne mettre un coup de pied dans ce fourmilière composée de traîtres qui ne cessent de grignoter notre pays pour se goinfrer et de se pavaner fiers du travail accompli. Tous ceux qui détiennent les postes clés de notre pays et ses ministères régaliens ne sont pas en reste. Vive la démocratie et vive le Liban libre garder par des mafieux et des mercenaires corrompus.

Sissi zayyat

15 h 44, le 28 juin 2023

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Encore faut il avoir une justice pour que ces plaintes et ces exactions sont recevables. Vous oubliez que notre justice a été troqué contre des dollars et des justiciers vendus au service des tortionnaires de leur pays et de son peuple? Ben je vous le rappelle, la justice est morte et enterrée dans notre pays d’où le besoin urgent de voter un président à la hauteur qui vienne mettre un coup de pied dans ce fourmilière composée de traîtres qui ne cessent de grignoter notre pays pour se goinfrer et de se pavaner fiers du travail accompli. Tous ceux qui détiennent les postes clés de notre pays et ses ministères régaliens ne sont pas en reste. Vive la démocratie et vive le Liban libre garder par des mafieux et des mercenaires corrompus.

    Sissi zayyat

    15 h 44, le 28 juin 2023

  • Quand les juges eux-memes considerent la torture comme un moyen acceptable pour obtenir des aveux !

    Michel Trad

    08 h 46, le 28 juin 2023

Retour en haut